Un photographe professionnel, retrouve sa photographie intitulée “Coupez, mais coupez bon sang” sur le site d’Agoravox, sans son nom, ni son consentement.
Le site Internet en question publie des articles d’humeur sur l’actualité écrits par des internautes.
Après avoir établi un constat d’huissier, le photographe a fait assigner Agoravox devant la tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de ses droits d’auteur pour obtenir réparation des préjudices.
DÉCISION
Le tribunal a condamné Agoravox à payer 2000 € en réparation du préjudice patrimonial et moral résultant de l’atteinte aux droits d’auteur.
Pour trancher le litige, les juges ont eu à examiner plusieurs points :
Qui est titulaire des droits sur la photographie ?
Les dispositions de l’article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par le droit d’auteur toutes les œuvres de l’esprit, pourvu qu’elles soient des créations originales. Selon l’article L. 112-2 9°, les œuvres photographiques sont considérées comme œuvres de l’esprit.
Pour justifier en être l’auteur, il verse aux débats d’une part un tirage papier de la photographie dont s’agit, d’autre part une carte postale, signée de son nom avec son copyright, datant de 2006 et reproduisant ladite photographie.
Cette carte postale vaut divulgation au sens de l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que “la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée”, de sorte qu’à défaut de preuve contraire, la paternité du photographe sur l’œuvre dont s’agit est suffisamment établie.
La photographie est-elle une œuvre originale ?
Même si la plupart des éléments composant la photographie sont effectivement connus et que pris séparément ils se retrouvent dans d’autres clichés, les juges ont considéré que « leur mise en scène complexe, la recherche des angles et des éclairages particuliers, lui confère une physionomie propre qui la distingue des autres photographies du même genre et qui traduit un parti-pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de son auteur ».
La photographie bénéficie donc de la protection prévue par le code de la propriété intellectuelle.
Y-a-t-il eu contrefaçon ?
Oui car la photographie a été reproduite sans le consentement de son auteur.
Mais pour s’opposer à l’action en contrefaçon, Agoravox a argué du fait qu’elle avait la qualité d’hébergeur, au sens de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. En effet, ces dispositions permettent à un prestataire hébergeur de voir sa responsabilité limitée : sa responsabilité ne peut être engagée qu’après avoir eu connaissance d’un contenu illicite et en l’absence de sa part d’un prompt retrait dudit contenu. Elle aurait pu donc ainsi échapper à une condamnation.
Or les juges n’ont pas retenu cette qualité. Ils ont considéré qu’Agoravox était bien éditeur du site : « Agoravox ne se limite pas à fournir un service technique de stockage des articles émanant de tiers en vue de leur mise en ligne à disposition du public, ce qui la cantonnerait à une fonction d’hébergeur, mais qu’elle procède à des opérations de sélection des articles après un examen détaillé de leur contenu d’une part par des bénévoles, eux-mêmes sélectionnés en fonction de critères fixés par le gérant du site, et d’autre part par des membres de l’équipe du site qui veillent notamment à la légalité des contenus et au respect d’une politique éditoriale. L’objectif et les modalités de cette intervention confèrent dès lors à la Fondation Agoravox la qualité d’éditeur dont la responsabilité relève du droit commun. »
En pratique
Si vous rencontrez cette situation :
A titre préventif, pensez à constituer des preuves pour démontrer que vous êtes bien l’auteur de la photographie (enveloppe Soleau, divulgation sous votre nom, conservez articles, premières publications …).
Faites établir rapidement un constat d’huissier, pour monter votre dossier et conserver des preuves. Sur Internet, il faut agir vite.
Faites assigner devant le TGI compétent en contrefaçon de vos droits d’auteur pour obtenir réparation des préjudices.
Décision : Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 2ème section Jugement du 12 octobre 2012 Philippe R. / Fondation Agoravox
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