Voilà une jurisprudence de la Cour de Cassation qui, bien que singulière, n'en demeure pas moins interressante et quelque peu méconnue.
Cass. 2e civ. - 29/04/1994 - Pourvoi n° 92-16.814 - Rejet - Bull. n° 123
Sur le moyen unique :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 novembre 1991) d'avoir prononcé le divorce des époux X... aux torts de la femme, alors que, selon le moyen, il résulte de l'article 242 du Code civil que l'existence d'une séparation de fait entre deux époux, même imputable à la faute de l'un d'eux, ne confère pas aux époux encore dans les liens du mariage une immunité privant de leurs effets normaux les offenses dont ils peuvent se rendre coupables l'un envers l'autre ; que, par suite, en refusant de prendre en considération le constat d'adultère établi à l'encontre du mari au motif inopérant que le devoir de fidélité est nécessairement moins contraignant du fait de la longueur de la procédure, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 242 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le constat d'adultère établi plus de 2 années après l'ordonnance ayant autorisé les époux à résider séparément et alors que le devoir de fidélité est nécessairement moins contraignant du fait de la longueur de la procédure, ne saurait constituer une violation grave des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ; que, par ces constatations et énonciations, la cour d'appel a souverainement apprécié que les faits reprochés au mari ne constituaient pas une violation grave des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
Dans cet arrêt la Cour de Cassation rappelle que les juges du fond apprécient souverainement si les faits reprochés constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intollérable le maintien de la vie commune.
Le Juge suprème acceptant même de voir le juge du fond considérer que l'adultère établi deux ans après l'Ordonnance de non conciliation, ne présente pas le caractère de gravité requis pour qu'une faute puisse entraîner le prononcé du divorce.
Rappelons que pour qu'une faute puisse entraîner le prononcé du divorce il convient que plusieurs conditions soient requises :
- la faute doit violer un devoir ou une obligation du mariage
- la violation doit être grave ou renouvelée
- la violation doit de plus rendre intollérable le maintien de la vie commune.
Le rappel de cette jurisprudence peut ne pas être inutile tant il semble facile de se laisser aller à considérer l'adultère comme cause "automatique" de divorce.
Il convient au contraire de rechercher systèmatiquement si une faute présente bien toutes les conditions pour pouvoir entrainer le prononcé d'un divorce, et ne pas oublier, comme mentionné dans l'arrêt précité, que le juge du fond peut parfaitement considérer que la longueur de la procédure fragilise l'obligation de fidélité.
Certainement s'agit il là d'une prise de conscience de la réalité toute simple de la vie au regard des délais particulièrement longs de certaines procédures conlictuelles.
Il ne faut tout de même pas voir dans cette jurisprudence un "permis de tromper" puisque, rappelons le, tout repose sur l'appréciation IN CONCRETO des situations individuelles.