En cas de litige, certains éléments comme des témoignages ou des documents échangés pendant la négociation peuvent aider les tribunaux à interpréter la volonté des parties. Les juges peuvent aller au-delà de la lettre.
La Cour de cassation s'est prononcée le 3 juin 2009 sur la nature du contrat qui liait les participants à un jeu de télé-réalité.
Les défendeurs avaient signé un acte intitulé "règlement de participants" pour collaborer à l'émission "L'île de la tentation", saison 2003, dont le concept est défini ainsi : "quatre couples... testent leurs sentiments réciproques lors d'un séjour d'une durée de douze jours sur une île exotique, séjour pendant lequel ils sont filmés dans leur quotidien... qu'ils partagent avec des célibataires de sexe opposé.
Il n'y a ni gagnant, ni prix". Des "tentateurs" ont voulu faire requalifier leur contrat en contrat de travail. La Cour de cassation leur a donné raison en s'appuyant sur le fait que "l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs".
Un contrat doit, en principe, être interprété en prenant en compte l'intention des parties (article 1156 du Code civil). En cas de contestation sur le sens à donner à une convention, les juges vont s'attacher à rechercher la volonté réelle des parties plutôt qu'appliquer "à la lettre" un contrat.
Pour ce faire, ils peuvent s'appuyer sur divers éléments, tels que les négociations intervenues avant la signature du document définitif. En tout état de cause, le tribunal devra respecter la volonté des contractants.
Mais les juges peuvent mettre à mal le contrat. Le 3 juin dernier, la Cour de cassation a requalifié un contrat commercial en contrat de travail dans le procès de "L'île de la tentation" (lire l'encadré).
> Attention au préambule : De nombreux accords débutent par un préambule. Celui-ci peut décrire la situation des parties, leurs noms, leurs formes juridiques (SA, SARL...), si celles-ci ont changé, les motifs ou les circonstances qui les ont conduites à conclure un contrat ou l'historique de leurs négociations. Le juge pourra s'y référer lorsque les termes du contrat ne sont pas clairs.
> Soignez la rédaction : Il est important de bien respecter les formes grammaticales. La ponctuation comme l'emploi de prépositions doivent être maîtrisés. Ces éléments peuvent changer le sens des obligations inscrites dans la convention et voulues par les parties.
Ainsi, l'insertion d'une virgule dans une clause prévoyant que "le fournisseur garantit la maintenance du système, et la mise à niveau technologique gratuitement pendant une durée de cinq ans..." a permis aux juges de considérer que les contractants ne souhaitaient appliquer la gratuité du service qu'à la seule mise à niveau et ne s'étendait pas à la maintenance (cour d'appel de Paris, 25 mars 1988).
De même, un trait d'union peut faire toute la différence sur le tribunal compétent en cas de litige. La Cour de cassation a eu à se prononcer sur la mention "Paris-Orly" sur un billet d'avion, le tribunal à saisir pouvant être celui d'Orly ou celui de Paris. Dans cette affaire, les juges ont retenu la compétence d'Orly.
> Soyez clair et précis : Parfois, les contractants emploient des termes et des critères plus ou moins vagues pour rédiger leur contrat, comme "exceptionnel, vraisemblable, prévisible, raisonnable, possible". Leurs engagements seront alors sujets à interprétation et à contestation au moment de leur mise en œuvre.
En cas de différend, il appartiendra aux juges d'apprécier la volonté des parties. Ainsi, les juges ont considéré qu'une clause obligeant à prendre en charge les besoins en trésorerie d'une société sous réserve que celle-ci ne se trouve pas "en réel danger" ne visait pas son dépôt de bilan mais couvrait son besoin d'obtenir un emprunt (Cass. comm., 6 mars 1984).
> Gare aux clauses contradictoires : Face aux multiples questions auxquelles doit répondre un contrat et aux problèmes que celui-ci doit gérer, il arrive que des clauses soient contradictoires à l'intérieur d'une même convention.
Résultat : un texte incohérent que devront interpréter les juges au plus près de la détermination des parties (d'où l'intérêt d'un préambule clair et précis). Le tribunal devra trancher quelle clause primera.
> Organisez les documents contractuels : Le contrat renvoie souvent en annexes la description détaillée des produits à livrer et/ou des prestations à réaliser et, le cas échéant, les documents administratifs nécessaires à l'exécution du contrat (titre de propriété, procès-verbal du conseil d'administration autorisant la signature de la convention, etc.).
Par précaution, il est recommandé aux parties de signer le contrat en dernière page et de parapher toutes les pages (y compris celles des annexes), et ce, même si le paraphe n'est pas une condition de validité du contrat.
En outre, il est prudent d'organiser la hiérarchie des documents contractuels (par ordre de priorité décroissante : contrat, annexes, cahier des charges), ou de prévoir la primauté du contrat lui-même sur les annexes en cas de contradiction entre eux.