DES IMMUNITES EN DROIT CONGOLAIS
L’immunité est un ensemble de dispositions qui assurent un régime juridique dérogatoire au droit commun pour des personnes qui exercent des fonctions très spécifiques (comme les parlementaires ou les diplomates). Les poursuites sont subordonnées à l’autorisation préalable d’une autorité.
A. Sortes d’immunités
1. Immunités politiques
L’immunité politique est une protection permettant à une personne, en raison d’une qualité officielle (chef d’Etat, parlementaire…) de ne pas être soumise à l’application du droit commun.
Sur le plan scientifique, on ne peut pas parler de l’immunité politiques des membres du gouvernement qui eux, jouissent plutôt de l’inviolabilité dans ce sens que leur poursuite pénale doit faire l’objet d’une décision de l’Assemblée nationale qui en quelque sorte doit autoriser cette poursuite.
Les immunités politiques sont indispensables pour assurer le maintien et le fonctionnement des institutions les plus importants de l’Etat. En droit Congolais, ces immunités concernent les parlementaires.
2. Immunité Présidentielle
Le président de la république n’a aucune immunité de fond (article 164 de la constitution). Il ne bénéficie que d’une immunité de forme ou de procédure qu’on appelle : inviolabilité (article 166 al.1).
2.1. Poursuites contre le président de la république
Les poursuites contre le président de la république sont suspendues jusqu’à la fin de son mandat. Toutefois, le président de la république peut être poursuivie pendant son mandat pour les infractions de haute trahison, du délit d’initié, d’outrage au parlement et d’atteinte à la probité et pour toutes infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Dans ces cas, les poursuites sont subordonnées par sa mise en accusation par le parlement réuni en congrès.
3. Immunité parlementaire
On qualifie d’immunité parlementaire l’ensemble des dispositions qui assurent aux parlementaires un régime juridique dérogatoire au droit commun dans leurs rapports avec la justice afin de préserver leur indépendance. Le souci de concilier la nécessaire protection de l’exercice du mandat parlementaire et le principe de l’égalités des citoyens devant la loi a conduit à distinguer deux catégories d’immunités : l’irresponsabilité et l’inviolabilité.
3.1. L’irresponsabilité :
Etant une immunité absolue, selle soustrait les parlementaires de toute poursuites pour les actes liés à l’exercice de leur mandat. Cette irresponsabilité découle de l’article 107 de la constitution en son premier alinéa 1er qui dispose : qu’aucun parlementaire ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.
Seul est couvert par l’irresponsabilité l’acte qui suppose chez son auteur l’existence du mandat parlementaire et qu’un non parlementaire ne pourrait accomplir. La jurisprudence a ainsi exclu les propos d’un parlementaire au cours d’un entretien radiodiffusé, les opinions exprimées par un parlementaire dans le rapport rédigé dans le cadre d’une mission confiée par le gouvernement.
En revanche, l’irresponsabilité couvre tous les actes de la fonction parlementaire : interventions et votes en séance publique et en commissions, propositions de loi, amendements, rapports ou avis, questions, actes accomplis dans le cadre d’une mission confiée par les instances parlementaires.
Elle protège les parlementaires contre toute action judiciaire, pénale ou civile, motivée par des actes qui, accomplis hors du cadre d’un mandat parlementaire, seraient pénalement répréhensibles ou susceptibles d’engager la responsabilité civile de leur auteur (diffamation ou injure par exemple).
Même si elle assure une protection très large, elle n’entraine pas l’immunité totale puisque pour leurs interventions en séance publique, les députés restent toujours soumis au régime disciplinaire prévu par le règlement de l’assemblée.
Dans son domaine d’application, l’irresponsabilité a un caractère absolue car aucune procédure ne permet de la lever. Elle est permanente car elle s’applique toute l’année y compris pendant l’intersession. Elle est perpétuelle et s’oppose aux poursuites motivées par les actes accomplis durant le mandat même après la fin de celui-ci. La mise en œuvre de l’irresponsabilité relève de la compétence exclusive des autorités judiciaire. Elle constitue un moyen d’ordre public, aussi le parlementaire ne peut y renoncer.
3.2. L’inviolabilité
Elle est une immunité de procédure, qui protège le titulaire d’une qualité officielle à l’égard des poursuites judiciaires et de toute mesure privative ou restrictive de liberté.
L’inviolabilité tend, à éviter que l’exercice du mandat parlementaire ne soit entravé par certaines actions pénales visant des actes accomplis par les députés en tant que simples citoyens. Elle règlemente les conditions dans lesquelles s’exerce l’action pénale pour les actes étrangers à sa fonction.
