Par Guillaume Fort. Retrouvez cet article et toutes nos publications sur le site Jurispilote.fr.
La procédure de conciliation (dite de règlement amiable avant la réforme du 26 juillet 2005) est une procédure amiable de résolution des difficultés rencontrées par une entreprise. Son objectif est de permettre la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers avec l’aide d’une tierce personne, appelée le « conciliateur », en vue d’assainir la situation financière de l’entreprise.
La loi règlemente la procédure de conciliation aux articles L611-4 et suivants du Code de commerce. Ce premier article pose deux conditions cumulatives applicables aux personnes qui souhaitent bénéficier de la dite procédure :
- Elles doivent exercer une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible,
- Et ne pas se trouver en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours.
Quelle définition donnée à l’état de cessation des paiements ? On considère qu’une entreprise est en état de cessation des paiements lorsque son actif disponible ne lui permet pas de faire face à son passif exigible.
L’actif disponible correspond à l’actif immédiatement réalisable ou mobilisable tandis que le passif exigible comprend toutes les dettes certaines, liquides et exigibles de nature civile ou commerciale (le passif exigé concernant a fortiori les dettes non échues.
Seul le débiteur peut faire une demande de conciliation en adressant une requête au président du tribunal. Par ailleurs, le débiteur peut proposer le nom d’un conciliateur, sous réserve du respect de certaines conditions détaillées à l’article L611-13[1] du Code de commerce. L’ouverture de la procédure, confidentielle, ne peut en principe produire d’effets sur les droits des créanciers, ni sur les droits du dirigeant.
La décision d’ouverture relève de la compétence du président du tribunal de commerce mais peut faire l’objet d’un appel en application de l’article L611-26 du Code de commerce.
S’il estime la demande du débiteur bien-fondée, le juge rend une ordonnance de désignation du conciliateur.
La durée de la conciliation est en principe de 4 mois mais peut être prorogée d’un mois par le président du tribunal de commerce, sur proposition du conciliateur. A l’expiration de ce délai, aucune autre demande de conciliation n’est possible pendant une durée de 3 mois.
La loi donne pour mission au conciliateur de favoriser la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers, et même avec ses cocontractants habituels.
La mission du conciliateur n’est pas limitée dans le temps. Elle prend fin lorsque le débiteur en fait la demande auprès du président du tribunal qui statue selon une compétence liée. A noter que le conciliateur a la faculté de faire la même demande en cas d’impossibilité de parvenir à un accord. Dans ce cas, le conciliateur présente sans délai un rapport au président du tribunal de commerce qui met fin à sa mission et à la procédure de conciliation.
En outre, le débiteur a la possibilité de demander la récusation du conciliateur auprès du greffe du tribunal de commerce. Ce dernier la transmet au conciliateur qui peut accepter ou s’opposer à cette demande. En cas d’opposition, la demande de récusation sera examinée par le président du tribunal de commerce en présence du débiteur et du conciliateur. Si la récusation est admise, le conciliateur sera remplacé sans délai. En cas contraire, le débiteur pourra former appel de l’ordonnance du président rejetant la demande dans un délai de 10 jours à compter de la notification.
En principe, le conciliateur sera révoqué en raison de l’existence d’un lien personnel à la procédure ou d’un lien direct ou indirect avec l’un des créanciers ou l’un des dirigeants ou préposés de celui-ci. Le conciliateur pourra encore être révoqué pour l’une des causes exposées à l’article L611-13 du Code de commerce voire pour cause de destitution/radiation ou encore de défiance.
Il faut relever que le conciliateur n’a aucun pouvoir de gestion dans l’entreprise, ce qui permet au dirigeant de l’entreprise débitrice de rester en place.
Si les droits des créanciers ne sont pas affectés par l’ouverture d’une conciliation, le juge peut depuis la loi du 26 juillet 2005 peut faire application des articles 1244-1 et suivants du Code civil l’autorisant à accorder un délai de grâce au débiteur d’au plus 2 ans dans le cas où un créancier exercerait des poursuites à l’encontre du débiteur pendant la phase de conciliation ou mettrait le débiteur en demeure de payer (apport de l’ordonnance du 18 décembre 2008).
Les créanciers qui consentent à un effort peuvent conclure un accord amiable avec le débiteur (remises de dettes, délais de paiement, apport en trésorerie, apport en nature, en industrie).
Cet accord a en principe force exécutoire entre les parties. Toutefois, la loi de 2005 prévoit deux possibilités de faire valider judiciairement cet accord afin de rassurer les créanciers et favoriser son exécution : le constat et l’homologation.
En contrepartie de l’effort consenti par les créanciers, le débiteur devra s’engager à prendre certaines mesures, telles la réorganisation de son entreprise, une augmentation de capital, consentir des sûretés ou diminuer les charges.
