Les articles du Conseil de l'Ordre étant protégé par un droit d'auteur, je me permettrai de mettre le lien utile vers l'article que j'entendais commenter et qui commence par "L’Ordre poursuit son action contre les actes de concurrence déloyale commis par certains centres de soins dentaires. Après Addentis et Dentalvie, l’association Dentexia vient d’être condamnée pour publicité illicite. Parallèlement, à l’issue d’une procédure de référé, une clinique dentaire hongroise a dû fermer son stand à la Foire de Paris et de Colmar. "
Pourquoi et quel est le sens des actions de l'Ordre des Chirugiens dentistes en France? Nous avions repris la teneur d'un article publié et explicatif de l'Ordre en y apportant nos commentaires mais nous n'avions pas eu l'autorisation de l'Ordre de le reproduire. Donc nous ne pouvons qu'utiliser le principe de cet article en relayant les interrogations qu'il a suscitées.
(Texte entier de l'Ordre des Chirugiens Dentistes)
DEONTOLOGIE? NON PUBLICITE!
La publicité directe ou indirecte est interdite aux professionnels de santé. La santé ne serait pas devenue une marchandise si l'on en croit l'institution ordinale et quelques jurisprudences qui vont avec.
Au moment où l'assurance maladie se débat pour survivre, où les contrôles sur les ordonnances médicales se renforcent, les centres dentaires "low cost" troublent le jeu. Comment se fait il que ces centres puissent faire des tarifs si bas tandis que les professionnels inscrits à l'Ordre facturent à des tarifs plus importants voire beaucoup plus importants?
La réponse parfois confuse serait soit dans "l'industrialisation" des actes, soit des actes au rabais (?) soit la multiplication des actes qui ferait monter la facture finale, soit encore une main d'oeuvre suspectée de ne pas avoir le niveau requis.
Certes, on peut envisager chacune de ces hypothèses pour les low cost mais il n'est pas certain que cela ne s'appliquerait pas non plus à des centres non étiquetés low cost. Pour le patient, pour sa famille, ce qui compte c'est qu'il soit pris en charge pour son suivi ou ses soins dentaires et surtout qu'il puisse y avoir accès. Ce qui est de moins en moins le cas, notamment pour les enfants.
CONCURRENCE DELOYALE
L'argument de l'Ordre est que la publicité pour ces centres low cost aboutirait à une concurrence déloyale au détriment des dentistes. La question qui se pose est la suivante: est ce que les personnes qui vont dans ces centres auraient été chez un praticien ayant des tarifs conformes aux voeux de l'Ordre? Ou est ce la publicité tout court qui aboutit à cette distorsion? Comment alors comprendre la publicité des Stars de l'esthétique dentaire qui a priori ne connaissent pas les problèmes judiciaires du low Cost?
Les réponses judiciaires ont été apportées contre des associations ADDENTIS ( trois centres dentaires en Seine saint Denis, un des départements les plus sinistrés de France, sur le plan médical), et DENTALVIE (un centre dans les Pyrénées Orientales) pour concurrence déloyale à l'égard de la profession de Chirurgien dentiste. D'autres jugements sont en attente en France.
Délais réduits, promesse de résultat et comparaison tarifaire ont offusqué le Conseil de l'Ordre bien déterminé à rappeler les dispositions du Code de la santé publique relatives à la publicité.
CODE DE SANTE PUBLIQUE ET REGULATION DU MARCHE
Le problème de l'argumentation des Low Cost est que ces centres se sont constitués en association et ne sont pas inscrites à l'Ordre, pensant échapper aux obligations que cela suppose. Or, dés lors que ces centres emploient des praticiens qui, eux, ont l'obligation d'être inscrits pour pratiquer, les centres ne peuvent mettre en porte à faux ses chirurgiens dentistes vis à vis des contraintes imposées par l'Ordre et le Code de santé publique. C'est tout au moins le raisonnement tenu par le Tribunal de Châlons sur Marne.
