« Le travail est certes la santé, mais pour la conserver, il faut pouvoir (et savoir) prendre du repos »[1]. Aujourd’hui plus que jamais, ces propos de Jean Claude JAVELLIER ont le mérite d’être clairs et précis sur l’importance voire l’intérêt du droit au repos dans la préservation de la santé des travailleurs. Qu’est-ce alors le droit au repos si le terme repos en lui-même renvoi suivant la directive du 4 Novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail à « toute période qui n’est pas du temps de travail » ? La référence est ici faite au repos compensateur, congés payés, repos quotidien mais surtout au repos hebdomadaire dont il nous convient de nous intéresser plus particulièrement en raison de multiples problèmes qu’il pose. Ce dernier est prévu aux articles 118[2] et L.221-2 à L.221-4 (devenus L.3132-1 à L.3132-3[3]) respectivement des codes du travail congolais et français qui interdissent à l’employeur de faire travailler son salarié pendant plus de six jours, ce dernier devant avoir un repos en principe le dimanche ou dominical.
Historiquement, ce repos hebdomadaire a une origine double à la fois religieuse et sociale. Ses antécédents religieux remontant bien avant les débuts de la législation sociale. Pour preuve, il est écrit dans l’ancien testament : « observe le jour du sabbat pour le sanctifier comme te l’a recommandé Yahvé ton Dieu. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage, mais le septième jour (…) tu n’y feras aucun ouvrage, ni toi, ni fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne, ni aucune de tes bêtes, ni l’étranger qui est dans tes portes. Ainsi, comme toi-même, ton serviteur et ta servante pourront se reposer »[4]. Au plan social, en l’an 321 après Jésus Christ, par un décret considéré aujourd’hui comme le précurseur de la législation moderne en matière de repos hebdomadaire, l’empereur CONSTANTIN ordonnait que le dimanche « les magistrats se reposassent et que tous les ateliers fussent fermés ».
Toutefois, il a fallu attendre la création de l’O.I.T[5] pour que la législation du travail connut une période de progrès rapide au cours de laquelle les disposition légales instituant le repos hebdomadaire furent systématisées, améliorées et étendues.
En quoi consiste alors le droit au repos ? Quel est son enjeu dans l’entreprise ? Ce droit est-il protégé ?
Les réponses à ces multiples interrogations constitueront le nœud de toute notre réflexion qui sera présentée en deux axes : droit au repos, un droit encadré par la loi (I) et droit au repos, un droit protégé (II).
I- Droit au repos : un droit encadré par la loi ?
La loi fixe, au Congo comme en France le régime générale du repos hebdomadaire (A) ainsi que les différentes dérogations possibles à ce dit droit (B).
A -Le régime du droit au repos ou du repos hebdomadaire proprement dit.
Au Congo comme en France, la loi encadre le régime applicable au repos hebdomadaire en déterminant sa périodicité, le jour où il est généralement accordé et sa durée minimum dans une formule à contenu obligationnel, « il est interdit (…) » que doit respecter a tout prix l’employeur. C’est ce qui ressort de la lecture des articles 118 (cas du Congo) et L3132-1 à 3132-3(cas de la France) auxquels nous nous sommes déjà référés. Pour mémoire, l’article 118 du code de travail de la République du Congo dispose : « le repos hebdomadaire est obligatoire. Il est de 24 heures consécutives par semaine. Il a lieu en principe le dimanche(…) ».
L’employeur est ainsi tenu d’octroyer un jour de repos par période de sept jours à son salarié et c’set en cela qu’il est dit hebdomadaire, lequel jour doit en principe intervenir le dimanche[6]. Mais, dans la pratique, il est courant que, dans bien des professions, le travail dominical ne saurait être évité. En pareils cas, il est généralement octroyé au travailleur un jour de repos compensateur, à moins qu'il ne touche une rémunération spéciale pour le travail exécuté le dimanche.
