La loi du 7 mars 2007 définit les actes personnels du majeur sous tutelle en s'inspirant de la doctrine et la jurisprudence antérieures.
C'est ainsi que le nouvel article 459 du Code civil qui énonce les principes applicables aux actes personnels du majeur sous tutelle, que nous allons examiner alinéa par alinéa, soulève par ailleurs certains problèmes d'interprétation.
1 - tout d'abord, l'alinéa 1 de l'article 459 dispose que "la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet".
Cet alinéa bien que reconnaissant au majeur la possibilité de faire des actes personnels c'est à dire en relation avec sa vie privée, ou son intégrité personnelle, pose la question de savoir qui peut apprécier si le majeur dispose des facultés pour faire de tels actes.
Il va de soi que seul le juge des tutelles peut trancher cette question. Toutefois, il est inconcevable de consulter le juge chaque fois que le majeur sous tutelle voudra ou devra accomplir un acte personnel.
Dans ce cas, pour les actes courants, habituels, on peut très bien considérer que la personne proche du majeur sous tutelle, c'est à dire celle qui le connaît pour le côtoyer quotidiennement pourrait être consultée de façon informelle. Mais qu'en est-il s'il y a un doute certain sur le défaut de volonté manifeste du majeur protégé?
2 - l'alinéa 2 de l'article 458 du Code civil apporte une réponse à cette question et dispose que "lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge peut prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, il peut, le cas échéant après l'ouverture d'une mesure de tutelle, autoriser le tuteur à représenter l'intéressé.
Cet alinéa est intéressant notamment dans le cadre de la tutelle, puisqu'il prévoit une proportionnalité dans le mécanisme de protection du majeur qui accomplit des actes personnels.
Ainsi, la notion d'assistance emprunté au régime de la curatelle apparaît ici s'appliquer également au tuteur dans le cadre des actes personnels. Même s'il est évident que le curateur comme le tuteur doivent apporter leur aide et assistance à leurs protégés, il semble que le législateur ait voulu que le tuteur joue le rôle d'un curateur dans le cadre des actes personnels et que son pouvoir de représentation ne s'appliquerait qu'aux actes de gestion du patrimoine du majeur. Ainsi le tuteur aurait une double casquette, celle d'un curateur en matière d'actes personnels du majeur protégé et celle du tuteur pour l'accomplissement des actes de gestion patrimoniale.
Toutefois, cette assistance ne serait valablement acceptable que pour les actes personnels courants, habituels et qui ne porteraient pas gravement atteinte à la vie privée ou à l'intégrité personnelle du majeur sous tutelle.
Il semble donc qu'à défaut de pouvoir jouer ce rôle d'assistance parce que le majeur sous tutelle ne peut exprimer sa volonté, alors le tuteur devrait obtenir l'autorisation du juge des tutelles pour accomplir un acte personnel.
3 - les alinéas 3 et 4 du nouvel article 459 du Code civil, visent quant à eux à permettre une efficacité du dispositif de représentation notamment en cas d'urgence ou de danger pour le majeur.
"La personne chargée de la protection du majeur peut prendre à l'égard de celui-ci les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que, du fait de son comportement, l'intéressé ferait courir à lui-même. Elle en informe sans délai le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué.
Toutefois, sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l'intégrité corporelle de la personne protégée ou à l'intimité de sa vie privée"
Il va de soi qu'en cas de danger ou d'urgence, la sollicitation préalable du juge est impossible et qu'en tout état de cause, rappelons-le, le tuteur est présumé apporter l'assistance requise à son protégé.
Qu'en est-il toutefois des actes médicaux?
Il faut se reporter ici aux dispositions du Code de la santé publique auxquelles le Code civil ne peut déroger.
Il convient de relever à ce titre que certains juges des tutelles ont tendance à considérer que seules les dispositions du Code de la santé publique sont applicables, et qu'en conséquence, l'accord du tuteur suffit à autoriser un acte médical, sans que le juge n'ait à intervenir.
L'article L.1111-4,7e du Code de la santé publique prévoit que le consentement du majeur doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Cet article finalement rejoint le principe de recherche de consentement préalable tel que pose par l'article 459 alinéa 1 ainsi que nous l'avons vu précédemment.
Cependant, l'article L.1111-4,7e ajoute que "dans le cas où le refus de traitement par le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du majeur en tutelle, le médecin délivre les soins indispensables".
Faut-il en conclure, qu'en matière d'actes médicaux, l'autorisation du tuteur est toujours requise? A notre sens, non, dans la mesure où justement la loi a voulu limiter les pouvoirs de représentation du tuteur.
Toutefois, on peut parfaitement estimer, lorsque l'accord du majeur ne peut être obtenu, que le tuteur peut le représenter et donner son accord pour des actes ne constituant pas une atteinte grave à l'intégrité de la personne. Le tuteur pourra d'ailleurs s'en remettre à l'avis du médecin pour prendre une décision éclairée.
Sauf cas d'urgence, un simple examen médical type endoscopie pourra être décidé seul par le tuteur. Un acte de chirurgie lourd pouvant mettre en jeu le pronostic vital du protégé, devrait logiquement être soumis au juge.
Une solution pratique serait par exemple pour le juge de prévoir au moment de l'ouverture de la mesure de tutelle la liste des actes qui pourraient être accomplis seuls par le tuteur. Ainsi, les actes graves lui seraient systématiquement soumis.
Cela permettrait sans doute de mieux gérer des situations où le tuteur se trouve trop souvent seul face à une décision dont il ne maîtrise pas toujours les enjeux.
Thierry Rouziès
Avocat au Barreau de Paris