Par Yan Flauder, juriste en droit fiscal.
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La responsabilité sociale des entreprises (RSE) est un « concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire » [1]. L’approche de la RSE dans le domaine du droit des affaires doit s’analyser à la fois d’un point de vue interne aux cabinets d’avocats ou aux services juridiques d’une entreprise, mais aussi d’un point de vue externe en mettant en exergue la façon dont les structures de conseil peuvent assister les entreprises dans la mise en place d'une responsabilité sociale d'entreprise efficace.
D’un point de vue interne, il convient de souligner que la responsabilité sociale d'entreprise n’est pas toujours aisée à mettre en œuvre au sein des cabinets d’avocats. En effet, l’impact écologique de ces structures est moins important que celui de grandes entreprises industrielles, en ce qu’ils ne peuvent que très difficilement diminuer leur quantité de papier ou encore leurs émissions de CO2 relatives aux transport internationaux. De même, en ce qui concerne l’amélioration des conditions de travail des collaborateurs, la mise en œuvre d’une réelle politique de RSE sera impossible tant que les cabinets auront recours aux mécanismes de time sheet (qui permet l’enregistrement du temps passé sur une affaire) et à la facturation à l’heure.
D’un point de vue externe, les cabinets d’avocats d’affaires peuvent aider en pratique les entreprises à mettre en place des politiques de RSE efficaces. A ce titre, deux observations méritent d’être formulées.
D’une part, si la politique du cabinet est d’aider des « entreprises sociales » à se développer, celle-ci risque de se heurter à un coût financier de taille. En effet, si certains cabinets commencent à s’introduire sur ce marché, il convient pour ces structures d'adapter leur tarification dès lors que les entreprises sociales en création ne disposent pas en général d’un budget important alloué à cette activité.
D’autre part, le développement dans la jurisprudence de nouveaux concepts, comme le principe de précaution en droit de l’environnement ou encore de l’obligation de sécurité de résultat [2] en matière de droit du travail forcent les cabinets d’avocats à s’introduire sur le marché de la responsabilité sociale d'entreprise. La jurisprudence tend à devenir de plus en plus sévère quant à l’application de ces notions [3] et oblige ipso facto et de jure les conseils juridiques à prendre conscience de ces enjeux [4]. Ainsi, dans différents domaines du droit, l’avocat a l’obligation d’apprécier toute la portée des évolutions jurisprudentielles même si celles-ci sont récentes [5], afin de sécuriser au maximum les transactions qui peuvent être traitées.
Au final, si la responsabilité sociale de l’entreprise peut apparaitre aujourd’hui comme un thème d’actualité que certains peuvent juger « à la mode », le juriste doit pour autant la considérer comme un risque qu’il faut absolument anticiper. En effet, si aujourd’hui la démarche est volontaire de la part de l’entreprise, elle peut à tout moment devenir une obligation que l’entreprise sera plus à même d’appréhender et d’affronter si elle l’a anticipée en amont.
Nota Bene:
[1] Selon la Commission européenne, définition Livret vert (Commission Green Paper 2001 “Promoting a European Framework for Corporate Social Responsibility"
[2] Illustration de la simple probabilité cf. Cass. soc., 3 févr. 2010, n° 08-44.019, Margotin c/ Sté Stratorg et Cass. soc., 3 févr. 2010, n° 08-40.144, Vigoureux c/ Sté Les Hôtels de Paris où les juges considèrent qu’en matière de harcèlement, il faut automatiquement licencier le salarié coupable peu importe que l’entreprise ait pris des mesures pour tenter de mettre fin à de tels actes.
[3] Citons également la reconnaissance d’un préjudice d’anxiété par la Cour de cassation Cass. soc., 11 mai 2010
[4] A titre d’exemple, en matière de maladie du travail, la Cour de cassation a condamné un employeur qui « aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié » - Cass. Soc. 11 Avr. 2002, n°00-16.535
[5] Cass. Civ 1ère, 1er Mai 2009