Voici plus de 212 ans que la phase précontractuelle avait été absente du droit des contrats issu du code civil de 1804. Pourtant, celle-ci n’a jamais été un « no man’s land juridique »[1].Le droit commun applicable à la conclusion du contrat a donc toujours été entièrement prétorien. Le nouveau droit des contrats issu de l’ordonnance du 10 février 2016 portant reforme droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations n’est pas passé pieds jointes là-dessus[2].
Ceci étant, à coté des principes régissant cette phase dite précontractuelle, se trouve être érigé dans le nouveau droit des contrats un véritable devoir général d’information (article 1112-1 infra) objet de notre présente étude. Présente depuis fort longtemps dans les lois spéciales[3] et la jurisprudence, ce devoir d’ordre public n’a rien de nouveau. Toutefois, le rapport remis au président de la république précise qu’Il était plus qu’ « opportun de consacrer dans le code civil de manière autonome indépendamment du devoir de bonne foi, ce principe essentiel à l’équilibre des relations contractuelles, et d’en fixer un cadre général ».
Art. 1112-1
« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »
Cet article ainsi rappelé appelle une série de questions pour une meilleure compréhension.
I-Qui doit informer ?
L’article 1112-1 s’ouvre bel et bien par la réponse à cette interrogation. C’est «Celle des parties qui connaît une information » qui doit informer. Il peut donc s’agir du vendeur comme de l’acheteur. De même, cet article semble reconnaitre de façon implicite le devoir de se renseigner. Apres tout « comment admettre qu’un contractant soit tenu d’informer l’autre s’il ne doit pas s’informer lui-même ? » ‘interroge Jean-François Hamelin[4]. La formule de l’article 1129[5] issu de Projet de reforme était peut être préférable, bien que sujette aux multiples interprétations. Il y’a ici lieu de craindre que le juge pourrait être renvoyé à ses vieilles habitudes.
II-Quel type d’information doit-il fournir ?
a-Une information déterminante pour le consentement de l’autre partie.
Si la partie qui connait l’information se doit d’informer l’autre, c’est à la condition que celle-ci, l’information, soit d’une « importance déterminante pour le consentement de l’autre ». Qu’est ce alors une information déterminante pour le consentement de l’autre ? La réponse apparait tout de suite à l’alinéa 3 du même article. Il s’agit en effet des « informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ». Le but ici c’est de protéger le créancier de l’information des informations susceptibles de le distraire ou de le détourner de ce qu’il y’a de plus déterminant pour son consentement ; le débiteur lui «d’informations inutiles, couteuses en temps et en argent »[6].
Il faut également remonter à l’alinéa 2 pour comprendre que l’information ne doit pas porter « sur l’estimation de la valeur de la prestation ».
b-Une information ignorée du cocontractant.
En plus d’être déterminante pour le consentement de l’autre, l’alinéa 1 de l’article 1112-1 exige que cette information ait été ignorée du cocontractant. Laquelle ignorance se doit d’être légitime ou avoir un trait avec les relations de confiance existant entre les deux parties.
La ligne de démarcation entre l’ignorance légitime et celle illégitime est plutôt fragile. Le cocontractant normalement vigilent par exemple, ne peut se permettre d’ignorer certaines informations au risque d’être illégitimement ignorant. Convient-il donc de toujours se renseigner même si cet article ne l’affirme pas clairement. Portalis écrivait à juste titre : « l’office de la loi est de nous protéger contre la fraude d’autrui, mais non pas de nous dispenser de faire usage de notre propre raison ».Il existe d’ailleurs un devoir de renseignement reconnu lui aussi depuis fort longtemps par la jurisprudence[7].
III-Sur qui repose la charge de la preuve ?
La règle relative à la charge de la preuve est consacré à l’article 1353 reprenant mot pour mot l’ancien article 1315 du code civil.
Pour mémoire cet article dispose : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Parallèlement ce serait au créancier d’information de prouver l’existence du devoir de l’information et au débiteur de celle-ci de prouver qu’il l’a fournie. La formule de l’alinéa 4 de cet article est qui plus est d’une énorme simplicité : « Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie ».
IV-QUID DE LA SANCTION DE LA VIOLATION DE CE DEVOIR ?
Suivant le dernier alinéa de l’article 1112-1, « Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ». La violation de ce devoir peut ainsi soit entrainer une responsabilité extracontractuelle du débiteur de l’information n’ayant pas informé soit une responsabilité contractuelle dans l’hypothèse où ce manquement provoquerait un vice de consentement. Toutefois, il ne sera pas toujours le cas. Suivant le rapport au président de la république « une partie qui aurait négocié pendant des mois avec une autre, et découvrirait tardivement et fortuitement une information déterminante que celle-ci aurait dû lui fournir, pourrait refuser de conclure le contrat, et réclamer la réparation du préjudice subi du fait du manquement au devoir d’information ».
Pour la cour de cassation « Le préjudice résultant du manquement à une obligation précontractuelle d’information est constitué par une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses et non par une perte d’une chance d’obtenir les gains attendus ». [8]
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
ESSIE TRESOR WELCOME
Etudiant chercheur à la faculté de droit de Brazzaville.
[1] Denis Mazeaud, la genèse des contrats, un régime de la liberté surveillée : Dr.et patr.juill.1996, p.44 s.
[2] Voir en ce sens l’ordonnance du 10 février 2016 portant reforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, Chap. II, Sec. I et suivant.
[3] Exemple C.consom., art. L 111-1) ; C.com., art. L 333
[4] Voir en ce sens Jean-François Hamelin, les devoirs de se renseigner et d’information, Blog Réforme du droit des obligations.
[5] Voir l’article 1129 du projet de reforme du droit des contrats… « Celui des contractants qui connait ou devrait connaître(…) ».
[6] Voir en ce sens Mustapha Mekki in la reforme du droit des obligations : Question pratique.
[7] Req. 7 janv.1901 :D.1901.I.128 « le contractant qui s’est trompé parce qu’il a été trop crédule ou négligent dans ses vérifications ne doit s’en prendre qu’à lui-même ».
[8] Com.31 janv.2012: n°11-10.834.