Du jamais vu en France dans les relations entre l'autorité de protection des libertés et de la vie privée sur Internet, la CNIL, et le géant de l'Internet Google!
Le 17 mars 2011, la CNIL a prononcé la sanction la plus élevée de son histoire en condamnant Google à une amende de 100 000 €.
En mai 2007, Google a lancé son nouveau service, Google Street View. Ce service, permettant de compléter Google Maps et Earth, offre la possibilité de naviguer virtuellement dans les rues de villes et de villages.
Afin de parvenir à son objectif, Google a ainsi fait circuler partout dans le monde des voitures appelées “Google cars“ prenant des photographies mises bout à bout et compilées ensuite par l'entreprise américaine. Le but: Créer un service de géolocalisation ultra-performant.
Dans le cadre de sa mission de protection des libertés individuelles, la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) s'est penchée sur ce nouveau moyen de collecte d'informations.
Suite à son enquête, elle s'est aperçue que Google collectait massivement des contenus aux moyens des adresses MAC des routeurs et des identifiants SSID des réseaux, c'est à dire les indentifiants physiques situés sur les cartes réseaux des internautes.
Pour bien comprendre, il faut savoir qu'il existe plusieurs moyens de mettre en oeuvre une géolocalisation.
La première manière est de localiser des smartphones en fonction de leur proximité avec l'antenne relais qu'ils utilisent. L'inconvénient : cette localisation n'est pas très précise.
La seconde est d'utiliser les puces GPS qui équipent pratiquement tous les Smartphones. Ce système offre des informations fiables. En revanche, il arrive que la détection du signal GPS soit assez lente.
L'autre source d’information, complément aux deux premières et utilisée en l’espèce par Google Street View, provient de l'utilisation des réseaux Wifi. Comme ces réseaux émettent en permanence des signaux, il suffit qu'un téléphone capte la présence d'un point d'accès connu pour en déduire sa position. C'est dans ce contexte que les “Google cars“ ont collecté les adresses MAC et les identifiants SSID.
Le problème de Google est que la CNIL s'est aperçue qu'en plus des adresses MAC et des identifiants SSID, les Google cars avaient également collecté, par erreur, des données de contenus personnels, comme par exemple :
▪ la liste des sites consultés par les internautes,
▪ des contenus de messages personnels,
▪ des mots de passe
▪ des données sensibles : comme par exemple le nom des personnes s'étant connectés à des sites Internet de rencontres homosexuelles, etc …
Afin de savoir si les procédés mis en oeuvre par Google Street View étaient condamnables, CNIL a dès lors dû répondre à trois questions :
1) Les adresses MAC des routeurs ainsi que les identifiants SSID constituaient-ils des données à caractère personnel?
Suite à des débats passionnés, la CNIL répondu par l'affirmative. Elle en a conclu que lorsque l'adresse MAC est connectée avec des données de localisation, ce que collectent les Google cars, la qualification de données à caractère personnel doit être retenue.
2) La loi française « Informatique et Libertés » était-elle applicable ?
Alors que Google se prévalait de la loi américaine, la CNIL a constaté que l'utilisation de ce service justifiait l'application de la loi française dans la mesure où il s'agissait, à l'évidence, de moyens de traitement des données personnelles utilisées sur le territoire français.
3) Sur quel fondement condamner Google ?
En se référant à l'article 6 de la Loi « Informatique et Libertés », la CNIL a ainsi fondé la condamnation sur le fait que ces données n'ont pas été collectées de manière licite et loyale - Google n'ayant pas informé les titulaires des réseaux Wifi de cette collecte massive.
Cette décision, historique, est d'une importance fondamentale car elle permet d'établir un point d'équilibre entre les évolutions technologiques de plus en plus performantes (collecte d'informations personnelles dont les internautes ne se rendent pas forcément compte de l'importance) et la nécessaire garantie des libertés publiques.
JG