Depuis trois arrêts de principe du 10 juillet 2002, largement confirmé, nous savons qu'une une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière (Cass. soc. 10 juillet 2002 n° 00-45135, Salembier c/ SA La Mondiale ; n° 00-45387, Barbier c/ SA Maine Agri et n° 99-43334 Moline et a. c/ Sté MSAS cargo international).
Ces conditions sont cumulatives et strictement appréciées par les juges.
L'évolution récente de la jurisprudence rendue en matière de non-concurrence conduit à s'interroger sur les conséquences de la nullité d'une clause.
1. CONDITIONS DE VALIDITE D'UNE CLAUSE DE NON-CONCURRENCE
Désormais, une clause de non-concurrence n'est valable qu'à la condition qu'elle satisfasse aux exigences suivantes:
- La préservation des intérêts de l'entreprise,
- La prise en considération des spécificités de l'emploi du salarié,
- Une limitation géographique,
- Une limitation dans le temps,
- Une contrepartie financière.
Ces conditions sont appréciées strictement par les juges.
Le défaut d'une seule de ces conditions suffit à entacher la clause de nullité.
Quand bien même, la clause de non-concurrence remplirait ces quatre conditions, le juge, pour apprécier la validité de la clause, doit s'assurer qu'elle ne constitue pas une entrave démesurée à la liberté du travail du salarié. Le juge peut cependant décider l'application restreinte d'une clause qu'il juge trop étendue (Cass. soc. 18 septembre 2002 n° 00-4590).
Sur la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, l'employeur doit établir que l'entreprise est susceptible de subir un préjudice réel au cas où le salarié viendrait à exercer son activité professionnelle dans une entreprise concurrente.
Pour déterminer ce caractère indispensable, les juges prennent notamment en considération la qualification du salarié, la nature des fonctions exercées mais également les conditions d'exercice telles que les contacts avec la clientèle ou la connaissance d'informations particulières ou confidentielles propres à l'entreprise.
S'agissant de la prise en considération des spécificités de l'emploi du salarié, la Cour de cassation entend ici sanctionner les clauses interdisant postérieurement à la rupture du contrat au salarié d'occuper "tout emploi" dans une entreprise concurrente. La clause de non-concurrence doit laisser au salarié la possibilité de retrouver un emploi conforme à sa formation et son expérience professionnelle.
Sur la limitation territoriale et dans le temps, l'employeur doit, ici, faire preuve de cohérence et de raison; car une clause d'une durée excessive ou d'application géographique trop large sera certainement jugée nulle (par exemple, pour une clause de durée de 2 ans portant sur toute la France alors que le commercial ne travaillait que sur une dizaine de départements).
Enfin, la clause doit prévoir une contrepartie financière. Certaines conventions collectives contiennent des dispositions à ce sujet; à défaut, son montant est laissé à la libre appréciation des parties.
Quant au moment du versement de la contrepartie financière, la Cour de cassation avait déjà sanctionné la pratique consistant à la verser en cours d'exécution du contrat une contrepartie financière (Cass. Soc. 7 mars 2007). Mais désormais, cette indemnité de non-concurrence versée avant la fin du contrat de travail est perdue pour l’employeur puisque la Cour de cassation analyse cette indemnité comme un complément de salaire non remboursable à l’employeur (Cass. Soc. 17 novembre 2010, n°09-42389, Hanser c/ Sté Avenance Elior-Avenance entreprises).
Pour les entreprises ayant conservé cette pratique, il convient de procéder, au plus vite, à la modification des termes de la clause de non-concurrence par voie d’avenant individualisé avec chaque salarié.
Car, en effet, les conséquences de la nullité d’une clause de non-concurrence sont désormais beaucoup plus importantes.
2. CONSEQUENCES INDEMNITAIRES DE LA NULLITE D’UNE CLAUSE DE NON-CONCURRENCE
On pourrait avoir tendance à penser que dès lors que la clause est nulle, personne n’en subirait aucun préjudice, puisque le salarié n’est pas tenu par cette clause et l’employeur renoncerait à s’en prévaloir.
Cependant, la Cour de cassation avait censuré cette analyse, considérant que le salarié qui, en toute bonne foi et en méconnaissance de la nullité de la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail, s’était attaché à la respecter, subissait un préjudice du fait de la nullité (Cass. soc. 11 janvier 2006 n° 03-46933).
L'employeur pouvait s'opposer au paiement de ces dommages-intérêts en prouvant sa violation (Cass. soc. 22 mars 2006 n° 04-45546).
Cette position paraissait conforme au bon sens et préservait les intérêts des parties.
Cependant, par un surprenant arrêt récent du 12 janvier 2011, la Haute Juridiction a jugé que la stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié (Cass. soc. 12 janvier 2011 n° 08-45280, Gangbazo c/ Sté Group 4 Sécuricor).
Le salarié pourrait donc bénéficier d'une réparation alors même qu'il ne respecterait pas la clause sans avoir à prouver l'existence d'un préjudice.
Il reste à espérer que le montant des dommages-intérêts dépendra toutefois du respect ou non de la clause
En attendant de pouvoir analyser les décisions qui seront rendues en application de cette jurisprudence, il convient d’être vigilant et de vérifier les clauses de non-concurrence en cours au sein de l’entreprise. Ensuite, à chaque rupture de contrat, il conviendra de s’interroger sur la réelle nécessité d’imposer la clause de non-concurrence au salarié partant et, à défaut, s’attacher à la lever concomitamment à la rupture.