Définie comme étant « l’aptitude à être sujet de droits et d’obligations », la personnalité juridique a un début et une fin. Et c’est plus précisément la question relative à son début ou son commencement qui est l’objet de notre présente étude. Historiquement, la notion de personnalité juridique est née avec l’abolition de l’esclavage en 1848 car avant, l’esclave était considéré comme un bien et par conséquent n’était pas sujet de droit. Désormais, l’article 6 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme proclame que « chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique ». C’est à juste titre que Melina Douchy-Oudot ecrit : « Toute personne a la personnalité juridique du seul fait de son existence »[1]. Ce sujet présente ainsi un intérêt plutôt pratique que théorique en ce sens qu’il nous permet de comprendre le moment à compter duquel le droit confère la personnalité juridique à un individu. Ainsi, quel est le point de départ de la personnalité juridique ?
Pour répondre à cette interrogation nous aborderons d’un côté la naissance comme point de départ de la personnalité juridique(I) et dans un autre la problématique de la conception (II).
I-LA NAISSANCE COMME POINT DE DEPART DE LA PERSONNALITE JURIDIQUE.
Si la loi, reconnait le début de la personnalité juridique au stade de la naissance, c’est à la condition de naitre vivant(A) et viable (B).
A-l'enfant né vivant.
La naissance en vie est constatée grâce à la respiration postnatale de l’enfant. En effet, un enfant nait vivant lorsqu’à sa naissance, il respire complètement. Il ne suffit donc pas de naitre pour être pleinement une personne. Pour preuve, l’enfant mort né n’est pas une personne et par conséquemment n’a pas de personnalité juridique.
B-l'enfant né viable.
La viabilité est souvent définie comme « l’aptitude naturelle à vivre ». L’enfant viable ne doit donc pas présenter de malformations congénitales ou des anomalies susceptibles de rendre sa mort inévitable. Sur ce, un enfant est considère comme non viable, même s’il est né vivant, lorsque, étant dépourvu d’un organe essentiel à la vie, il est nécessairement voué à disparaître. Les deux conditions sont ainsi intimement liées : il faut, en plus d’être né vivant, d’être né viable.
L’organisation mondiale de la santé fixe par ailleurs depuis 1993 deux seuils de viabilité au choix : soit une durée de gestation d’au moins 22 semaines d’aménorrhées soit un poids minimal de 500g.
Quid de la conception ?
II- LA PROBLEMATIQUE DE LA CONCEPTION.
La personnalité juridique peut être reconnue à l’enfant conçu (A) mais cette reconnaissance est limitée(B).
A-la reconnaissance de la personnalité juridique à l’enfant conçu.
La personnalité juridique acquise normalement par l’enfant à sa naissance peut exceptionnellement rétroagir au jour de sa conception à condition qu’il en aille de la préservation de ses intérêts. Une célèbre maxime romaine résume d’ailleurs nettement cette idée en ces termes : « infans conceptus pro nato habetur quoties de commodo ejus agitur(…) ».
En droit civil congolais comme français l’on retrouve des applications ponctuelles de cette maxime notamment en matière de succession[2], de donation[3] et de filiation[4] même s’il faut encore là aussi que l’enfant conçu soit né viable. L’enfant conçu est ainsi réputé né chaque fois qu’il y va de son intérêt à la condition toutefois de naître vivant et viable comme l’exige l’article 2 du code de la famille congolais. C’est dans cette perspective qu’un enfant conçu a été pris en compte dans le calcul d’une prime d’assurance, lorsque le contrat prévoyait une majoration en fonction du nombre d’enfants au moment du décès[5].
Toutefois, cette reconnaissance de la personnalité juridique à l’enfant conçu conduit inéluctablement à une protection à la fois civil[6] et pénal[7].
B-Les limites à cette reconnaissance de la personnalité juridique à l’enfant conçu.
C’est avec la détermination de la nature juridique de l’embryon que ces limites deviennent visibles. L’on peine en effet à situer l’enfant conçu entre la catégorie de personne (sujets de droit) et celle des choses (objets de droit). C’est ce qui fait que certains auteurs assimilent l’enfant conçu à une chose. Ainsi, pour Aubry et Rau, « dans le sein de sa mère, l’enfant n’a pas encore d’existence propre ni par conséquent (…) de personnalité juridique ». Par conséquent, la mère a un droit discrétionnaire de recourir à une interruption volontaire de grossesse dès lors qu’elle satisfait à l’état de détresse exigé par la loi du 15 janvier 1975 (dont elle est le seul juge) et qu’elle agit dans le délai légal de 12 semaines à partir de la conception[8].
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
ESSIE TRESOR WELCOME
Etudiant chercheur à la faculté de droit de Brazzaville(UMNG).
[1] Voir en ce sens Melina Douchy-Oudot, ,Droit civil 1ere année introduction-personnes-famille, Dalloz 6e ed., P. 161.
[2] Article 725 du code civil ; article 458 du code de la famille.
[3] Article 906 du code civil, alinéas 1, 2 et 3 ; article 787 du code de la famille.
[4] Article 318 du code civil.
[5] Cass.civ. 1ère, 10 décembre 1885, Bull.civ.I,n°339.
[6] Article 16 du code civil
[7] Article 221-6 du code pénal français.
[8] Cf. 1., P.162.