Par Guillaume Fort.
Le contentieux relatif au chèque ne se révèle pas au moment de l’émission de l’instrument de paiement mais apparait lors de la présentation du chèque au paiement auprès du banquier tiré.
Concrètement, le contentieux dépend de la suite donnée par le banquier face à un chèque litigieux. Le banquier tiré se trouve alors confronté à deux alternatives : il peut accepter de payer ou refuser le paiement du chèque.
S’il refuse se payer, un incident de paiement apparait.
Avant de prendre sa décision, la loi met à la charge du banquier tiré un certain nombre d’obligations :
- En sa qualité de tiré et en application de l’article L131-38 du Code monétaire et financier (ci-après « CMF »), le banquier doit s’assurer en premier lieu de l’absence d’opposition du paiement du chèque.
- Conformément au droit commun, le tiré doit également procéder à une vérification de la validité du titre : il doit refuser de payer si la falsification du titre est apparente en cas d’altération d’une mention postérieurement à la création du chèque et si les circonstances d’ouverture du compte et de remise du titre étaient suspectes. Précisons que ceux qui, en connaissance de cause, font usage ou tentent de faire usage d’un chèque falsifié ou acceptent de le recevoir peuvent faire l’objet de sanctions pénales prévus à l’art. 163-3 du CMF qui prévoit 7 ans d’emprisonnement et 75 000 Euros d’amende. De même, le banquier doit vérifier la concordance de la signature apposée sur le chèque et celle que lui a fourni son client. En cas de manquement à ces obligations, le banquier engage alors sa responsabilité pour faute.
- Ensuite, le banquier doit vérifier l’existence d’une provision, c'est-à-dire de la créance dont dispose le tireur sur le tiré, en principe dès la création du titre (article L131-4 du CMF).
Cet article abordera en particulier la question du défaut de paiement sous la forme d'un exposé simplifié. Un second article sera consacré à l’opposition au paiement du chèque.
- Le défaut de paiement du chèque
Lorsque le tireur ne dispose pas de fonds suffisants pour payer le chèque, une alternative se présente au banquier :
- il se peut que le banquier tiré doive payer quand même en vertu d'une obligation d'origine conventionnelle ou surtout légale : il en est ainsi pour les chèques délivrer irrégulièrement ou dont la restitution n'a pas été réclamée, ainsi que pour les chèques dont le montant n'excède pas 15€ (article L. 131-82 CMF). Ce faisant, le législateur a entendu régler le problème des très petits chèques pour lesquelles la moindre procédure serait plus onéreuse que le chèque lui-même ; dès lors qu'il est présenté dans le mois de l'émission est sauf s'il refuse le payement pour une cause autre que l'insuffisance de provision, le banquier doit payer. Ces dispositions sont d'ordre public. Le banquier disposera alors d'une action en remboursement de ce crédit forcé et pourra décider de sanctions contractuelles telle la clôture du compte.
- En absence d'obligation conventionnelle ou légale de payer, le banquier peut soit consentir à l'avance nécessaire et couvrir le découvert de son client, de sorte que le chèque est finalement, provisionné et qu'il n'y a pas d'incidents de paiement, ou bien ils refusent de couvrir, en informe préalablement son client et il y a alors défaut de paiement.
Il convient rapidement d'envisager les recours et les sanctions pour défaut de paiement.
A. Les recours pour défaut de paiement
1) Les conditions d’exercice des recours.
- Face à un défaut de paiement, le porteur d’un chèque, à l’identique de celui d’une lettre de change doit faire établir un protêt, sauf clause de retour sans frais, constatant officiellement le non-paiement du chèque et pour se réserver le droit d’exercer ultérieurement ses recours.
- Le protêt doit être dressé même si le compte du tireur est frappé d’opposition et si le chèque est sans provision.
- Le porteur qui n'a pas fait dresser protêt avant expiration du délai de présentation est dit porteur négligeant et est déchu de certains recours cambiaires (dans des proportions différentes qu'en matière de lettre de change).
- En pratique, vu le coût du protêt, la loi du 11 juillet 1985 a prévu un autre moyen aussi efficace afin d'établir le défaut de paiement. Il s'agit du certificat de non-paiement (article L. 131-73 du CMF). Celui-ci permet aux porteurs d'obtenir dans des délais assez brefs un titre exécutoire valant commandement de payer par la simple notification par lettre recommandée avec avis de réception ou la signification de ce certificat au tireur par ministère huissier. S'il n'a pas reçu justifications du paiement dans les 15 jours, l'huissier pourra alors délivrer le titre exécutoire. Ce titre exécutoire lui accorde une priorité de paiement du chèque rejeté, dès lors que le compte du tireur enregistre un versement en application l'article L. 131-74 du CMF.
