Comment contester un refus de titre de séjour ?

Publié le Modifié le 05/10/2022 Vu 6 303 fois 0
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En cas de refus de délivrance d’un titre de séjour, que faut-il faire à ce stade?

En cas de refus de délivrance d’un titre de séjour, que faut-il faire à ce stade?

Comment contester un refus de titre de séjour ?

Quand un étranger se voit opposer un refus de délivrance d’un titre de séjour, assorti d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), tout n’est pas perdu pour autant. Tout l’enjeu est de savoir ce qu’il faut savoir faire pour échapper aux mesures d’éloignement.

 

I.- Le tribunal compétent

 

Un recours contre une obligation de quitter le territoire français est possible devant le tribunal administratif compétent. La compétence du tribunal administratif est de déterminer au regard de la préfecture dont le demandeur dépend.

Exemple : Paris (ville de Paris), Versailles (Essonne, Yvelines), Montreuil (Seine-Saint-Denis), Melun (Seine-et-Marne, Val-de-Marne), Cergy-Pontoise (Hauts-de-Seine, Val-d’Oise).

 

II.- Le délai pour exercer le recours

 

Le recours devra impérativement être envoyé dans un délai de 30 jours suivant la notification de la décision d’OQTF lorsque :

▪ la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé à l’étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ;

▪ le récépissé de la demande de carte de séjour ou l’autorisation provisoire de séjour qui avait délivré à l’étranger lui a été retiré ou le renouvellement de ces documents lui a été refusé ;

▪ le comportement de l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l’ordre public ;

▪ l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de 3 mois a méconnu l’article L. 5221-5 du Code de travail.

Le recours doit impérativement être envoyé dans un délai de 15 jours suivant la notification de la décision d’OQTF lorsque :

- l’étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité ;

- l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré ;

- l’étranger n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s’est maintenu sur le territoire français à l’expiration de ce titre ;

- la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusée à l’étranger ou si l’étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité.

Ce recours obéit à des règles de procédure principalement issues du droit administratif et du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

 

III.- Un recours contre une décision « divisée » en trois parties

 

L’OQTF se présente sous la forme d’un acte unique qui intègre plusieurs décisions. A sein de cette décision, un premier article informe l’étranger que sa demande de titre de séjour est refusée. Un deuxième article précise qu’il doit quitter le territoire français dans un délai d’1 mois ou sans délai. Enfin, un troisième article indique le pays dans lequel l’étranger est renvoyé.

Le recours contre cette décision doit donc revêtir la forme d’un recours contre 3 décisions. La mise en forme du recours suit une architecture logique et pratique. Pour un néophyte, la rédaction du recours prendra un certain temps. En revanche, pour l’expert en droit des étrangers, ce sera surtout le travail de classement des pièces qui s’avèrera chronophage.

 

          1. Le recours contre le refus de séjour

 

Le recours contre un refus de séjour est un contentieux dit de l’excès de pouvoir, grand classique du contentieux administratif. Par conséquent, il est ici question d’attaquer la légalité d’un acte administratif. Cet acte sera alors contesté sous deux angles : celui de la légalité externe (a) et celui de la légalité interne (b).

 

(a) Légalité externe du refus de séjour

Le terme de légalité externe désigne la nature extérieure de la décision. Peuvent ainsi être attaquées la compétence de l’auteur de la décision et sa motivation, ou son absence de motivation.

 

(b) Légalité interne du refus de séjour

L’adjectif interne signifie que, au regard des circonstances de l’espèce, le requérant va démontrer que la loi a été mal appliquée. C’est donc la substance même du syllogisme juridique de la décision qui est attaquée : les faits constituent la « mineure », la règle de droit la « majeure », et l’application de la règle aux faits, la conclusion de la motivation de l’Administration.

 

A ce titre, il existe quantité de règles applicables et chaque contentieux d’espèce est, par nature, spécifique. Il faudra alors à chaque fois s’attacher à prouver qu’en fonction des pièces apportées au soutien du recours, la loi a été violée ou mal appliquée par l’autorité administrative. S’il est vrai que chaque cas est différent, la majorité des annulations de refus de séjour par le juge administratif s’opère sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) protégeant le droit fondamental de toute personne au respect de sa vie privée et familiale.

 

          2.- Le recours invoquant l’illégalité de l’OQTF

 

Dans le corps du recours contre le refus de séjour, l’étranger doit invoquer les moyens prouvant que l’administration n’a pas fait une étude correcte du dossier. Dans le recours contre l’OQTF elle-même, à savoir l’éloignement du territoire français proprement dit, ce seront les arguments légaux empêchant l’éloignement de l’intéressé qui seront mis en évidence.

