Le Code de la consommation prévoit de nombreuses dispositions quant à l'information du consommateur, ainsi qu'aux rapports qu'il entretient avec le professionnel. La loi Chatel du 28 janvier 2005 "Tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur" est venue rajouter une de ces dispositions dans le cadre des contrats à reconduction tacite.
I. Présentation de l'article L136-1 du Code de la consommation
Cette loi introduit dans le code de la consommation un article L136-1 afin de faciliter la résiliation, par le consommateur, des contrats tacitement reconductibles.
L'article L136-1 dispose donc: "Le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu'il a conclu avec une clause de reconduction tacite."
Cette disposition impose donc au professionnel, dans le cadre d'un contrat de prestation de service et non de vente de biens, d'informer le consommateur de sa possibilité de ne pas reconduire un contrat tacitement reconductible. Cette information doit avoir lieu pendant les trois derniers mois précédents la date de reconduction du contrat.
L'article rajoute: "Lorsque cette information ne lui a pas été adressée conformément aux dispositions du premier alinéa, le consommateur peut mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la date de reconduction."
Dès lors le consommateur, en cas d'absence d'information de la part du professionnel à son égard, pourra mettre un terme au contrat à compter de la date de reconduction et ce, gratuitement.
*A noter dans cette hypothèse, que les éventuelles avances qui auraient été faites par le consommateur après la date de reconduction, devront être remboursées sous 30 jours.
L'idée de cet article est finalement d'éviter que le consommateur qui, mal informé, reste bloqué et prisonnier d'un contrat contenant une clause de reconduction tacite; et ce, tant il est vrai que l'on présume le consommateur comme la partie faible, profane.
Toutefois, si une telle disposition fut la bienvenue, il reste que l'on a vu certaines de ces clauses disparaître pour laisser place, par transformation, à un contrat à durée indeterminée, et permettre une résiliation unilatérale possible à tout moment. En effet, une telle disposition ne vise en aucun cas les contrats à durée indeterminée. D'ailleurs, elle ne vise donc pas les contrats de téléphonie mobile qui, même s'ils prévoient une durée d'engagement minimale, sont à durée indeterminée.
Pour l'essentiel, l'on peut dire que cet article concerne généralement la plupart des contrats d'assurance, les contrats d'entretien, et certains services télévisuels etc...
Mais si l'on connait le fonctionnement de l'article L136-1, il sied tracer les contours de son champ d'application et de se demander qui peut se prévaloir ou non de cet article.
II. Qui peut se prévaloir de l'article L136-1 du Code de la consommation?
Tout un débat est né autour de ce champ d'application, et plus particulièrement à savoir qui pouvait se prévaloir de cet article, qui pouvait rentrer dans la définition de consommateur, et enfin par extension qui pouvait se placer sous la protection du Code de la consommation.
L'on s'est demandé si les personnes morales pouvaient se prévaloir de l'article L136-1 du Code de la consommation.
Parallèlement, la même question s'était posée concernant l'invocation des clauses abusives et de l'article L132-1 du Code de la consommation.
Face à une notion de consommateur attachée à la personne physique, c'est l'apparition de la notion de non-professionnel qui a marqué un certain changement.
A. La notion de consommateur
Afin d'appréhender brievement la notion de consommateur, l'on peut citer quelques normes communautaires qui ont précisé cette définition:
La Convention de Bruxelles de 1968, la Convention de Rome de 1980,la Directive européenne sur les clauses abusives dans les contrats de consommateurs de 1993, la Directive européenne sur la protection des consommateurs en matière de contrats à distance de 1997, ainsi que la Directive sur les pratiques commerciales déloyales de 2005.
Ces dernières s'accordent à dire que le consommateur est une personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle.
Dès lors au sens du Droit communautaire, nul doute, le consommateur est une personne physique, et non morale.
Ensuite, la Directive de 1993 définit aussi le professionnel comme: "toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu'elle soit publique ou privée."
C'est à travers cette définition et par une analyse a contrario, que l'on a pu se dire que si un professionnel était la personne agissant dans le cadre de son activité professionnel, le non-professionnel serait celui agissant hors du cadre, et sans lien directe avec son activité, qu'il soit une personne physique ou morale.
