L’improbable échange de conditions générales d’affaires différentes

Publié le 26/03/2013 Vu 3 029 fois 0
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Par Guillaume Fort. Un échange improbable et pourtant bien réel ! Le fait pour deux commerçants de s’échanger des conditions générales d’affaires différentes n’est hélas pas un cas d’école. Ce genre de situation a le plus de chance de se manifester dans les ventes internationales de marchandises. D’un côté, le vendeur produit ses conditions générales de vente dans sa langue d’origine et l’acheteur communique ses conditions générales d’achat dans une autre langue. Bien souvent, ces conditions générales sont totalement différentes dans leur contenu. Il n’est pas rare que la situation soit alors particulièrement cocasse dans la mesure où la mise en perspective de ces conditions générales d’affaires va faire ressortir un conflit direct d’application entre elles, chacune semblant exclusive de tout autre document.

Par Guillaume Fort. Un échange improbable et pourtant bien réel ! Le fait pour deux commerçants de s’éch

L’improbable échange de conditions générales d’affaires différentes

Par Guillaume Fort.

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Un échange improbable et pourtant bien réel ! Le fait pour deux commerçants de s’échanger des conditions générales d’affaires différentes n’est hélas pas un cas d’école. 

Ce genre de situation a le plus de chance de se manifester dans les ventes internationales de marchandises. D’un côté, le vendeur produit ses conditions générales de vente dans sa langue d’origine et l’acheteur communique ses conditions générales d’achat dans une autre langue. 

Bien souvent, ces conditions générales sont totalement différentes dans leur contenu. Il n’est pas rare que la situation soit alors particulièrement cocasse dans la mesure où la mise en perspective de ces conditions générales d’affaires va faire ressortir un conflit direct d’application entre elles, chacune semblant exclusive de tout autre document. 

En effet, il sera bien souvent stipulé dans les conditions générales de vente ou d’achat que ces dernières doivent prévaloir sur toutes autres conditions particulières, même en cas de disposition contraire ! 

  • Comment éviter cette situation ? 

Tout d’abord, en s’assurant de la correspondance entre ces deux textes lors de la négociation contractuelle en faisant traduire l’ensemble de la documentation commerciale. 

Ensuite, en cours d’exécution du contrat, il convient de faire analyser par un juriste ces conditions générales pour identifier les éventuelles différences et la présence (ou non) de clauses prévoyant la primauté de l’une sur l’autre. 

A cet effet, il sera prêté une grande attention aux clauses suivantes (si existantes): 

- La loi applicable et l’autorité compétente en cas de litige (autorité judiciaire, tribunal arbitral) ; 

- Les obligations mises à la charge du vendeur et de l’acheteur ; 

- Les garanties contractuelles ; 

- Le terme ou la résiliation du contrat ; 

Toutefois, en cas de divergence inextricable, il convient alors de se référer à la réglementation existante en la matière. 

Dans cette situation, la Cour de cassation (Cass. Civ. 1ère 16 juillet 1998, Soc. Les Verreries de Saint Gobain c. Soc. Martinswerk) estime que les conséquences de l’échange de conditions générales d’affaires divergentes doivent être recherchées conformément aux articles 18 et 19 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises. 

La Cour a ainsi considéré qu’une stipulation divergente sur le règlement des différends contenu dans la réponse qui tend à l’acceptation d’une offre empêche l’application de la clause contredite, faute d’acceptation de celle-ci. La clause contraire proposée par le destinataire n’est pas davantage applicable. 

Il semble que pareille neutralisation réciproque des clauses divergentes correspond bien à la solution classiquement en droit interne français. 

Conclusion : ni les conditions générales de vente ni les conditions générales d’achat ne seront applicables !

  • Pour autant, que faire lorsque les conditions générales de vente et d’achat divergent au niveau de la loi applicable et de la juridiction compétente en cas de litige ? 

En présence de ventes internationales de marchandises effectuées au sein de l’Union Européenne et à défaut d’application des clauses contractuelles, la Cour de cassation se réfère dans l’arrêt susmentionné à l’article 5.1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 afin de déterminer le tribunal territorialement compétent. 

Cette convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire à l’exécution des décisions en matière civile et commerciale a été remplacée par le règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit « Règlement Bruxelles I »). 

Le règlement Bruxelles I, en son article 5-1 a) et b) prévoit qu’en matière commerciale, la juridiction territorialement compétente est celle du lieu de l’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande. 

Pour la vente de marchandises, il s’agit du lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées. 

Dès lors, les Incoterms choisis par les parties lors de la négociation contractuelle devront faire l’objet de la plus grande attention. 

En effet, un arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne le 9 juin 2011 (CJUE, 9 juin 2011, aff. C-87/10 Electrosteel Europe) indique que les Incoterms utilisés dans le commerce international déterminent le lieu de livraison dans un contrat de vente internationale de marchandises et de ce fait la compétence des tribunaux selon l’article 5-1 b) du Règlement Bruxelles I. 

Par exemple, si les parties conviennent d’un Incoterm DDP qui signifie en anglais « Delivered Duty Paid » c’est-à-dire « Rendu Droits acquittés », le transfert des frais et risques se fera à la livraison chez l'acheteur. 

Si l’acheteur est situé dans un pays étranger membre de l’Union Européenne, ce sont les tribunaux du pays de la livraison qui seront compétents pour résoudre le litige. 

Le cocontractant français se trouvera alors dans une position bien peu confortable puisqu’il devra prendre un avocat sur place, se livrer à un exercice de traduction et s’adapter à un système judiciaire qui lui est probablement méconnu. 

A moins qu’il ne prenne les devants et initie une procédure sur le sol français, telle un référé-expertise : cela permettra d’attraire la partie adverse devant les juridictions françaises, à charge pour elle de prendre un avocat sur place afin de démontrer l’incompétence territoriale du tribunal !

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