le tuteur peut-il décider seul des actes personnels et notamment médicaux du majeur sous tutelle?

Publié le 30/11/2010 Vu 23 561 fois 3
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La loi du 7 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a certes précisé les règles applicables aux actes personnels des majeurs parmi lesquels il convient de ranger les actes médicaux. Mais la nouvelle loi soulève bon nombre de difficultés d'interprétation qu'il convient d'examiner.

La loi du 7 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a certes précisé les règles a

le tuteur peut-il décider seul des actes personnels et notamment  médicaux du majeur sous tutelle?

La loi du 7 mars 2007 définit les actes personnels du majeur sous tutelle en s'inspirant de la doctrine et la jurisprudence antérieures.

C'est ainsi que le nouvel article 459 du Code civil qui énonce les principes applicables aux actes personnels du majeur sous tutelle, que nous allons examiner alinéa par alinéa, soulève par ailleurs certains problèmes d'interprétation.

1 - tout d'abord, l'alinéa 1 de l'article 459 dispose que "la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet".

Cet alinéa bien que reconnaissant au majeur la possibilité de faire des actes personnels c'est à dire en relation avec sa vie privée, ou son intégrité personnelle, pose la question de savoir qui peut apprécier si le majeur dispose des facultés pour faire de tels actes.

Il va de soi que seul le juge des tutelles peut trancher cette question. Toutefois, il est inconcevable de consulter le juge chaque fois que le majeur sous tutelle voudra ou devra accomplir un acte personnel.

Dans ce cas, pour les actes courants, habituels, on peut très bien considérer que la personne proche du majeur sous tutelle, c'est à dire celle qui le connaît pour le côtoyer quotidiennement pourrait être consultée de façon informelle. Mais qu'en est-il s'il y a un doute certain sur le défaut de volonté manifeste du majeur protégé?

2 - l'alinéa 2 de l'article 458 du Code civil apporte une réponse à cette question et dispose que "lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge peut prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, il peut, le cas échéant après l'ouverture d'une mesure de tutelle, autoriser le tuteur à représenter l'intéressé.

Cet alinéa est intéressant notamment dans le cadre de la tutelle, puisqu'il prévoit une proportionnalité dans le mécanisme de protection du majeur qui accomplit des actes personnels.

Ainsi, la notion d'assistance emprunté au régime de la curatelle apparaît ici s'appliquer également au tuteur dans le cadre des actes personnels. Même s'il est évident que le curateur comme le tuteur doivent apporter leur aide et assistance à leurs protégés, il semble que le législateur ait voulu que le tuteur joue le rôle d'un curateur dans le cadre des actes personnels et que son pouvoir de représentation ne s'appliquerait qu'aux actes de gestion du patrimoine du majeur. Ainsi le tuteur aurait une double casquette, celle d'un curateur en matière d'actes personnels du majeur protégé et celle du tuteur pour l'accomplissement des actes de gestion patrimoniale.

Toutefois, cette assistance ne serait valablement acceptable que pour les actes personnels courants, habituels et qui ne porteraient pas gravement atteinte à la vie privée ou à l'intégrité personnelle du majeur sous tutelle.

Il semble donc qu'à défaut de pouvoir jouer ce rôle d'assistance parce que le majeur sous tutelle ne peut exprimer sa volonté, alors le tuteur devrait obtenir l'autorisation du juge des tutelles pour accomplir un acte personnel.

3 - les alinéas 3 et 4 du nouvel article 459 du Code civil, visent quant à eux à permettre une efficacité du dispositif de représentation notamment en cas d'urgence ou de danger pour le majeur.

"La personne chargée de la protection du majeur peut prendre à l'égard de celui-ci les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que, du fait de son comportement, l'intéressé ferait courir à lui-même. Elle en informe sans délai le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué.

Toutefois, sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l'intégrité corporelle de la personne protégée ou à l'intimité de sa vie privée"

Il va de soi qu'en cas de danger ou d'urgence, la sollicitation préalable du juge est impossible et qu'en tout état de cause, rappelons-le, le tuteur est présumé apporter l'assistance requise à son protégé.