Est-t-il réellement de 24 heures consécutives par semaine ce repos ? En France, depuis la loi du 13 juin 1998 relative à la réduction du temps du travail l’on parle également d’un repos quotidien qui est d’une durée minimale de 11 heures, consécutives dont doit bénéficier tout salarié s’additionnant traditionnellement aux 24heures consécutives du repos hebdomadaire pour un total d’une durée d’au moins 35heures. Ainsi, si par exemple un salarié achève son travail le samedi à 19h, il ne pourra pas en principe reprendre son travail avant lundi 6heures (5heures de repos quotidien de samedi 19heures à minuit + 6heures de repos quotidien de dimanche minuit à lundi 6heures=11heures de repos quotidien + 24heures de repos hebdomadaire de samedi minuit à dimanche minuit).
Le principe du repos hebdomadaire ou la règle du repos dominical n’est pas une règle absolue en soi, la loi permet d’y déroger au régime normalement établi pour des motifs divers(B).
B-Les possibles dérogations à ce droit.
Ces dérogations sont pour la plupart d’origine légale et règlementaire et peuvent être de plein droit(a), conventionnelles(b), préfectorales (qui n’appellent en réalité à aucun commentaire particulier ici) et communales(c).
a-Dérogations de plein droit :
Elles visent premièrement certains établissements dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, l’activité ou les besoins du public[7]. Dans ce cas, certains salariés peuvent être amenés à travailler le dimanche, le repos dominical étant accordé par roulement[8]. Aussi, les établissements dont la vente de denrée alimentaire constitue la principale activité peuvent également bénéficier de cette dérogation de plein droit. Il est alors donné le dimanche à partir de 13heures.
Dans certaines circonstances enfin, il est possible de suspendre ou de différer le repos hebdomadaire lui-même. Il s’agit des travaux urgents et du seul personnel nécessaire à l’exécution desdits travaux (voir en ce sens L.3132-4).
b-Dérogations conventionnelles:
Dans les entreprises ou les industries, une convention ou accord collectif étendu où une convention ou accord d’entreprise peut prévoir la possibilité d’organiser le travail de façon continue pour des raisons économiques et attribuer le repos hebdomadaire par roulement. A défaut, une dérogation peut être accordée par l’inspecteur de travail après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, s’ils existent (voir en ce sens l’article L.3132-14).
c-Dérogations communales:
Ces dérogations visent particulièrement la question relative aux dimanches dites « dimanches du maire ». En effet, avant la loi Macron de 2015[9] le maire pouvait suspendre 5 dimanches par an pour le repos dominical des établissements de commerce en détail ou le repos hebdomadaire est normalement le dimanche après consultation des organismes d’employeurs et des salariés. Aujourd’hui, il peut aller jusqu’à suspendre 12 dimanches ou même décider de n’autoriser aucun. Toutefois, il faut noter que seuls les salariés volontaires ayant donnée leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche dans le cadre du dimanche du maire (voir en ce sens l’article L.3132-27-1).
Par conséquent, le refus d’un salarié de ne pas travailler le dimanche ne peut être assimilé à un refus d’embauche, ni faire l’objet d’une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, encore moins une faute ou un motif de licenciement. En revanche, bénéficie-t-il, s’il accepte de travailler dans le cadre du dimanche du maire soit d’une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement dû pour une durée équivalente soit d’un repos compensateur équivalent en temps.
Le droit au repos en plus d’être encadré par la loi est un droit protégé(II).
II- droit au repos : un droit protégé ?
La violation ou l’inobservation du droit au repos expose à la fois l’employeur à des sanctions pénales (A) et civiles (B).
A-Les sanctions pénales.
Le manquement par l’employeur à la règle du repos hebdomadaire ou dominical peut donner lieu à des sanctions pénales. Toutefois, lorsque les infractions à la règle du repos hebdomadaire (interdiction légale d’occuper un salarié plus de six jours par semaine) et à la règle du repos dominical sont commises concomitamment elles doivent être réprimées distinctement puisque les deux contraventions comportent des éléments constitutifs spécifiques[10].