L’inviolabilité ne protège pas le député contre l’engagement de poursuites (mise en examen). Par contre, le député ne peut faire l’objet d’une arrestation (y compris la détention provisoire et garde à vue) ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté sans l’autorisation du Bureau, sauf les cas d’une infraction flagrante ou de condamnation définitive. En outre, l’alinéa dernier du même article prévoit que la détention, les mesures privatives ou restrictives de liberté ou la poursuite d’un député sont suspendues pour la durée de la session si l’assemblée le requiert.
Contrairement à l’irresponsabilité dont les effets ne sont pas limités dans le temps, l’inviolabilité a une portée réduite à la durée du mandat.
Les demandes d’autorisation d’arrestation ou de mesures privative ou restrictive de liberté concernant un député sont formulées par le procureur général près la cour constitutionnelle, transmises par le Garde sceaux au président de l’Assemblée nationale, puis examinées par le Bureau.
Le Bureau a pour seul rôle de se prononcer sur le caractère sérieux, loyal et sincère de la demande.
Les demandes de suspension des poursuites, des mesures privatives ou restrictives de liberté ou de la détention sont adressées au Président de l’Assemblée par un ou plusieurs députés, distribuées puis renvoyées à la commission, constituée en application du règlement intérieur, qui doit entendre le député concerné ou le collègue qu’il a chargé de le représenter et présenter un rapport. Dès la distribution de ce dernier, la discussion de la demande est inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée. L’examen en séance fait alors l’objet d’un débat limité au terme duquel l’Assemblée se prononce. La décision de l’Assemblée s’impose aux autorités administratives et judiciaires. Elle entraine, pour la durée de la session, soit la suspension de toute procédure judiciaire, soit la levée du contrôle judiciaire et la mise en liberté du député détenu, soit l’une ou l’autre seulement de ces deux mesures.
3.3. Poursuites contre les membres du Parlement
Les poursuites contre les membres du Parlement sont subordonnées, pendant les sessions, à l’autorisation de la chambre à laquelle appartient le membre du parlement ou, pendant en dehors des sessions, par l’autorisation du Bureau de la chambre à laquelle il appartient. Ces autorisations ne sont pas requises en cas de flagrance ou d’infractions des violences sexuelles.
3.4. Poursuites contre les membres du Gouvernement
La cour de cassation connait des infractions commises par les membres du gouvernement autres que le Premier ministre. Par membres du Gouvernement autres que le Premier ministre, il faut entendre les ministres et vices ministres et, éventuellement, les vice-premiers ministres, les ministres d’Etat et les ministres délégués. La décision de poursuites ainsi que la mise en accusation des membres du gouvernement visé ici sont votées à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée national suivant la procédure prévue par le règlement intérieur. Les membres du gouvernement mis en accusation, présentent leur démission conformément à l’article 166, alinéa 1er et 2, de la constitution de la RDC.
3.5. Quid du Directeur de cabinet du chef de l’Etat ?
Le directeur de cabinet du chef de l’Etat n’a ni immunité ni privilège de juridiction.
Le rang de ministre que lui confère l’ordonnance no 08 /030 du 31 mars 2008 portant organisation et fonctionnement du cabinet du président de la république à l’article 4 alinéa 3 est strictement limité aux considérations protocolaires et de rémunérations.
Pénalement il ne bénéficie d’aucune immunité ou dérogation de poursuite.
3.6. Poursuites contre les membres des assembles provinciales
Les poursuites contre le membre d’une Assemblée provinciale sont conditionnées, pendant la session, par l’autorisation de cette Assemblée, ou en dehors de la session, par l’autorisation du Bureau de cette Assemblée. Ces autorisations ne sont pas requises en cas de flagrance ou d’infractions des violences sexuelles.
4. Immunités des refugies politiques
Les refugies politiques reconnues comme tels par un pays jouissent aussi de l’immunité politique et ce, en application de la convention de Genève du 28 juillet 1951.
5. Les immunités judiciaires
Elles rendent impossible l’action en diffamation, injure ou outrage à l’encontre des parties ou de leurs défenseurs pour les discours prononces ou les écrits produits devant les juridictions.
Il existe deux catégories d’immunités judiciaires :
- L’immunité des paroles devant le tribunal, rendu nécessaire par la liberté de la défense et la manifestation de la vérité ;
- L’immunité d’écrits devant les tribunaux, corollaire du principe de la publicité des débats devant les tribunaux et l’expression de la liberté de l’information.
6. Les immunités diplomatiques et consulaire
L’immunité diplomatique empêche l’exercice de toute poursuite à l’encontre des agents diplomatiques d’un Etat étranger, des membres de sa famille et des membres de leur personnel… pour les infractions qu’ils commettent, même avant leur entrée en fonction.
L’immunité consulaire concerne les agents et employés consulaires. Elle s’applique seulement aux actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions.
Ne pas confondre ces immunités avec l’immunités des juridictions des chefs d’Etat étrangers en exercice, qui couvre les crimes et empêche l’exercice des poursuites devant les tribunaux d’un Etat étranger.