Qu'en est-il toutefois des actes médicaux?

Il faut se reporter ici aux dispositions du Code de la santé publique auxquelles le Code civil ne peut déroger.

Il convient de relever à ce titre que certains juges des tutelles ont tendance à considérer que seules les dispositions du Code de la santé publique sont applicables, et qu'en conséquence, l'accord du tuteur suffit à autoriser un acte médical, sans que le juge n'ait à intervenir.

L'article L.1111-4,7e du Code de la santé publique prévoit que le consentement du majeur doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Cet article finalement rejoint le principe de recherche de consentement préalable tel que pose par l'article 459 alinéa 1 ainsi que nous l'avons vu précédemment.

Cependant, l'article L.1111-4,7e ajoute que "dans le cas où le refus de traitement par le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du majeur en tutelle, le médecin délivre les soins indispensables".

Faut-il en conclure, qu'en matière d'actes médicaux, l'autorisation du tuteur est toujours requise? A notre sens, non, dans la mesure où justement la loi a voulu limiter les pouvoirs de représentation du tuteur.

Toutefois, on peut parfaitement estimer, lorsque l'accord du majeur ne peut être obtenu, que le tuteur peut le représenter et donner son accord pour des actes ne constituant pas une atteinte grave à l'intégrité de la personne. Le tuteur pourra d'ailleurs s'en remettre à l'avis du médecin pour prendre une décision éclairée.

Sauf cas d'urgence, un simple examen médical type endoscopie pourra être décidé seul par le tuteur. Un acte de chirurgie lourd pouvant mettre en jeu le pronostic vital du protégé, devrait logiquement être soumis au juge.

Une solution pratique serait par exemple pour le juge de prévoir au moment de l'ouverture de la mesure de tutelle la liste des actes qui pourraient être accomplis seuls par le tuteur. Ainsi, les actes graves lui seraient systématiquement soumis.

Cela permettrait sans doute de mieux gérer des situations où le tuteur se trouve trop souvent seul face à une décision dont il ne maîtrise pas toujours les enjeux.

 

Thierry Rouziès

Avocat au Barreau de Paris

 

 

 

 

 

 

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1 Publié par Visiteur
18/04/2011 20:43

bonsoir,
j'exerce dans une Maison d'Accueil Spécialisée qui reçoit des personnes possédant des handicaps intellectuels et physiques
les différents articles que vous citez ci dessus nous questionnent :
nous nous demandons comment estimer qu'un résidant est capable de de prendre seul une décision personnelle éclairée et qui doit l'estimer.
sachant que les familles qui peuvent être tuteurs sont nos partenaires principaux, il apparait difficile d'aller à l'encontre de leur décision (je parle là par exemple des autorisations de visite de sortie ou même de photographier)
au lieu d'éclairer notre lanterne ces articles remettent en cause notre pratique en sachant qu'il faut toujours garder à l'esprit l'intérêt des résidants
sommes nous bien placé pour estimer si oui ou non un résidant a les capacités de prendre seul les décisions relatives à sa personne au risque de ne pas être objectif?
je vous remercie de continuer à bien vouloir échanger sur ce sujet
cordialement

2 Publié par Thalassadotcom
22/02/2019 02:49

Bonjour,
j'étais entrain de lire votre post et je me suis aperçu qu'il a une erreur, c'était juste pour vous prévenir pour que vous puissiez le corriger. quand vous étiez entrain de parler, de l'alinéa 2 de l'article 459, vous avez mis par erreur "alinéa 2 de l'article 458" !
sinon c'était très intéressant ce que vous avez écrit, et ça m'as permis de mieux comprendre mon sujet de dissertation ahah, merci à vous !

3 Publié par Faimanon
02/09/2023 11:14

Bonjour
Est qu il y’a moyen de vous contacter ? Bien cordialement

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A propos de l'auteur
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Me Thierry Rouziès, Avocat au Barreau de Paris depuis 1999, est expert en Droit de la Protection des Majeurs. Il conseille et assiste tant des particuliers que des Professionnels (MJPM).

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