Par Grégoire Le Métayer. Retrouvez cet article sur les sites droitdesrh.fr et Jurispilote.fr. Prévue pour rompre de façon amiable les contrats de travail à durée indéterminée, tous les employeurs et tous les salariés peuvent en théorie signer une convention de rupture conventionnelle. Il existe cependant certaines situations où conclure une telle rupture est interdit ou non conseillé.
Situations exclues du champ de la rupture conventionnelle.
Le champ d’application de ce mode de rupture a volontairement été limité par les partenaires sociaux en écartant notamment tous les titulaires de contrat de travail à durée déterminée.
Les dispositions de la loi du 25 juin 2008 sur la rupture conventionnelle ont par la suite été complétées par plusieurs circulaires, notamment, celle du 17 mars 2009 portant sur la mise en œuvre de cette rupture. Tout d’abord cette circulaire interdit de conclure une convention de rupture conventionnelle dans deux situations :
- Celle intervenant dans le cadre d’une Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences (GPEC).
- Celle intervenant dans le cadre d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE).
Le principal risque est de voir une réduction d’effectif s’opérer sans passer par un PSE. Si la loi l’interdit, les Directions Régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’emploi (DIRECCTE) ne sont pas systématiquement au courant de la situation financière des entreprises de leur ressort.
Ainsi, afin de limiter le risque de détournement de la rupture conventionnelle, l’administration a indiqué, au moyen d’une instruction datée du 23 mars 2010, en fonction de quels critères les DIRECCTE pourront refuser d’homologuer des ruptures conventionnelles qui apparaîtraient comme des tentatives de contournement de la réglementation du licenciement économique.
Deux situations sont à distinguer :
- Un contexte économique difficile pour une entreprise n’empêchera pas la conclusion d’une rupture conventionnelle. Cela est confirmé par l’instruction précitée dans laquelle l’administration précise que « la rupture conventionnelle résulte de la seule volonté des parties, sans qu’il y ait lieu d’en rechercher le motif ». Dès lors, elle peut intervenir « alors même que l’entreprise rencontre des difficultés économiques qui l’amènent à se séparer de certains salariés». Dans ce cas, il faudra tout de même veiller à respecter d’autant plus strictement la procédure que le risque de requalification est fort.
- Dans le cadre d’un PSE ou d’une GPEC, il est strictement interdit (article L. 1237-16 du Code du travail) de conclure des ruptures conventionnelles. Ces deux exclusions se justifient par la volonté du législateur de conserver des régimes de départs volontaires (ou contraints) ayant des « règles » juridiques propres. Ces dispositifs offrent certaines garanties auxquelles la rupture conventionnelle imposerait de renoncer.
Le risque majeur de contournement se trouve dans les entreprises de plus de 50 salariés qui peuvent voir la rupture conventionnelle comme le moyen de ne pas mettre en place un PSE lorsqu’elles envisagent de licencier 10 salariés ou plus sur une période de 30 jours. Déjà, dans sa circulaire du 17 mars 2009, la Direction Générale du Travail invitait les DIRECCTE à être vigilantes et à ne pas homologuer les ruptures conventionnelles qui seraient conclues « en vue de contourner les garanties en matière de licenciements économiques et collectifs ». Elle ne donnait pas cependant de réel moyen d’identifier les ruptures frauduleuses et précisait juste que « le caractère coordonné et organisé des ruptures conventionnelles dans un contexte économique difficile pour l’entreprise » pouvait être un indice.
Pour lever ces incertitudes et permettre aux DIRRECTE de ne plus se baser seulement sur des indices, l’instruction du 23 mars 2010 fixe des seuils à ne pas dépasser et définit le contournement comme « un recours massif à la rupture conventionnelle dans une entreprise ou un groupe confronté à un contexte économique difficile qui serait susceptible, à court terme, de conduire à la mise en œuvre d’un PSE ».
Ces seuils sont ceux fixés par les articles L. 1233-26 à L. 1233-28 du Code du travail au-delà desquels un PSE doit être mis en place.
Une homologation sera donc refusée si les seuils suivants sont dépassés :
- 10 demandes sur une même période de 30 jours.
- Au moins une demande sur une période de 3 mois faisant suite à 10 demandes échelonnées sur la même période de 3 mois immédiatement antérieure.
- Une demande au cours des 3 premiers mois de l’année faisant suite à plus de 18 demandes au cours de l’année civile précédente.
Les licenciements économiques qui sont éventuellement intervenus sur cette même période doivent aussi être pris en compte pour refuser une homologation.
Le seul nombre de demandes ne suffit pas à justifier un refus d’homologation. Ce n’est qu’un indice qui ne doit pas faire oublier que l’entreprise doit se trouver dans un contexte économique difficile. Sur ce point l’instruction ne fixe rien et laisse aux DIRRECTE toute liberté pour apprécier si, oui ou non, une entreprise se trouve dans cette situation.
Pour éviter les détournements au niveau national (groupe implanté sur plusieurs régions par exemple), l’administration invite les DIRRECTE à communiquer entre elles et à se transmettre tous les éléments nécessaires. Cependant, avec le nombre de dossiers à traiter actuellement, il est difficile de croire que cette dernière recommandation sera mise en œuvre efficacement.