La distinction est d’autant plus importante car le fait qu’un salarié ait été employé le dimanche en violation du repos dominical n’implique pas nécessairement qu’il n’ait pas bénéficié du repos hebdomadaire. Le cumul des deux infractions donnant lieu à deux amendes. La cour de cassation tend d’ailleurs dans sa tendance actuelle à admettre qu’en cas de pluralité de contraventions au repos hebdomadaire ou dominical, l’amende doit être appliquée, en dehors même du cas de récidive, « autant de fois qu’il y’a des salariés employés dans les conditions irrégulières »[11]. La jurisprudence Dame Claudine Campredon est un cas parfait pour illustrer ces propos. En l’espèce, Dame Claudine est poursuivie pour avoir, en violation de l’article L.221-5 du code de travail devenu L.3132-3, omis de donner le repos dominical, à deux reprises, à quatre salariés et pour avoir, en violation de l’article L’221-2 (devenu L.3132-1) fait travailler plus de six jours de suite deux salariés, à deux reprises. La cour de cassation au regard de ces énonciations répondait alors par une formule bien simple : « les contraventions à la règle du repos hebdomadaire et à la règle du repos dominical donnent lieu à autant d’amendes qu’il y’a des personnes illégalement employées »[12].
Quid des sanctions civiles ?
B-Les sanctions civiles.
Selon l’importance du préjudice qu’il estime avoir subi, le salarié est en droit d’obtenir des dommages et intérêts[13]. Toutefois, il est important de rappeler que seuls les syndicats peuvent prendre l’initiative de la mise en œuvre de cette action. D’autant plus qu’elle est interdite aux organismes professionnels d’employeurs pris individuellement depuis un arrêt de la CA de Poitiers du 18 Novembre 1981[14]. En effet, il appartient traditionnellement aux syndicats d’exercer tous les droits réservés à la partie civile lorsque des faits ou actes ont causé un préjudice directe ou indirecte à la profession représentée[15]. Peut il donc demander réparation de ce préjudice devant toutes les juridictions compétentes qu’elles soient sociales, pénales voire administratives. Toutefois pour que cette action en défense de l’intérêt collectif de la profession représentée, le cas échéant salariale, soit recevable et aboutisse, le syndicat doit uniquement démontrer qu’un fait ou un acte[16] a porté atteinte aux intérêts de la profession qu’il défend. La chambre sociale de la cour de cassation rappelle en effet qu’il « il n’a pas à apporter la preuve de sa représentativité »[17].
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
ESSIE TRESOR WELCOME
Etudiant chercheur à la faculté de droit de Brazzaville(UMNG).
[1] Jean Claude Javellier, droit du travail, 5e éd., 1996, page 342.
[2] Article 118 du code de travail congolais (République du Congo) « le repos hebdomadaire est obligatoire. Il est de 24 heures consécutives par semaine.
Il a lieu en principe le dimanche(…) »
[3] -article L.3132-1 du code de travail français « il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine »
-article L.3132-2 du code de travail français « le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre Ier »
-article L.3132-3 du code de travail français « dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ».
[4] Deutéronome 5 : 12-14
[5] Le droit au repos figure aujourd’hui parmi les principes énoncés dans la constitution de L’OIT et tous les codes modernes du travail semblent l’inscrire parmi les droits fondamentaux des travailleurs.
[6] Notons par contre que dans les pays musulmans, l'usage est de fixer le jour du repos hebdomadaire le vendredi.
[7] Voir dans ce cas l’article L3132-12 du nouveau code de travail français.
[8]Voir en ce sens l’article R.3132-5 à 3132-8 énumérant les établissements pour lesquels certains de leurs activités justifient de plein droit le repos par roulement.
[9] Loi n°2015-990 du 6 Août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
[10] En ce sens cass.crim,25 Novembre,1997.Bull crim1997, n°401 / Cass.,crim, 16 Novembre 1999,jurisprudence n°999-004820 ;J.C.P
[11] Cass.plén., 22 janvier 1982, D.1982, P157, concl. ( ou n°79-94914)
[12] Voir en ce sens Cass.crim., 22 Novembre 1997, n°6219PF, Campredon, RJS 3/98 n°322, pp.198-199
[13] Cass.soc.,29 janvier 1981, n°79-41.406
[14] Voir en sens Poitiers, 18 Novembre 1981 , J.C.P83, ed.,C.I,I,11519,P.165.n°3.obs.B.Teyssie.
[15] Art. L.2131-3 du code du travail
[16] On songe ici à la violation dune convention ou d’un accord collectif ou du droit du travail