B. La notion de non-professionnel
En dégageant cette notion franco-française de non-professionnel donc, les personnes morales pourraient se placer sous la protection du Code de la consommation.
La jurisprudence sur ce point a été assez fluctuante.
On trouve une série d'arrêts concernant les clauses abusives:
Dans un premier temps, la Haute cour avait admis en 1987 une telle protection pour une personne morale dès lors que le contrat litigieux échappait à sa compétence professionnelle, la mettant "dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur"(Cass. 1e civ., 28 avril 1987).
Ensuite, elle admettait cette protection pour les contrats n'ayant pas de rapport directs avec les activités de la personne morale (Cass. 1e civ., 24 novembre 1993; Cass. 1re civ. 21 fév. 1995).
En outre, la Cour de cassation en 2005 affirmait clairement que "la notion distincte de non-professionnel utilisé par le législateur francais n'excluait pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives"(Cass. 1e civ.,15 mars 2005)
Enfin la Cour régulatrice affirmait en 2008 que les dispositions relatives aux clauses abusives "ne s'appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services conclus entre sociétés commerciales" (Cass. 1e civ.,11 décembre 2008).
Les personnes morales en tant que non-professionnels peuvent donc clairement se placer sous la protection du Code de la consommation, du moins concernant les clauses abusives.
Enfin, la jurisprudence a précisé les contours d'une telle solution quant à l'information du consommateur dans les contrats à reconduction tacite(article L136-1):
La Cour régulatrice a dans un premier temps refusé un telle application, à un comité d'entreprise, en affirmant que :"l'article L136-1 du code de la consommation qui s'applique exclusivement au consommateur, ne concerne que les personnes physiques; un comité d'entreprise, personne morale, ne peut donc s'en prévaloir"(Cass.1e civ., 2 avril 2009).
Il aura donc fallu attendre un arrêt du 23 juin 2011 pour que dans le cadre de l'article L136-1 la Cour affirme clairement que: "les personnes morales ne sont pas exclues de la catégories des non-professionnels bénéficiant des disposition de l'article L136-1". En l'espèce, un tel bénéfice concernait un syndicat de copropriété (Cass.1e civ., 23 juin 2011).
Cet arrêt reste à tempérer tout de même quant à sa portée, puisqu'il fut admis récemment (à l'instar de l'arrêt susvisé de 2008 sur les clauses abusives), qu'un tel bénéfice ne pouvait concerner les sociétés commerciales(Cass. ch. com., 6 septembre 2011).
Par ailleurs, cet arrêt s'il précise la portée de l'article L136-1, laisse quelques questions en suspens; en effet, quel sort sera reservé aux entreprises commerciales unipersonnelles telles que l'EURL, ou à certaines sociétés commerciales par la forme mais ayant un objet civil, et plus largement encore, qu'elle serait l'application à une SCI d'avocats par exemple.
C. Quelques précisions
In fine, il convient de rappeler les quelques modifications législatives concernant l'article L136-1.
Une loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, est venu préciser que l'article L136-1 ne serait pas applicables aux exploitants des services d'eau potable et d'assainissement.
Par ailleurs, la LME du 3 janvier 2008 a amendé l’article L 136-1 Code de la consommation, pour préciser qu’il s’appliquait aux consommateurs et aux non professionnels.
*A noter que concernant les clauses abusives, ce terme de "non-professionnel" était présent dès la création de l'article L132-1 du Code de la consommation en 1993.
Du reste, l'on retiendra que si les personnes morales en tant que non-professionnel ne sont pas exclues de la protection de l'article L136-1, ni du Code de la consommation, cette protection n'est pas automatique.
En outre, la jurisprudence récente laisse tout de même de nombreuses interrogations, et laisse donc présager encore de nombreux arrêts en la matière.
Enfin et pour finir, puisque l'on a évoqué les clauses abusives (protégeant le consommateur contre tout déséquilibre significatif dans ses droits et obligations), il faut préciser que la loi LME de 2008 a créé, au terme de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, une protection similaire appelée "déséquilibre significatif entre professionnel" protegeant cette fois-ci le professionnel.