1. Le constat
Il suppose une requête conjointe des parties à la procédure, c’est-à-dire le débiteur et ses principaux créanciers. Le constat relève de la compétence du président du tribunal de commerce qui donne à l’accord valeur de titre exécutoire. L’accord est confidentiel et n’est soumis à aucune publicité. Par ailleurs, il est interruptif de toute action en justice ou poursuite individuelle sur les biens du débiteur.
A noter que depuis 2008, les personnes physiques ou morales coobligés ou ayant consenti une sûreté personne ou ayant cédé ou affecté un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord constaté.
2. L’homologation
Il s’agit d’une création de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises. L’homologation relève de la compétence du tribunal de commerce et seul le débiteur peut en faire la demande.
L’homologation comportant plus d’effets qu’un simple constat, le débiteur se doit de vérifier que plusieurs conditions sont remplies avant d’en faire la demande :
- Le débiteur n’est pas en cessation des paiements ou l’accord y met fin.
- Les termes de l’accord sont de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise. Il faut un vrai plan de redressement. De simples délais de paiement ou remises de dettes peuvent ne pas suffire en l’absence de réorganisation de l’activité.
- L’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires.
Quels sont les principaux effets de l’homologation ?
- L’homologation entraine la suspension des poursuites intentées par les créanciers contre le débiteur.
- L’homologation est aussi une condition d’octroi du privilège de la conciliation.
En quoi consiste ce privilège de la conciliation ? Il s’agit d’une création de la loi du 26 juillet 2005. Ce dernier est accordé aux personnes qui consentent dans un accord homologué un nouvel apport en trésorerie au débiteur ou un nouveau bien ou service (article L611-11 du Code de commerce). Il faut un véritable nouvel apport : des délais de paiement ou remises de dettes sont insuffisants et n’ouvrent pas droit au privilège. Le privilège de la conciliation confère à son titulaire un rang « privilégié » lors de la répartition des biens du débiteur au terme de la procédure collective (par exemple lors de la liquidation des biens du débiteur). Dans cette hypothèse, le créancier privilégié sera payé une fois le super privilège des salaires et les frais de justice remboursés.
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Par ailleurs, en cas d’ouverture ultérieure d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements ne pourra pas être reportée à une date antérieure à celle à laquelle la décision d’homologation est devenue définitive. Pendant la période suspecte[2], tous les actes accomplis avant l’homologation ne pourront plus être annulés (excepté en cas de fraude).
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A l’identique du constat, les personnes physiques ou morales coobligés ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant cédé ou affecté un bien en garantie pourront se prévaloir de cet accord.
- Enfin, l’homologation entraine la levée de plein droit de toute interdiction d’émettre des chèques.
L’homologation fait l’objet d’un jugement qui fera l’objet d’une publicité au BODACC et dans un journal d’annonces légales. Ce jugement devra mentionner l’éventuel privilège de conciliation. En revanche, le jugement rejetant l’homologation ne fait l’objet d’aucune publicité.
En application de l’article L611-6 du Code de commerce, l’homologation de l’accord doit intervenir en cours de conciliation, à défaut de nullité. Néanmoins, le jugement d’homologation peut être rendu après dépassement du délai de conciliation de 4 mois lorsque la demande a été formée avant l'expiration de cette période.
Enfin, il faut noter que les voies de recours contre le jugement accordant l’homologation sont doubles :
- Les créanciers peuvent former une tierce opposition dans un délai de 10 jours à compter de la publication du jugement.
- Saisine du juge par une des parties peut saisir tribunal de commerce en vue de faire constater l’inexécution des engagements résultant de l’accord afin de voir prononcer sa résolution.
[1] Article L611-13 du Code de commerce : « Les missions de mandataire ad hoc ou de conciliateur ne peuvent être exercées par une personne ayant, au cours des vingt-quatre mois précédents, perçu, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rémunération ou un paiement de la part du débiteur intéressé, de tout créancier du débiteur ou d'une personne qui en détient le contrôle ou est contrôlée par lui au sens de l'article L. 233-16, sauf s'il s'agit d'une rémunération perçue au titre d'un mandat ad hoc ou d'une mission de règlement amiable ou de conciliation réalisée pour le même débiteur ou le même créancier. […]
Les missions de mandataire ad hoc ou de conciliateur ne peuvent être confiées à un juge consulaire en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis moins de cinq ans ».
[2] La période suspecte court à compter de la date de cessation des paiements jusqu’au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective. Pendant cette période, la loi interdit au débiteur l’accomplissement de certains actes, qui seront soit nuls de plein droit, soit nuls si plusieurs conditions sont réunies (articles L632-1 et suivants du Code de commerce).