Le franchisé a-t-il une clientèle ?
Par Guillaume Fort. La clientèle attachée à une franchise est-elle la propriété du franchisé ou celle du franchiseur ? La question est récurrente en pratique et mérite d’y consacrer quelques développements.
Revenons dans un premier temps sur le concept de clientèle. La clientèle est l’ensemble des personnes disposées à entretenir des relations contractuelles durables avec un commerçant. Par nature, la clientèle est une composante du fonds de commerce qui comprend l’ensemble des moyens (marchandises, nom commercial, droit au bail, matériel, licence ou autorisation d’exploitation, droit de propriété industrielle, etc.) affectés par un commerçant à une exploitation en vue de satisfaire une clientèle.
La clientèle, future ou actuelle, doit être propre au commerçant et lui être personnellement attachée pour être prise en considération comme élément du fonds de commerce. En d’autres termes, elle doit être réelle, certaine et personnelle au commerçant (et bien sûr licite).
Le législateur n’a pas donné de définition précise de la clientèle. En conséquent, le Code de commerce ne règle pas non plus la question d’une éventuelle propriété du franchisé sur sa clientèle.
Comme souvent, il revient à la jurisprudence de trouver une réponse adéquate. Depuis un arrêt de la troisième chambre civile du 27 mars 2002, la Cour de cassation reconnait une clientèle au franchisé. Elle reprend ainsi une doctrine majoritaire qui estimait que la clientèle réunie par l’activité du franchisé, que ce soit ou non, avec les services du franchiseur, appartenait au franchisé. La Cour est ainsi revenue sur sa position initiale, refusant une clientèle au franchisé.
A ce titre, l’attendu de l’arrêt du 27 mars 2002 est particulièrement explicite :
« Si une clientèle est au plan national attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n'existe que par le fait des moyens mis en œuvre par le franchisé, parmi lesquels les éléments corporels de son fonds de commerce, matériel et stock, et l'élément incorporel que constitue le bail, que cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé puisque, même si celui-ci n'est pas le propriétaire de la marque et de l'enseigne mises à sa disposition pendant l'exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité, avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteurs de deniers, il met en œuvre à ses risques et périls » [voir la décision].
Même si la clientèle nationale demeure attachée à la marque du franchiseur, la clientèle locale résulte des éléments appartenant au franchisé, tel le fonds de commerce ou le bail commercial. En pratique, la reconnaissance d’une clientèle au franchisé supposera la réunion de trois critères :
- Un critère d’ordre économique, c’est-à-dire l’exercice à titre personnel d’une activité aux risques et périls du franchisé ;
- Un critère d’ordre géographique, autrement dit, l’existence d’une clientèle nationale attachée à la notoriété de la marque du franchiseur et d’une clientèle locale attachée au franchisé en raison des moyens mis en œuvre par celui-ci ;
- Et enfin, un critère d’ordre juridique, prenant en compte les moyens mis en avant par le franchisé tels les éléments corporels (fonds de commerce) ou incorporels (bail) qui lui confère une maitrise juridique sur sa clientèle.