2) Les actions du porteur impayé
- le porteur diligent dispose d'une action cambiaire contre chacun des signataires, action soumise à une prescription de six mois, à compter de déclaration du délai de présentation (article L. 131-59 CMF).
- Le plus souvent, le porteur et négligent mais cela n'affecte guère ses recours car au terme de l'article L. 131-59 CMF alinéa 3, l'action cambiaire subsiste, en cas de déchéance ou de prescription, contre le tireur qui n'a pas fait provision, jacquier le plus fréquent
- enfin le porteur peut demander le payement en se fondant sur le droit commun, mais il lui appartiendra alors de prouver l'existence de sa créance fondamentale. Le porteur pourra également, en plus du paiement du chèque, obtenir des dommages et intérêts en sa qualité de partie civile au gré du juge pénal (article L. 163-9 CMF) dans l'hypothèse où le tireur est condamné pénalement, pour, par exemple escroquerie, blocage au retrait de provision, émission au mépris d'une interdiction, etc. : articles L. 163-2 et suivants du CMF.
B. Les sanctions pour défaut de paiement
Il n'existe plus aujourd'hui de délit spécifique d'émission de chèque sans provision. La matière a en effet progressivement fait l'objet d'une dépénalisation. Ce mouvement trouve son origine dans les lois du 2 janvier 1972 et du 3 janvier 1975, et, a été amplifié par la loi du 30 décembre 1991 et du décret du 22 mai 1992. La répression des chèques sans provision est désormais assurée principalement par le tiré par le biais de la nouvelle forme de sanction civile que constitue l'interdiction bancaire. Il convient d'en étudier le principe puis les effets.
L'interdiction bancaire frappe celui qui a émis, de bonne foi ou de mauvaise foi, un chèque sans provision. En cas d'émission de chèques sans provision, le banquier tiré peut en refuser le paiement, après avoir informé, par tous moyens, le titulaire du compte du défaut de provision (L. 131-73 al 1er du CMF).
Le banquier doit en outre envoyer une lettre d'injonction et déclarer l'incident de paiement auprès de la Banque de France. Cette déclaration doit être faite dans les deux jours ouvrés suivant le refus de paiement du chèque. Elle a pour objet de permettre la Banque de France d'informer les autres établissements de crédit de l'interdiction bancaire du titulaire.
Le banquier tiré doit également enjoindre immédiatement titulaire du compte :
- d'une part, de restituer à tous les banquiers dont il est le client les formules en sa possession ainsi que celles détenues par ses mandataires
- et d'autre part, de ne plus émettre d'autres chèques que des chèques de retrait (L. 131-73 al 1er du CMF)
En cas de compte collectif, l'interdiction bancaire frappera de plein droit le titulaire qui aura été désigné à cet effet d'un commun accord, ou à défaut tous les titulaires. Une procédure de régularisation est néanmoins possible : le titulaire du compte peut recouvrer la possibilité d'émettre des chèques en réglant le montant du chèque impayé ou en constituant une provision suffisante pour en assurer le règlement par le tiré (article L. 131-73 al 2 du CMF). À défaut de régularisation, le tireur est frappé d'une interdiction d'émettre des chèques qui est aujourd'hui de cinq ans (article L. 131-78 du CMF). Ce délai court à compter de l’injonction.
En cas d'émission de chèques sans provision, le banquier tiré doit justifier qu'il a enjoint au titulaire du compte d'avoir à restituer les formules de chèques en sa possession et en celle de ses mandataires (article L. 131-81 II CMF). À défaut, et s'il a payé le chèque en dépit de l'absence ou de l'insuffisance de provision, il ne pourra pas être subrogé dans les droits du porteur (article L. 131-83 du CMF). Cette mission est éléments sanctionnée pénalement par une amende de 12 000 €.
Le contentieux du chèque relatif aux incidents de paiement ne s'arrête pas seulement à l'absence de provision mais peut trouver son origine dans un fait du tireur prenant la forme de l'opposition, ce que nous verrons dans deux semaines.