Le présent cas pratique propose de liquider une succession dévolue en présence du conjoint survivant à la fois en droit français et congolais. Ceci dit, si en droit français le conjoint survivant est un héritier de premier rang qui n’est primé par aucune autre catégorie des successibles et qu’il serait, même en présence des descendants du défunt toujours appelé à la succession, en droit congolais la situation en est une autre.
Énoncé:
Marc, époux de Martine avec qui il avait eu deux enfants : Lambert et Natacha est décédé. Lui survivent : Natacha ; Eric et Luc, les enfants de Lambert (prédécédé) ; Marcel et Louis, deux enfants issus de différentes liaisons extraconjugales ; sa mère Louise, ses sœurs Helene et Octavie ; sa tante et son oncle paternels : Lucrèce et Paulin.
Les biens sont estimés à 22.345.000frcs et sont essentiellement constitués de valeurs mobilières reçues de la succession de son père et évaluées à 7.800.000frcs .
Les dettes successorales sont estimées à 1.247.000frcs.
Quels sont les droits des différents héritiers ?
a- Quelle est la cause d’ouverture de la succession de marc ?
Droit français : Le code civil distingue traditionnellement trois(3) causes d’ouverture de la succession : la mort[1], la disparition[2] et l’absence[3].
En l’espèce, Marc est décède, la cause d’ouverture est donc la mort.
Droit congolais : la situation est identique en droit congolais sur cette question. Suivant l’article 452 du code de la famille, « la succession s’ouvre par la mort et par la déclaration judicaire du décès en cas d’absence ou de disparition ».
En l’espèce, Marc est décède, la cause d’ouverture est donc la mort.
b- Quel type de dévolution ?
Droit français : l’article 721 du code civil distingue la dévolution ab intestat et la dévolution testamentaire.
En l’espèce, Marc n’ayant pas laissé de testament, on appliquera les règles gouvernant la dévolution légale.
Droit congolais : pas de changement en droit congolais[4].On appliquera les principes gouvernant la dévolution légale en droit congolais également.
c-Quelles sont les personnes appelées à la succession de Marc ?
Droit français :
Suivant la lecture de l’article 725 du code civil, ne peuvent succéder que les personnes dont l’existence est certaines au moment de l’ouverture de la succession. Est-ce à dire pour autant que toutes les personnes qui survivent à Marc sont appelées à sa succession ? Non pas du tout car on est dans une hypothèse de dévolution avec conjoint survivant. Celui-ci exclut les frères et sœurs voire autres laissés par le défunt à l’exception toutefois des descendants ou enfants du défunt.
Seront ainsi appelées à la succession de Marc :
- Martine, en sa qualité de conjoint survivant ;
- Natacha, la fille de Marc ;
- Eric et Luc, par le bien du mécanisme de la représentation ;
Observation : Eric et Luc sont les enfants de Lambert[5], qui lui-même était enfant de Marc. Or le code civil rappelle qu’il est tout à fait possible d’appeler à la succession les représentants (Eric et Luc) aux droits du représenté (Lambert)[6]. Il ‘agit donc en réalité d’un des cas de représentation admis par le code civil à savoir celui de la représentation dans les successions en ligne directe vers les descendants[7].
4. Marcel et Louis.
Observation : bien qu’issus de différentes liaisons extraconjugales, ils seront appelés à la succession de leur père Marc car, depuis décembre 2001, l’enfant adultérin est traité à égalité avec les autres enfants naturels et légitimes.
Droit congolais :
En droit congolais la situation ne sera pas la même. Celui-ci appelle au moins deux catégorie d’héritier à la succession et le conjoint survivant n’est pas un héritier a part entière comme en droit français. Il serait d’ailleurs classé tout bas dans l’énumération de l’article 462 du code de la famille congolais[8].
Seront donc appelées à la succession de Marc en droit congolais :
- Ses enfants, sans aucune distinction possible.
Il s’agit pour mémoire de :
-Natacha ;
-Eric et Luc, par le même mécanisme de représentation[9] qu’en droit français ;
Et Marcel et Louis.
- Ses ascendants.
Sa seule mère Louise dans le cas d’espèce.
Maintenant que nous avons déterminé les différentes personnes appelées à la succession de Marc en droit français comme congolais, il nous faut à présent calculer la part successorale de chaque héritier.
d-Quelle est la part successorale de chaque héritier ?
1-Règlement préalable du passif.
En l’espèce, les biens sont estimés à hauteur de 22345000f contre 1247000f.
On aura :
22345000f -1247000f. = 21.098.000f.
Apres paiement des dettes, le patrimoine successoral partageable entre les héritiers est de 21.098.000f.
2-Part de chaque héritier en droit français
Observation :
Rappelons que Martine, le conjoint survivant est en concours avec les enfants nés d’unions différentes. Dans ce cas, l’article 757 du code civil commande au conjoint d’hériter du quart de la succession en pleine propriété ; les enfants eux se partageant les ¾ restant sans aucune distinction.
Héritiers |
part |
calcul |
résultat |
Martine (C.S) |
¼ |
21.089.000f x1/4 |
5.274.500f |
Les enfants |
¾ |
21.089.000f x3/4 |
15.823.500f à partager entre les quatre(4) enfants. |
Répartitions entre les enfants.
On a :
15.823.500f à partager entre les quatre(4) enfants.
Soit,
1-Natacha=3955875f ; 2-Marcel=3955875f ; 3-Louis=3955875f ;
Et 4-Eric et Louis 3955275f/2= 1977937,5 chacun.
3-Part de chaque héritier en droit congolais.
En droit congolais, suivant l’article 474 du code de la famille, les enfants auront 3/4, les père et mère se partageront le quart restant.
Application de la règle de la fente pour ce qui est des ¾ des enfants.
Les enfants de Marc n’étant pas tous issus du même lien, le droit congolais commande de faire application de la règle de la fente[10] .
Dans notre cas d’espèce, la part revenant aux enfants est de 15.823.500f, chaque ligne aura 7.911.750f.
La fente |
Ligne paternelle (par 4 enfants) |
Ligne maternelle (par 2 enfants) |
Montant à partager par ligne |
7.911.750f. |
7.911.750f. |
Les différents bénéficiaires |
-Natacha ; -Eric et Luc ; -Marcel ; -Louis. |
-Natacha ; -Eric et Luc |
Résultat |
1977937,5f par enfant. |
3955875f par enfant. |
Les enfants figurant dans les deux lignes peuvent tout bonnement additionner les deux parts.
Exemple de Natacha : 1977937,5f+3955875f
Quid du cas des ascendants ?
Suivant l’article 477 du code de la famille si un seul des ascendants est en vie, la part qui lui est dévolue sera donnée aux frères et sœurs du défunt.
Dans notre cas d’espèce, le ¼ revenant aux ascendants est égale à 5.274.500F. Louise (mère du défunt) étant la seule en vie, cette part sera divisé part deux : une moitié pour louise et l’autre moitié pour Lucrèce et Paulin.
Louise aura : 2.637.250f
Lucrèce aura : 1.318.625f
Paulin aura : 1.318.625f
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
ESSIE TRESOR WELCOME
Etudiant chercheur à la faculté de droit de Brazzaville(UMNG).
[1] Art. 720 du code civil « les successions s’ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt. »
[2] Art. 88 et suivants.
[3] Art. 112 et suivants.
[4] Voir en ce sens art. 451 et suivants du code de la famille congolais.
[5] Lambert est prédécédé, l’art. 754 du code civil « on représente les prédécédés(…) »
[6] Art. 751 du code civil.
[7] Art. 752 « la représentation a lieu à l’infini dans les ligne directe descendante ».
[8] Art. 462 du code de la famille « les successions sont déférées aux enfants et descendants, à ses ascendants, à ses parents collatéraux et à son conjoint survivant dans l’ordre et suivant les règles ci-après déterminées ».
[9] Art. 468 à 471 du code de la famille.
[10] Art. 480 du code de la famille « la part dévolue aux frères et sœurs se partage entre eux part tète.
Cependant, s’il existe à la fois des frères et sœurs germains et des frères et sœurs utérins ou consanguins, la part qui leur est dévolue se divise par moitié entre la ligne paternelle et la ligne maternelle.
Les frères et sœurs germains prennent part dans les deux lignes, les frères et sœurs utérins et consanguins dans une ligne seulement ».