L’employeur qui rompt la période d’essai sans respect du délai de prévenance doit indemniser le salarié (CA Amiens 1er juin 2010 n° 09-4831, 5e ch. soc., cabinet A, Sté Mediacom c/ V. - CA Amiens 13 octobre 2010 n° 10-613, 5e ch. soc. B, Sté Serare Courtepaille c/ G. - CA Bordeaux 21 octobre 2010 n° 09-6360, ch. soc. B, Sté Scala Motors c/ M.)
Selon les juges, le non-respect par l’employeur du délai de prévenance en cas de rupture de la période d’essai ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts ou à une indemnité compensatrice de préavis.
Depuis la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008, l’article L 1221-25 du Code du travail oblige l’employeur mettant fin à la période d’essai d’un salarié en contrat à durée indéterminée à respecter un délai de prévenance variant selon le temps de présence du salarié dans l’entreprise.
Ce délai ne peut être inférieur à :
- 24 heures en deçà de huit jours de présence ;
- 48 heures entre huit jours et un mois de présence ;
- deux semaines après un mois de présence ;
- un mois après trois mois de présence.
Ce préavis ne peut pas entraîner la prolongation de la période d’essai.
Quelles sont les conséquences du non-respect de ce préavis ? Antérieurement à la loi de 2008, certaines conventions collectives prévoyaient déjà des délais de prévenance. La Cour de cassation avait alors jugé, pour des conventions rédigées dans des termes comparables à ceux de la loi, que le non-respect par l’employeur du préavis conventionnel n’a pas pour effet de rendre le contrat définitif et ouvre droit à une indemnité compensatrice du préavis qui ne peut être exécuté (Cass. soc. 15 mars 1995 n° 91-43.642 : RJS 4/95 n° 353 ; Cass. soc. 29 juin 1999 n° 97-41.132 : RJS 10/99 n° 1223).
Les cours d’appel d’Amiens et de Bordeaux sont les premières à notre connaissance à se prononcer sur des faits postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi de 2008. Elles considèrent que la rupture du contrat de travail sans respect du préavis s’analyse en une rupture de période d’essai et non en un licenciement irrégulier ou sans cause réelle et sérieuse.
Les juges reconnaissent par ailleurs le droit à indemnisation du salarié mais divergent quant à la qualification de celle-ci.
Dans son arrêt du 13 octobre 2010, la cour d’appel d’Amiens accorde au salarié une indemnité compensatrice correspondant au préavis non effectué. Dans celui du 1er juin 2010, cette même cour, mais autrement composée, alloue des dommages-intérêts à l’intéressé, le non-respect du préavis lui causant nécessairement un préjudice. La cour d’appel de Bordeaux statue dans le même sens en accordant des dommages-intérêts correspondant à la partie non respectée du délai.
La qualification des sommes versées au salarié est importante car leur régime juridique en dépend. Les dommages-intérêts sont exonérés de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu car ils réparent un préjudice. Au contraire, l’indemnité compensatrice de préavis a le caractère de salaire et est donc soumise au paiement de cotisations sociales, de la CSG, de la CRDS et de l’impôt sur le revenu.
On attend avec intérêt la position de la Cour de cassation à ce propos.
Source: Editions Francis Lefebvre