Il arrive qu'une question même mal posée aboutisse à une réponse bien formulée. Dés lors que les dentistes vont devoir désormais indiquer le prix d'achat des prothèses qu'ils proposent aux patients, on peut supposer que les clients iront vers celui qui, publicité ou pas, saura afficher le juste prix. C'est la nébuleuse qui entoure les tarifs de certains praticiens qui ont fait le lit des centres low cost à côté des centres mutualistes, censés rendre la santé abordable.
Si on comprend bien l'attachement de l'Ordre à une forme d'égalité devant la publicité, qu'en est il alors des multiples sites qui ne s'affichent pas comme low cost et pas comme situés à l'étranger mais ont des publicités vidéos ou des articles élogieux sur le savoir faire de tel ou tel praticien via les pages jaunes par exemple?
Mais, au fait, quelle est la position de la CJCE en la matière s'agissant d'une prestation de service de santé?
Pour la CJCE, la législation européenne ne s’oppose pas à aux interdictions nationales de publicité pour les chirurgiens-dentistes. Santé? Non! Marché
Les restrictions à la publicité des professionnels de santé sont conformes au droit communautaire. Tel est l’un des principaux enseignements que l’on peut tirer d’un arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) de 2008.
M. Doulamis, « technicien dentiste » de son état, était poursuivi en Belgique pour avoir fait paraître de la publicité dans un annuaire téléphonique, laquelle publicité est prohibée par la loi belge du 15 avril 1958. La Cour belge, saisie du litige, a interrogé la CJCE s’agissant de la compatibilité avec le droit communautaire de sa législation nationale, dans le cadre d’une procédure de « renvoi préjudiciel ». Cette procédure de renvoi préjudiciel consiste en un mécanisme original permettant aux juges nationaux d'interroger la Cour de Luxembourg soit sur des questions d'interprétation du droit communautaire, soit sur des questions d'appréciation de validité d'un acte de droit dérivé.
En l’espèce, la CJCE a rendu ses conclusions le 13 mars 2008. Elle a estimé que la législation européenne ne s’opposait pas à une loi nationale interdisant à quiconque de se livrer, dans le cadre d’une profession libérale ou d’un cabinet dentaire, à quelque publicité que ce soit dans le domaine des soins dentaires. Ce sont les arguments qui sont interessants à découvrir.
L'argument de santé publique abandonné
Cet arrêt a constitué une bonne nouvelle pour les défenseurs des Ordres et des professions réglementées, et de tout ceux attachés à l’idée que la profession dentaire ne peut être pratiquée comme un commerce. Pour autant, il est relativement décevantparce qu'il botte en touche l'argument de la santé publique ainsi que l'avait avancé dans ses conclusions, l’avocat général, Yves Bot en estimant que « cette restriction est justifiée par la protection de la santé publique dès lors que la législation nationale en cause n’a pas pour effet d’interdire la simple mention, sans caractère attractif ou incitatif, par des prestataires de soins dentaires, dans un annuaire téléphonique ou d’autres moyens d’information accessibles au public, des indications permettant de connaître leur existence en tant que professionnels, telles que leur identité, les activités qu’ils sont en droit d’exercer, le lieu où ils les exercent, leurs horaires de travail et les moyens d’entrer en contact avec eux. ».
Liberté d'établissement
L’arrêt du 13 mars 2008 ne porte quant à lui pas de jugement sur l’utilité de telles règles pour la protection de la santé publique. La Cour s’est en effet contentée d’aborder cette affaire sous l’angle de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services. Ne reprenant pas l’intégralité des conclusions de l’avocat général, elle a ainsi conclu que la loi belge du 15 avril 1958, n’était pas contraire aux articles 81 CE et 10 CE. Une bonne décision donc mais qui a, malheureusement, peu à voir avec la protection de la santé des personnes…Ce qui veut dire qu'elle eut évoluer avec certains critères du marché. En son temps, l'interdiction avait été faite aux avocats de faire de la publicité sur leurs activités de cabinet. Un revirement de position récent a permis aux prestataires de services juridiques de se faire connaitre au public certes en bonne intelligence et avec les précautions d'usage. Mais nul n'est à l'abri d'une évolution identique puisque ce ne sont pas les arguments de santé qui ont été privilégiés. A suivre donc.