Depuis, mon dernier article, annonciateur d'un futur projet legislatif sur l'immigration en débat: France : terre d'intégration pour toute nouvelle immigration en 2010. les choses on avancées après plus d’une année de discussion puisqu’une cinquième loi sur l’immigration vient d’être publiée en 8 ans.
Il s’agit de la loi N°2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité qui a été promulguée et publiée au Journal officiel du 17 juin 2011 (JORF n°0139 du 17 juin 2011 page 10290 -NOR: IOCK1003689.
Celle-ci est présentée comme visant au renforcement de la politique d’intégration, de promotion de l’immigration professionnelle,mais aussi comme destinée à améliorer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière en réformant les procédures et le contentieux de l’éloignement des étrangers en situation de séjour irrégulier…
Seule une unique disposition a pu être sanctionnée pour violation à la liberté individuelle, contraire à l’article 66 de notre constitution par le conseil constitutionnel dans une décision n° 2011-631 DC du 09 juin 2011 qui permettait de porter à 18 mois la rétention d’un étranger condamné pour activités terroristes.
Cette loi transpose dans notre droit 3 directives européennes :
--la directive « sanctions » directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 sur "les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier".
--la directive « carte bleue » directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 sur "les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié",
-- la "directive retour" 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les "normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier", ( voir à cet effet CJUE, 28 avril 2011, (n° C‑61/11 PPU EL DRIDI, alias Soufi Karim ) qui vient de juger que cette directive doit être interprétée comme s’opposant à une réglementation d’un État membre,qui prévoit l’infliction d’une peine d’emprisonnement à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d’un ordre de quitter le territoire de cet État dans un délai déterminé, sur ledit territoire sans motif justifié.
Une circulaire d’application destinée aux préfets du 17 juin 2011 du ministre de l'intérieur de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a été prise en vue de d faire un point sur les mesures immédiatement applicables et celles qui le seront ultérieurement en vertu de décrets en conseil d’état.
La circulaire porte trois annexes d’application immédiate en ce qui concerne le séjour et certaines dispositions relatives au contentieux devant le juge des libertes et de la detention, et certaines dispositions liées au droit d’asile.
I-L’apport de la loi du 16 juin 2011 en droit des étrangers et ses mesures immédiatement applicables (circulaire du 17 juin 2011)
A) Le renforcement du contrat d’accueil et de solidarité
1°- La récompense des « bons élèves » qui respecteront le contrat d'accueil et de solidarité.
Le respect des dispositions du Contrat d’Accueil et d’Intégration lors du renouvellement du titre de séjour, et pour la délivrance de la carte de résident de 10 ans (article 8 ) seront pris en compte.
Autrement dit : A « mauvais élèves » , mauvais points et sanctions ,à bons élèves «sérieux» et «assidus» dans leurs formations de l’étude de la langue française et des valeurs de la République, des facilités pour l’obtention d’un titre de séjour ou renouvelé.
Ainsi, le défaut d’assiduité sera un élément important, et permettra au préfet de refuser le renouvellement du titre de séjour.
A l’inverse, les étrangers qui auront fait des efforts d’intégration verront leur demande de nationalité accélérée, puisque la durée de présence en France, nécessaire à l’obtention de la nationalité française passera à deux ans ( au lieu de 5 ans) pour ceux qui "satisferont manifestement à la condition d’assimilation".
2°- La signature de la "charte des droits et des devoirs du citoyen français" pour tout étranger accédant à la nationalité française.
B) La création de zones d’attente spéciales hors espace frontalier. : une mesure exceptionnelle rappelée par la circulaire.
Cette création exceptionnelle s’envisagera en cas de découverte d’un groupe de migrants entrés illégalement par une “frontière extérieure” de l’Espace Schengen.
“Les migrants ainsi trouvés seront transférés au point de passage frontalier le plus proche, auquel est rattaché une zone d’attente pérenne”.
La possibilité de créer des zones d’attente ad-hoc fait partie des dispositions directement applicables, lesquelles sont précisées dans la circulaire.
Jusqu’à présent, les zones d’attente étaient limitées aux points d’embarquement et de débarquement, tels que les gares, aéroports, et ports .
Les droits y sont limités: assistance d'un médecin, d'un interprète et communication avec un avocat.
