Le gérant de SARL est un administrateur de société mandaté par les associés.
Il peut être associé ou extérieur à la société qu'il dirige et a des comptes à rendre. La démission du gérant se posera de deux façons:
- libre et absolue par le gérant sans pouvoir être "abusive".
- concertée et approuvée par les associés par "révocation pour motifs légitimes."
Dans ces situations, le préjudice causé à la personne morale ou physique du gérant pourront engendrer une demande de dommages et intérêts.
Toute clause qui aurait pour objet de supprimer la possibilité de démissionner serait nulle et non avenue, de même que, toutes clauses ayant pour objet, ou pour effet d'entraver et restreindre la libre révocation du gérant. J'envisagerai la démission du gérant.
Après avoir abordé le départ du gérant de société ans le cadre d'une démission volontaire et les risques de mise en cause de sa responsabilité, dans LORSQUE LE GERANT DEMISSIONNAIRE A DES COMPTES A RENDRE (I), je me pencherai cette fois sur les cas de révocation des gérants et de la responsabilité encourue.
I- Les justes motifs sont des "motifs sérieux et légitimes"
A) Les fautes : négligences, omissions ...
Il s’agira de reprocher une faute civile, et/ou pénale dans l'exercice des fonctions.
-- faute de gestion, pour avoir outrepassé les limites de ses pouvoirs ; non respect de la loi, des statuts…
-- d'abus de biens sociaux (utilisation par le gérant de biens de la sarl comme de biens propres, par exemple utiliser pour des besoins personnels des salariés rémunérés par la sarl ou encore des services payés par la sarl)
-- de détournement de fonds,
-- d'une tenue de comptabilité fictive (double comptabilité pour éviter l’imposition de certains actes aux prélèvements obligatoires)...
L’ensemble de son patrimoine personnel, pourra alors être concerné.
B) Le défaut de poursuite de l’intérêt social au profit de son intérêt personnel ou non.
- ex: graves mésententes entre associés ;
-ex perte de confiance entre associés et gérant, (ex à la création d’une société concurrente par ce dernier sans les en avertir…) ;
- ex des divergences de point de vue entre eux et le gérant (ex sur la politique de l'entreprise, sur des mesures à prendre de nature à compromettre l’intérêt social
A contrario, ne seront pas considérés comme justes motifs, des divergences comptables qui pouvaient se régler à l’amiable, la perte de chiffre d’affaire ou plus généralement toutes fautes commises par le gérant, mais en dehors de l’exercice de ses fonctions.
C) Le respect des formes dans la révocation
1°- révocation par décision des associés de plus de la moitié des parts sociales, ou avec une majorité plus forte envisagée dans les statut.
Dans ce dernier cas, si cette majorité n’est pas obtenue, et sauf stipulation contraire des statuts, les associés peuvent être convoqués ou consultés une seconde fois.
La décision est alors prise à la majorité des votes émis, quel que soit le nombre de votants. Le gérant doit avoir la possibilité de s’expliquer avant que la décision ne soit prise et peut prendre part au vote s’il est associé.
Les associés ayant révoqué le gérant sans juste motif peuvent être condamnés à le dédommager.
2°- révocation par décision de Justice à la demande de tout associé.
Cette action se fera,le plus souvent par voie de référé devant le Président du Tribunal de commerce Cela suppose une cause légitime (incapacité du gérant, mauvaise gestion, paralysie du fonctionnement de la société provoquée par la mésentente de deux gérants).
Le gérant qui a été révoqué sans juste motif peut agir en justice pour obtenir le versement de dommages et intérêts.
En revanche, il ne peut pas obtenir sa réintégration dans la société.
3°- révocation liée à des circonstances imprévisibles …
Une cessation des fonctions en vertu d’événements inattendus ( ex décès, cas d’empêchements, incapacité légale, condamnation à une interdiction de gérer ou mise en faillite personnelle…).
Ici la responsabilité du gérant est exclue.
II Lorsque la révocation du gérant est abusive
Tout gérant, doit rendre des comptes de mission lors de l’assemblée générale ,laquelle approuvera les comptes de l’exercice au cours duquel la cessation de ses fonctions a eu lieu.
Un rapport de gestion sera établi conjointement par l’ancien et le nouveau gérant.
Le gérant pourra après son, départ rendre des comptes ses juges sur l'exécution de son mandat...
Si la responsabilité des associés est, en principe, limitée au montant de leur participation au capital, le gérant de SARL pourra engager sa responsabilité, tant sur le plan civil que sur le plan pénal, pour des fautes de gestion, s'il a outrepassé ses droits dans l'exercice de son mandat ou en cas d' infractions. ( Voire II-A pour les fautes.)
L’ensemble de son patrimoine personnel, pourra alors être concerné.
A l’inverse la société aura aussi à s’expliquer en cas de révocation sans justes motifs.
L'article L.223-23 du Code de commerce rappelle le délai de prescription de l'action en responsabilité engagée contre un gérant: "les actions en responsabilité prévues aux articles L.223-19 et L.223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par dix ans."
A) Une responsabilité à l’égard des dettes sociales de la société
Ce A) a été présenté en seconde partie de mon article, auquel je me permets de renvoyer le lecteur
LORSQUE LE GERANT DEMISSIONNAIRE A DES COMPTES A RENDRE (I)
B) La sanction de la démission/révocation abusive : Les dommages et intérêts plutôt qu’une impossible réintégration dans ses fonctions.
Toute révocation brutale ( ex le matin pour l’après-midi) ; ou/et vexatoire , intervenue dans des circonstances injurieuses ( insultes, dénigrement….), non motivée engage la responsabilité de la société, personne morale.
De la même façon un gérant poussé à démissionner sous des pressions ou des faits de harcèlement, pourra faire requalifier la démission en révocation abusive.
Autre exemple, toute révocation non motivée, demeurerait valable, sauf à engager une action en dommages et intérêts.
Une telle action ne sera d'ailleurs pas exclusive de l’engagement de la responsabilité personnelle d’un ou de plusieurs associé(s) pour fautes personnelles. ex réunion des associés en assemblée sans respect des dispositions statutaires pour révoquer le gérant de façon vexatoire.
Le cas d’un gérant mis au ban, sans possibilité de s’expliquer ou de se justifier, sans respect du principe du contradictoire… sera contestable.
ex un gérant de SARL, remplacé par un autre gérant avant même que l'assemblée ne statue sur sa révocation, subira une révocation abusive
De deux choses, soit les statuts ont envisagé la situation et une indemnité, soit le juge statuera.
Il pourrait réviser toute indemnité qu’il jugerait manifestement excessive ou insuffisante.
Enfin une indemnisation pour révocation abusive ne sera pas incompatible avec une indemnité pour révocation sans motifs ; les deux pourraient se cumuler.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris