« La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de sa vie »[1]. Par conséquent si l’enfant né vivant et viable est protégé il en va de même pour l’enfant conçu. C’est dans cette perspective que s’inscrit le sujet objet de notre étude. Toutefois ce sujet pouvant se prêter à une variété d’interprétations, il est préférable de procéder à une définition de ses concepts. Ainsi par « protection juridique » il faut entendre l’ensemble des règles juridiques qui sécurisent et protègent l’enfant conçu. Qu’est-ce alors « un enfant conçu ? ». Il désigne l’enfant non encore né ou le fœtus se trouvant dans le ventre de sa mère. Pour le code civil français, l’enfant est censé être conçu entre le 300e jour et le 180e jour avant la naissance[2].
Historiquement l’adage infans conceptus pro nato habetur hérité du droit romain, élevé au rang des principes généraux du droit a toujours légitimé la protection de l’enfant conçu et a fait l’objet d’une large application dans notre droit. En effet celui-ci a reconnu et protège cet enfant bien avant qu’il ne fût visible par ses parents et par les médecins : il ne s’est pas contenté d’y voir un être humain, il l’a tenu pour né.
L’intérêt juridique de ce sujet réside alors en ce sens qu’il nous permet de cerner l’état du droit positif sur la protection de l’enfant conçu. Sur ce, comment le droit positif protège-t-il alors l’enfant conçu ? A la réponse à cette question nous examinerons d’une part les différentes protections juridiques de l’enfant conçu (I) et les limites a celles-ci (II) d’autre part.
I -Les différentes protections juridiques de l’enfant conçu.
L’enfant conçu est protégé aussi bien sur le plan pénal(A) que civil(B).
A-La protection pénale de l’enfant conçu.
Rappelons pour l’essentiel que la loi assure la protection de l’être humain dès le commencement de sa vie. C’est dire que dès la conception un être humain existe et s’il en va ainsi et que le commencement de la vie peut rétroagir au stade de la conception comme l’a su bien démontrer la science médicale alors, il n’y a aucun problème à appliquer les dispositions pénales relatives aux atteintes à la vie à l’enfant conçu. L’article 223-10 du code pénal dispose: « l’interruption de la grossesse sans le consentement de l’intéressée est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amendes »[3]. La tentative de ce délit est aussi punie des mêmes peines[4]. Réciproquement les personnes physiques coupables de l’une des infractions prévues par les articles 223-10 et 223-11 encourent, outre les peines mentionnées par ces articles, l’interdiction, pour une durée de cinq ans ou plus, d’exercer une activité de nature médicale ou paramédicale[5].
Dans le même ordre d’idée est interdite toute constitution par clonage d’embryon humain à des fins de recherche [6] et thérapeutique[7].
Quid de la protection civile ?
B -La protection civile de l'enfant conçu.
Au plan civil la loi protège l’enfant conçu soit dans le cadre de la responsabilité civile soit de la nullité de certains contrats.
Le premier cas par exemple renvoi à l'idée de l'indemnisation du prejudice qu'aurait subi l'enfant conçu en se fondant sur l'ancien article 1382 du code civil devenu article 1240 à l'issu de la reforme du droit des contrats. Cette idée a donné lieu à une jurisprudence très célèbre dite l’affaire Perruche[8] dans laquelle l’assemblée plénière de la cour de cassation s’était prononcée sur l’existence d’un préjudice subi par un enfant atteint de rubéole congénitale dont le diagnostic parental n’avait pas été porté du fait d’une négligence du laboratoire d’analyses biologiques. Elle retenait alors que « dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l’exécution des formés avec madame perruche avaient empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ».
Dans l’autre cas il nous convient de rappeler pour mémoire l’article 6 du code civil suivent lequel « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ». Tout contrat ayant pour objet l’enfant conçu se trouve alors, en principe, être annulé puisque ce dernier ne peut faire l’objet d’aucun commerce.