La loi énumère les cas précis dans lesquels une OQTF ne peut être prise contre un étranger :

- l’étranger mineur,

- l’étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de 13 ans,

- l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans, sauf s’il a été, pendant toute cette période, titulaire d’un titre de séjour temporaire portant la mention « étudiant »,

- l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 20 ans,

- l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d’un enfant français résidant en France, à condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant,

- l’étranger marié depuis au moins 3 ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française,

- l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins 3 ans avec un ressortissant étranger résidant régulièrement en France, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage,

- l’étranger titulaire d’une rente d’accident de travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20%,

- l’étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessité une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve de l’absence d’un traitement approprié dans le pays de renvoi,

- le ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent.

 

          3.- Le recours contre le pays de destination

 

L’étranger doit démontrer que, en cas de retour dans son pays d’origine, il sera sans doute victime de traitements inhumains et dégradants contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. A l’instar d’un recours dans le cadre d’une demande d’asile, il faudra alors s’attacher à prouver l’éventualité de ces risques de façon aussi détaillée que possible, et faire cette démonstration en expliquant très concrètement pourquoi l’intéressé serait personnellement exposé à des mauvais traitements. En effet, la seule invocation d’une situation générale de troubles dans le pays d’origine n’est pas suffisante.

De surcroît, si l’intéressé a déjà demandé l’asile politique par le passé mais a finalement été débouté, il devra alors rappeler ici la procédure d’examen de sa demande et conclure en démontrant que le rejet de sa requête par la Cour nationale du droit d’asile n’implique pas l’inexistence de risques pour lui ou pour sa famille restée au pays d’origine.

A contrario, si l’étranger sous le coup d’une OQTF n’avait pas fait de demande d’asile préalable, mais qu’il existe bel est bien des risques, il lui faudra alors démontrer à la fois l’existence de ces risques et expliquer au juge administratif les raisons pour lesquelles l’asile n’a pas été demandé.

 

IV.- L’importance du choix des pièces à communiquer au juge

 

Le choix des pièces est un aspect du travail de l’avocat tout aussi décisif pour gagner un dossier que l’écrit lui-même. Cette sélection des pièces pertinentes requiert une attention particulière, et participe pleinement à la stratégie de défense entreprise. Certaines pièces ont plus de valeur probante que d’autres (ex : les acte de l’administration). Ce sont celles qu’il faudra apporter en priorité et mettre en avant. Cependant, les pièces qui, prises isolément, sont considérées comme moins probantes, peuvent constituer un faisceau d’indices propre à confirmer l’authenticité du fait avancé (ex : témoignages). En l’absence de tels document, d’autres preuves sont à prendre en compte (ex : ordonnances médicales, contrat de location, quittances de loyers, contrat de travail, etc.).

Un bon dossier est celui pour lequel on pourra verser aux débats contradictoires un ou deux documents émanant de l’administration ou de services publics par année, et deux ou trois autres documents qui confirmeront la présence de l’étranger concerné sur le territoire français pour telle ou telle année. En outre, il est nécessaire d’évaluer les avantages et inconvénients de l’apport d’une preuve matérielle.

Enfin, l’avocat rédigeant le recours, doit veiller à ne pas produire des faux documents ou des documents falsifiés, que lui aurait remis son client ou n’importe quel intervenant extérieur, ce qui, d’une part, en plus d’être illégal, le discréditerait aux yeux du juge, et, d’autre part, aurait forcément une incidence non négligeable sur la crédibilité du dossier et donc anéantirait les chances de succès du client.

Le succès d’un recours contentieux repose donc sur le choix des pièces fournies, leur pertinence par rapport à la contestation de la motivation de l’administration. Il est ainsi essentiel que les étrangers effectuent, en amont, un véritable travail de classement de ces pièces.

 

En conclusion, s’il est vrai que les étrangers en situation irrégulière sont souvent appelés les « sans papiers », cette formule paraît mal choisie. En effet, afin d’avoir des chances de succès lors du recours en annulation de l’OQTF ou lors de leur demande de titre de séjour, les étrangers doivent conserver pendant des années l’ensemble des documents prouvent leur résidence en France et leurs liens avec le territoire.

 

Maître Mourad MEDJNAH

Avocat à la Cour d'appel de Paris

Docteur en droit – Enseignant

Cabinet d’avocats Medjnah

13, rue de la Jonquière – 75017 Paris

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