Un propriétaire obtient un permis de construire pour la construction d’une extension de sa maison, mais son voisin estime que le projet de construction va lui causer un préjudice de vue (privation d’ensoleillement) ; un copropriétaire d’un local commercial au rez-de-chaussée d’un immeuble s’approprie illégalement la cour commune, sans requérir ni l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires ni l’autorisation de la mairie, dans le but d’étendre la superficie de son local ; la mairie d’une commune bâtit une aire de jeux pour enfants jouxtant un quartier résidentiel en l’absence de consultation des riverains qui se plaignent de nuisances sonores et d’insécurité, l’aire de jeux étant devenu un point de vente des trafiquants de drogue ; un fermier construit un hangar destiné à l’élevage de volailles entrainant des nuisances sonores et olfactives ; un promoteur immobilier achète une parcelle de terrain appartenant à un voisin pour y bâtir un immeuble de plusieurs étages ; etc.
Dans de telles circonstances, voici la procédure à suivre pour obtenir la démolition d’une construction illicite sur un terrain voisin.
I.- La règle de droit applicable en la matière
Pour toute création d’une surface hors œuvre brute supérieure à 20 m2, quelle que soit sa hauteur, la loi impose au bénéficiaire des travaux d’obtenir un permis de construire (art. R.421-1et s. du code de l’urbanisme). C’est aussi le cas pour toute modification du volume d’un bâtiment (art. R. 421-14 du code de l’urbanisme). Pour la construction d’un hangar comme pour une surélévation de maison, par exemple, le propriétaire doit être titulaire d’un permis de construire en règle. Si les ouvrages ne sont pas conformes au permis de construire, des sanctions pénales sont possible dont la démolition. En revanche, s’ils sont conformes, la procédure est plus complexe.
Pour être valable, un permis de construire doit respecter conditions de fond et de formes prévues par la réglementation en vigueur (code de l’urbanisme, plan d’occupation des sols, plan local d’urbanisme, etc.). Toute personne peut contester le permis de construire dans un délai de deux mois après le premier jour de son affichage sur le terrain, et demander son annulation auprès du tribunal administratif. Une fois le permis de construire annulé par le juge administratif, il conviendra de saisir le juge judiciaire (en l’occurrence, le tribunal de grande instance, nouvellement appelée tribunal judiciaire) d’une demande de démolition de la construction illicite dans un délai de deux ans à compter de la décision du juge administratif (art. L. 480-13 du code de l’urbanisme). Lorsque la construction est conforme au permis de construire, il faut prouver que le préjudice subi nécessite une démolition.
II.- Les démarches à effectuer
Le premier réflexe doit être d’aller à la mairie pour y consulter le dossier de demande de permis de construire, ainsi que le plan d’occupation des sols (POS) ou le plan local d’urbanisme (PLU). Ces documents comportent des informations importantes, telles que l’aspect que doivent avoir les bâtiments dans la commune (hauteur maximale, distance entre les façades, nature de la couverture des toits, etc.), la situation géographique de la construction, comme par exemple en zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP), les prescriptions architecturales suivant le cahier des charges, etc.
Une fois toutes ces informations recueillies, il faut agir différemment selon les situations ci-après :
(1) La construction n’est pas conforme au permis de construire. Il faut porter plainte auprès du commissariat le plus proche. La police fera cesser les travaux et le tribunal correctionnel pourra condamner le propriétaire à une amende pour non-respect du permis de construire et à la remise en état des lieux, ce qui l’obligera à démolir les constructions déjà bâties (art. L.160-1 et L. 480-4 du code de l’urbanisme. Avant d’ordonner la démolition, le juge examinera, d’une part, s’il est encore possible de mettre la construction en conformité avec la réglementation en vigueur, et d’autre part, si le préjudice existe réellement. C’est pourquoi, avant d’intenter un procès, il est nécessaire de faire constater les nuisances (sonores, olfactives, visuelles) par constat d’huissier. Il peut être utile également de solliciter l’avis écrit d’un géomètre expert ou d’un architecte. Le tribunal pourra aussi condamner propriétaire au versement de dommages et intérêts pour trouble de voisinage en guise de réparation du préjudice subi par le voisin. A cet effet, il faudra démontrer que le propriétaire a commis une faute et que celle-ci est la cause directe du préjudice.
(2) La construction est conforme au permis de construire. Il faut intenter un recours en annulation du permis de construire devant le tribunal administratif, et ensuite demander la démolition de la construction illicite devant le tribunal judiciaire. En effet, le juge judiciaire ne peut ordonner la démolition d’un bien conforme à un permis de construire que si ce permis a préalablement été annulé par le juge administratif. Pour éviter d’être hors délai, il est vivement recommandé de saisir en même temps le tribunal administratif et le tribunal judiciaire. Ce dernier attendra le jugement du premier avant de statuer sur l’affaire.
(3) En cas de doutes sérieux sur la légalité du permis de construire. Il faut saisir en urgence le tribunal administratif (procédure d’urgence). La procédure consiste à déposer un recours pour excès de pouvoir, c’est-à-dire une requête en annulation du permis de construire auprès du tribunal administratif. Il faut impérativement notifier la requête par lettre recommandée avec accusé de réception ou par intervention d’un huissier au maire et au propriétaire de la construction visée dans un délai de 15 jours à compter du dépôt de la requête. A défaut, celle-ci sera déclarée irrecevable par le tribunal administratif. Parallèlement à la demande d’annulation du permis de construire, il est possible de faire cesser les travaux en déposant une requête spéciale, appelée référé-suspension, devant le même tribunal administratif. Pour que cette suspension soit accordée, il faut prouver, d’une part, que la situation est urgente et d’autre part, que l’on peut avoir de sérieux doutes sur la légalité du permis de construire (par exemple, la hauteur de la construction n’est pas conforme au PLU).
(4) Le permis de construire est manifestement légal. Dans ce cas, il serait déconseillé d’intenter une action en annulation du permis de construire. Il ne sera donc pas possible d’obtenir la démolition de la construction gênante. Pour autant, tout n’est pas perdu. Il est possible d’introduire une action en responsabilité devant le juge civil du tribunal judiciaire, fondée sur le trouble anormal de voisinage, ce qui permettra d’obtenir une réparation financière.
Maître Mourad MEDJNAH
Avocat à la Cour d'appel de Paris
Docteur en droit – Enseignant
Cabinet d’avocats Medjnah
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