La protection juridique de l’enfant conçu n’est pas absolue, elle souffre de quelques limites(II).
II -Les limites à ces différentes protections de l’enfant conçu.
Cette protection est limitée tant sur le plan légal (A) que jurisprudentiel(B).
A -Les limites légales.
La loi ne protège pas toujours l’enfant conçu même s’il apparait qu’elle en garantit le respect dès le commencement de la vie. Pour preuve, la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, dite loi Veil encadre la dépénalisation de l’avortement et apparait ainsi, dans une certaine mesure comme une limite légale à la protection de l’enfant conçu. La mère dispose ainsi d’un pouvoir discrétionnaire de recourir à une I.V.G dès lors qu’elle satisfait à l’état de détresse exigé par ladite loi et qu’elle agit dans le respect scrupuleux d'un délai de 10 semaines. Lequel délai a été allongé depuis 2001 de 10 à 12 semaines[9]. Pire encore, il a été adopté définitivement par le parlement français en février 2017 une loi sur le délit d’entrave à l’I.V.G. Désormais, comme le souligne avec ironie Catherine Coutelle, les « militants anti-IVG » seront punis de deux ans de prison et de 30000 euros d’amende[10].
Bien plus la loi dite ‘’anti-Perruche’’ mise en place par Bernard Kouchner le 04 mars 2002 stipule que « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance » et limite par la même occasion l’indemnisation d’un handicap non détecté lors d’un examen parental au seul préjudice moral des parents.
Par ailleurs, la loi n° 2004-800 du 6 Aout 2004 relative à la bioéthique autorise désormais l’assistance médicale à la procuration[11] et le diagnostic prénatal, « enfant médicament »[12].
Qu’en est-il des limites jurisprudentielles ?
B -Les limites jurisprudentielles.
La jurisprudence refuse traditionnellement que le délit d’homicide involontaire réprimé part l’article 221-1 du code pénal soit étendu au cas de l’enfant conçu à naitre dont le régime relève des textes particulières sur l’embryon et le fœtus[13].
Déjà en juin 1999 la chambre criminelle de la cour de cassation censurait de façon presque laconique un arrêt de la cour d’appel de Lyon qui avait jugé que la mort d’un fœtus âgé de 20 à 24 semaines due à l’imprudence ou à la négligence d’un médecin constituait un homicide involontaire.
Dans la même logique, le 25 juin 2002 la chambre criminelle a cassé un arrêt de la cour d’appel de Versailles condamnant pour homicide involontaire une sage femme dont les fautes lourdes avaient entrainé la mort d’un fœtus de neuf mois lors d’un accouchement.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
ESSIE TRESOR WELCOME.
Etudiant chercheur à la faculté de droit de Brazzaville(UMNG).
[1] Article 16 du code civil.
[2] Article 311, alinéa 1 du code civil.
[3] Voir également l’article L2222-1 du code de la santé publique.
[4] Article 223-11 du code pénal français.
[5] Article 223-19 du code pénal français.
[6] Art.L.2151-2 de la loi n°2004-800 du 6 aout 2004 relative à la bioéthique-article 25.
[7] Art.L.2151-4 de la loi n°2004-800 du 6 aout 2004 relative à la bioéthique-article 25.
[8] Cass. Ass. Plén., 17 nov. 2000 Bull n°526 du 15/12/2000
[9] Loi n°2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
[10] Article L2223-2 modifié par la loi n°2017-347 du 20 mars 2017 « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L.2212- L.2212-8 par tout moyen , y compris par voie électronique ou en ligne (…) »
[11]Article 24 de ladite loi (assistance médicale à la procréation, devenir des embryons, tiers donneur) ; art. l.2141-1 et suivants du code de la santé publique.
[12] Article 23 de ladite loi ; article L.2131-1 du code de la santé publique.
[13] Bulletin d’information n°54 du 01/08/2001