Désormais, des zones d’attentes ad-hoc ou spéciales représentant de territoire, délimité par l’Etat, à l’intérieur duquel un étranger n’est pas considéré comme étant admis sur le territoire français, seront envisageables.
Cela aura pour conséquence de priver de liberté immédiatement l’étranger en situation irrégulière
Une durée maximale de 26 jours est possible pour affronter l’arrivée
“d’un groupe d’au moins dix étrangers en dehors d’un point de passage frontalier en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d’au plus dix kilomètres”.
Cette mesure avait été proposée en réaction à la découverte sur une plage corse de 123 clandestins d’origine kurde en février 2010.
Ces derniers avait été placés en centre de rétention, puis la majorité d’entre eux avait été libéré par les juges des libertés et de la détention pour vice de procédure ; ils ont par la suite pu déposer une demande d’asile.
L’existence d’une telle zone aurait permis d’y maintenir les 123 Kurdesceux-ci auraient probablement eu plus de difficultés à demander l’asile.
En effet, les demandes d’asile déposées alors que le demandeur est en zone d’attente passent en procédure prioritaire, ce qui signifient qu’elles sont instruites de manière accélérées, avec des chances de réussites amoindries.
C) La nécessité de justifier disposer de ressources et de moyens d’existence suffisants afin de subvenir à ses besoins pour tout ressortissant de l’UE qui séjournera en France même pour une durée de 3 mois.
Suite à un examen de situation, leur reconduite à la frontière sera possible. (article 22) annexe 1 de la circulaire relative au séjour
« Dans l'examen de ces situations, vous veillerez à procéder à un examen d'ensemble de la situation des intéressés. En effet, en lui-même, conformément au droit de l'Union européenne, le recours à l'assistance sociale ne peut justifier une remise en cause automatique du droit de séjour ; la circonstance que l'intéressé a recours au système d'assistance sociale ne saurait, par conséquent, en elle-même, justifier une mesure d'éloignement (sur le fondement de l'article L.511-3-1 du CESEDA, qui n'est pas immédiatement applicable). Il convient ainsi, dans le cadre d'une analyse au cas par cas, de tenir compte notamment de la nature des difficultés rencontrées, de leur
caractère temporaire ou non, du montant et de la nature de l'aide accordée, de l'état de santé de l'intéressé, de sa situation familiale et de tout autre élément à caractère
personnel et humanitaire pour déterminer s'il constitue ou non une charge déraisonnable, au delà du seul recours au système d'assistance sociale. »
D) La disparition de la Commission nationale des compétences et des talents et des obligations pour les ressortissants des pays de la Zone de Solidarité Prioritaire. (article 31)
II- apport de la loi du 17 juin 2011 en droit de la famille
A) pour le conjoint et les enfants des titulaires d’un titre de séjour “salarié en mission”
Ceux-ci pourront venir en France en même temps que le titulaire de la carte visée, mais à condition que la mission dure au moins 6 mois. (article 24 annexe 1 au séjour de la circulaire)
« Cet article supprime la condition de durée préalable de résidence ininterrompue de six mois du titulaire d'une CST “salarié en mission” pour autoriser l'entrée et le séjour de son conjoint et de ses enfants, prévue à la première phrase du dernier alinéa du 5° de l'article L.313-10 du CESEDA. Il organise ainsi la concomitance de l'entrée et su séjour en France d'un salarié en mission et de sa famille, dès lors que le contrat de travail du salarié en mission prévoit une résidence ininterrompue en France de plus de six mois. Son conjoint, s'il est âgé d'au moins dix-huit ans, et ses enfants entrés mineurs en France dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant sans les prévisions de l'article L.311-3 du présent code, se verront délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».
B) pour le conjoint d’un titulaire d’une carte de 10 ans pour “résident pour contribution économique exceptionnelle”
Celui-ci- pourra prétendre de plein droit à une carte “résident pour contribution économique exceptionnelle”. (article 30 annexe 1)
« Vous veillerez cependant à vérifier l'existence cumulative des conditions de droit commun suivantes dans l'instruction de ces dossiers :
- l'existence d'un lien matrimonial
A l'instar des autres dispositions du CESEDA relatives aux membres de famille, la présentation d'un acte de mariage, accompagné d'une traduction certifiée en français
le cas échéant, est nécessaire pour permettre l'application du nouveau dispositif ;
- la preuve d'être âgé d'au moins dix-huit ans
En vertu de l'article L.311-1 du CESEDA, seuls les étrangers âgés de plus de dix-huit ans doivent être en possession d'un titre de séjour ;
Bien que l'instruction des demandes de cartes de résident puisse être simultanée, la délivrance de la carte de résident au conjoint de l'investisseur étranger est conditionnée par la décision favorable préalable du préfet sur la demande de carte de résident de celui-ci.
