Le salarié qui reproche à l'employeur des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du travail peut prendre acte de la rupture de son contrat.
Conséquence directe : La prise d'acte entraine la cessation immédiate du contrat de travail.
La Cour de Cassation l'a rappelée à maintes reprises : (Cass.soc. 20-1-2010 n° 08-43471 + 08.43476)
Il convient à ce stade de l'article d'opérer une distinction entre la prise d'acte du contrat de travail et la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Cette différence est essentielle notamment en ce qui concerne leurs conséquences sur le contrat de travail.
En effet, le contrat de travail est immédiatement et irrémédiablement rompu par le salarié dès la prise d'acte ; alors qu'avec la résiliation judiciaire le contrat de travail se poursuit (continue d'être normalement exécuté) et ne sera rompu que si les juges tranchent en ce sens.
Autre conséquence également : lors de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail : le salarié, par définition, n'est plus tenu d'exécuter un préavis, tandis que dans le cadre d'une résiliation judiciaire du contrat de travail, ce dernier se poursuit et chacune des parties est tenue d'exécuter ses obligations contractuelles.
L'employeur devra continuer à payer les salaires à son salarié, et le salarié devra continuer à exercer les taches pour lesquelles il a été embauché dans l'entreprise.
Revenons sur la prise d'acte : il convient d'indiquer que l'employeur n'a pas la possibilité de prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de son salairé.
Une telle rupture entrainerait la requalification par le Conseil des Prud'hommes en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Concernant le formalisme : le salarié n'a pas à respecter un formalisme particulier. Toutefois, il est préférable, pour des raisons de preuves évidentes, de notifier par lettre recommandée avec accusé de réception, à son employeur la lettre de prise d'acte.
L'interet majeur de l'envoi de la lettre par recommandé réside dans la nature même de la rupture.
La conséquence directe de la prise d'acte est la cessation du contrat de travail dès l'envoi de la lettre de rupture du contrat.
De sorte, que la date d'envoi de la lettre doit être déterminée avec précision.
Les organismes sociaux et notamment Pôle Emploi doit connaitre la date précise de votre départ de l'entreprise pour calculer votre droit aux allocations de chômage.
Afin d'éviter tout litige portant sur la date de rupture du contrat de travail, il est conseillé d'adresser à votre employeur une lettre recommandée avec accusé de réception.
Inconvénient de la prise d'acte : une fois engagée, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ne peut être rétractée.
Concernant la charge de la preuve :
A ce stade de la procédure, une fois que le salarié a adressé la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail à son employeur par lettre recommandée, pour des fautes qu'il lui reproche, il appartient au salarié, de saisir au plus tôt le Conseil des Prud'hommes territorialement compétent, afin de demander au Conseil la requalification de la prise d'acte du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il appartient au salarié de prouver que les fautes commises par son employeur sont suffisamment graves pour justifier la cessation immédiate du contrat de travail.
Si les faits invoqués par le salarié sont suffisamment graves pour justifier la cessation immédiate du contrat de travail et empêcher la poursuite du contrat, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A contrario, si les faits invoqués ne sont pas suffisamment graves, elle produit les effets d'une démission.
Etant précisé, que contrairement à la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié ne fixe pas les limites du litige, de sorte que le salarié pourra soulever en cours d'instance d'autres fautes qui auraient été commises par l'employeur mais non mentionnées dans la lettre.
Quelques exemples de manquements de l'employeur justifiant une prise d'acte :
- modification du contrat de travail imposée au salarié
-harcèlement moral
-manquement obligation de sécurité
Les conséquences en cas de requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Le salarié aura le droit aux indemnités de licenciement, ainsi que de l'indemnité compensatrice de préavis (même si non effectué).
Cependant, le salarié n'aura pas le droit de bénéficier des indemnités pour non respect de la procédure de licenciement.
A contrario, lorsque le Conseil des Prdu'hommes requalifie la prise d'acte en démission, le salarié peut être condamné à verser à l'employeur une indemnité pour non respect du préavis.
Maitre Elie ATTIA
Avocat au Barreau de Marseille