Le piège des postes D.F.P. et S.E. en nomenclature DINTILHAC dans le cadre de l’Expertise.
Le rapport du groupe de travail présidé par M. Jean Pierre DINTILHAC, et rendu en Juillet 2005, précise les notions de Déficit Fonctionnel Permanent (D.F.P.) et de Souffrance endurée (S.E)
Le rapport indique :
Pour le D.F.P. :
« Ce poste de préjudice cherche à indemniser un préjudice extra-patrimonial découlant d’une
incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les
fonctions du corps humain de la victime.
Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère
personnelle de la victime. Il convient d’indemniser, à ce titre, non seulement les atteintes aux
fonctions physiologiques de la victime78, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la
perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au
quotidien après sa consolidation. »
Pour les S.E. :
« Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que
doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est à dire du jour de l’accident à celui
de sa consolidation. En effet, à compter de la consolidation, les souffrances endurées vont
relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre. »
Dans le cadre d’une Expertise, qu’elle soit amiable ou judiciaire, il convient donc d’être extrêmement vigilant sur plusieurs points.
Trop souvent lors d’une expertise, les différents intervenants peuvent se laisser entraîner à garder les habitudes de fonctionnement acquises à l’ère de l’Incapacité Permanente Partielle (I.P.P.) et du Pretium Doloris (P.D.) (Avant la nomenclature DINTILHAC)
Ces deux définitions imposent une vigilance particulière lors des expertises.
Le D.F.P. n’est pas I.P.P. !
Lors des opérations d’expertises, la tentation est grande, pour le médecin expert (la force des habitudes étant ce qu’elle est), de s’appuyer sur le seul barème d’incapacité pour définir un DFP.
Ainsi, n’est-il pas rare, de relever qu’après avoir procédé à l’examen de la victime, et ce en général de façon méticuleuse, le médecin procède au chiffrage de ce qu’il nomme le D.F.P. en effectuant la même addition des déficits qu’il réalisait sous l’empire de l’I.P.P, en s’appuyant sur le même barème (en général du concours médical).
Avec une telle pratique, que ce soit sous l’empire de l’I.P.P. ou sous celui du D.F.P., la victime se retrouve, à déficit égal, avec le même chiffrage.
Normal me direz-vous, et bien aussi curieux que cela puisse sembler, absolument pas !
En effet, la majorité des barèmes, et en tout cas ceux qui sont le plus fréquemment utilisés, ont été établi sous l’empire de l’I.P.P, et en tout cas avant la nomenclature DINTILHAC.
le chiffrage des déficits physiques, et psychiques, qui en découle correspond donc à une I.P.P et non à un D.F.P.
Or, et si l’on se réfère à la définition du D.F.P. sous DINTILHAC, on se rend immédiatement compte de ce que le D.F.P. n’est pas l’I.P.P.
D’abord, le D.F.P. inclut dans son chiffrage la douleur après consolidation !
En effet, dorénavant le P.D. en tant que poste de préjudice autonome n’existe plus, seule subsiste la Souffrance Endurée (S.E.), qui représente la souffrance endurée jusqu’à la consolidation.
Il convient donc de ne pas « oublier » les souffrances après consolidation lors de l’expertise, et qui viennent majorer le poste D.F.P.
Ensuite, le D.F.P. inclut également la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence (anciennement indemnisé pour partie par le préjudice d’agrément et par l’Incapacité Temporaire Totale (I.T.T.)
Donc :
DFP = IPP + PD (après consolidation) + perte de Qualité de vie + Troubles dans les conditions d’existence.
On est donc loin de ce qui se voit malheureusement encore DFP = IPP.
Il arrive également, et cela est compréhensible, que l’expert se retrouve « perdu » dans ce qui relève d’un exercice effectivement difficile, à savoir évaluer une victime sans disposer d’un barème d’incapacité à jour de cette nouvelle nomenclature.
Pour autant, à l’occasion d’une discussion contradictoire lors de l’expertise, l’échange des différents points de vue permet de trouver, le plus souvent, une réponse qui se veut même consensuelle.
En tout état de cause, le rapport d’expertise se doit de reprendre dans le détail les éléments qui constituent le poste de préjudice évalué, cela permet à tous, parties et juge, de s’assurer que l’évaluation a été réalisée en tenant compte de l’ensemble des éléments constituant le poste de préjudice.
Si, en effet, la recherche d’une évaluation identique, à victime identique, quel que soit l’expert nommé devrait être la règle, on touche ici les limites d’une nomenclature en avance sur les outils d’évaluation.
La question de la nécessité de revoir les barèmes d’incapacité est ici posée, tout comme celle de la nécessité d’uniformiser les divers barèmes existants. Cette prolifération nous semble en effet de nature à induire d’inacceptables différences d’évaluation des victimes.
Il reste que les participants à l’opération d’expertise doivent éviter ces pièges qui risquent de coûter cher aux victimes, alors que le but recherché est l’indemnisation de l’entier préjudice de ces dernières.
Avocat - DIU Evaluation des Traumatisés Crâniens