Ces conditions étant remplies, le conjoint bénéficiera des avantages procéduraux prévus par la circulaire précitée. Ainsi, seuls une entrée et un séjour réguliers seront exigés au dépôt de la demande. En conséquence, un visa de long séjour ne sera pas requis pour le conjoint et un visa de court séjour ne sera nécessaire que si la nationalité du demandeur le nécessite.
Concernant la domiciliation du conjoint, l'adresse retenue pour le titulaire de la carte de résident pour contribution économique exceptionnelle sera utilisée. Le justificatif de résidence pourra notamment être le siège social de l'entreprise ou le cabinet du conseil.
La procédure d'édition de cette carte de résident de conjoint est assimilée à celle de la carte de résident concernant l'investisseur lui-même. Vous vous réfèrerez donc au
point 1.3 de la circulaire IMIM1000122NC du 22 octobre 2010 relative à la mise à jour d'AGDREF, ce titre étant référencé sous le code 1523
C- L’obligation de motiver un refus de délivrance de visa en matière de pacs avec un ressortissant Français
Obligation est désormais faite à l’administration de devoir motiver ses refus de délivrance de visa aux étrangers liés à un ressortissant français par un pacs (art. 34 de la loi.
D-En cas de mariage frauduleux : "gris"
Lorsqu'un l'un des deux conjoints a été abusé et trompé. C'est l'escroquerie sentimentale, abordée dans trois articles consacrés au thème des mariages blancs, gris et à l'escroquerie sentimentale.
La notion d’escroquerie sentimentale : un mariage aux "dégradés de gris"
Les sanctions liées à l'escroquerie sentimentale (II)
Mariage « blanc » ou « gris » : un risque d'avenir noir
1°- Le retrait de la carte « vie privée et familiale » du ressortissant étranger suite à un mariage frauduleux, ne pourra prétendre à une durée de résidence sous couvert de cette carte.
Sa précédente durée ne sera pas prise en compte pour une demande de carte de résident de 10 ans, dans la mesure où une telle la délivrance reste subordonnée à une résidence régulière et ininterrompue en France de cinq ans). (article 32).
2°- La sanction du « mariage gris » expressément visée
Une condamnation à cinq ans d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amendes est encourue pour celui qui contracte un mariage en dissimulant ses intentions à son conjoint, aux fins d’obtenir frauduleusement des documents l’autorisant à séjourner et à travailler en France (art. 33 de la loi).
Jusque-là le CESEDA ne sanctionnait que le mariage blanc en ces termes:
article L 623-1 modifié par la loi 2006-911 du 24 juillet 2006 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile CESEDA sanctionne les mariages simulés, de pure complaisances ou « blancs » en ces termes.
« Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 Euros d'amende..."
E- L’obtention d’un titre ou d’un renouvèlement de titre en cas de violences conjugales :annexe 1 droit au séjour de la circulaire du 17 juin 2011
"La loi rassemble dans un seul et même article les dispositions introduites par la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violence au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.
"Il est rappelé que par cette loi, le législateur a souhaité renforcer le droit des victimes de violences conjugales et en particulier sécuriser le séjour de ceux des victimes qui sont de nationalité étrangère.
Ainsi l'article 21 de la loi crée dans le CESEDA un nouvel article L.313-12, relatif aux conjoints de Français, et L.431-2, relatif aux conjoints entrés dans le cadre du regroupement familial.En outre, dans un souci de renforcement des droits des victimes, le législateur a souhaité que le préfet procède “dans les plus brefs délais”, à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à la personne étrangère victime de violences de la part de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin, dès lors qu'elle bénéficie d'une ordonnance de protection judiciaire."
Dans un prochain article, j’envisagerai les dispositions de la Loi du 17 juin 2011, qui ne seront pas mises en application avant la parution de décrets d'application.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris