Le 11 février dernier, nous évoquions sur ce blog la réforme du Code du travail annoncée par le gouvernement. Après la remise du rapport élaboré par la commission Badinter, le gouvernement et notamment la ministre du travail Myriam El Khomri prévoyaient de présenter cette réforme en conseil des ministres le 9 mars prochain.
A cette époque, l’une des orientations critiquées de la réforme concernait les négociations collectives remodelées. Je vous laisse lire ce que nous en disions.
Depuis, le projet de loi a « cristallisé les oppositions » venues de toute part. Une pétition rassemblant plus de 800 000 signatures et des menaces conjointes de conflit social de la part des syndicats unis, ont poussé le gouvernement à revoir sa copie.
La CFDT a, par la voie de son secrétaire général Laurent Berger, prévu « de se battre dans la concertation pour obtenir un rééquilibrage du texte ». La Confédération exige un retrait du plafonnement des indemnités prud’homales ainsi qu’un rééquilibrage du cadre des licenciements économiques.
Ce sont ces deux mesures qui concentrent le plus d’opposition.
Hier, lundi 29 février, le premier ministre Manuel Valls a donc récupéré la réforme en annonçant le report de sa présentation en conseil des ministres au 24 mars prochain. Deux semaines a t’il dit pour discuter avec les syndicats et éventuellement revoir ou enrichir le texte « si besoin ».
Il a prévu de mettre ces deux semaines supplémentaires à profit pour recevoir les partenaires sociaux notamment.
L’assouplissement des 35h ainsi que l’extension du forfait jour dans les PME pourrait également être revus.
En revanche, « le coeur du texte », le renforcement des accords d’entreprises ne devrait pas être rediscuté, malgré les réactions qu’il suscite depuis le début.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement a d’ores et déjà changé l’intitulé du texte sur le site du gouvernement. « L’avant-projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » est devenu « Les nouvelles protections pour les entreprises et les salariés ».
On ne parle donc plus d’actifs mais de salariés. Un titre certainement plus vendeur. Cela suffira t’il néanmoins à redorer le blason de ce projet de loi ?
Retour sur les mesures qui ont cristallisé les oppositions depuis la mi-février.
Le licenciement économique en ballotage défavorable
Le projet de loi prévoit qu’une entreprise pourra si la loi est votée faire un plan social sans justifier de difficultés économiques comme c’est le cas actuellement. Les conditions d’un licenciement économiques sont également plus favorables aux salariés qu’un licenciement stricto sensu.
Cette mesure provoque un tollé.
Les conditions du licenciement
En cas de licenciement illégal, l’indemnité prud’homale serait plafonnée à 15 mois de salaire. Il n’y aurait également plus de minimum fixé par la loi concernant les dommages et intérêts versés en cas de licenciement injustifié.
De plus, la loi faciliterait les licenciements en cas de transfert d’entreprise.
Matignon est « prêt à discuter des curseurs » sur le plafonnement des indemnités prud’homales ainsi que les licenciements économiques mais n’envisage pas une suppression de ces mesures.
Le temps de travail remodelé
Concernant le temps de travail des salariés, une entreprise pourrait par accord revenir dessus et le changer. Un accord pourrait faire évoluer le temps de travail de 10 à 12 heures.
Les temps d’astreinte pourraient également être inclus dans les temps de repos des salariés sous astreinte.
Le plancher de 24 heures hebdomadaires pour un contrat à temps partiel serait également remis en cause.
La négociation d’entreprise
Le gouvernement ne prévoit pas de changer les dispositions prévues concernant la négociation d’entreprise. Cet angle choisi pour faire évoluer le droit du travail en France déplaît aux syndicats mais c’est le point central du texte que l’exécutif souhaite conserver.
Les PME de moins de cinquante salariés pourraient passer des conventions de forfait individuelles en jour ou en heures avec leur salarié.
Après un accord, un salarié qui refuserait un changement dans son contrat de travail pourrait être licencié.
Si le report de la présentation du projet de loi calme les velléités des syndicats représentant les salariés, ces derniers ne perdent pas à l’esprit les mesures qui les font grincer des dents.
Le Medef quant à lui semble satisfait des orientations du texte et ne souhaite pas de changements en profondeur.
Toutefois, il est permis de s’interroger sur la pertinence de telles mesures d’un point de vue strictement juridique. Si le Code du travail perd en attractivité du fait de sa complication, des droits en découlent pour les salariés évoluant dans tous types d’entreprises en France.
On sait que la priorité du gouvernement est de relancer les embauches et redonner du souffle au marché du travail. Si l’emploi est un impératif, il n’est pas prouvé que c’est en remettant en cause des règles de droit du travail que l’on améliorera l’économie.
Une piste de réflexion qui semble intéressante, soutenue dans l’ouvrage de Pascal Lokiec -professeur à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense- « Il faut sauver le droit du travail » publié en janvier 2015.