Les campagnes électorales sont souvent le moment d’excès verbaux et écrits que les candidats ou leurs affidés considèrent comme étant des moments à part et permissifs et sans autre conséquence que de parler en bien ou en mal d’un candidat en vue de le faire élire ou au contraire lui barrer la route du fauteuil espéré. La lecture par un avocat des écrits diffusés aussi bien par le net que par des tracts ou des bulletins n'est donc pas inutile tant pour les auteurs que pour les lecteurs concernés.
En effet, lorsqu’il s’agit d’imputations diffamatoires en période électorale, ces infractions ne souffrent d’aucune exception quant à leurs conséquences. La circonstance que les imputations diffamatoires se soient produites au cours d’une campagne électorale n’en modifie pas le caractère. Aucune exception n’est apportée en pareil cas aux dispositions pénales. Par ailleurs, ces excès peuvent conduire tout simplement à l’invalidation du candidat élu et ayant bénéficié des propos diffamatoires. D'ailleurs, si les éléments constitutifs de ces délits restent identiques, le législateur a prévu le raccourcissement de certains délais durant cette période particulière à deux conditions : premièrement que la victime de ce délit soit un candidat à une fonction électorale, deuxièmement que ce délit ait pris place en période électorale.
Un rappel de ce qu’est une diffamation et une injure n’est donc pas inutile.
I/ Qu’est-ce qu’une diffamation ? Tout d’abord, il faut savoir ce qu’est une diffamation : Constitue une diffamation « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ».
La diffamation est ainsi constituée de cinq éléments que nous allons analyser successivement.
1°) il faut une allégation ou une imputation
La notion d’allégation signifie reprendre, répéter ou reproduire des propos ou des écrits attribués à des tiers et contenant des imputations diffamatoires, même sans citer les sources avec précision ou sans attribuer les propos à une personne déterminée (Cass. Crim., 5 janvier 1950) : « il se dit dans les milieux bien informés que… » ; «tout le monde sait que… ». Dés lors que l’on reprend à son compte personnel u-les propos comme un fait accompli, on prend la responsabilité de ce propos et dés lors il s’agit d’un fait dont on devra rendre compte s’il est diffamatoire.
2°) Un fait déterminé
L’imputation ou l’allégation doit porter sur un fait, ce qui permet de distinguer la diffamation de l’injure qui ne renferme l’imputation d’aucun fait. Le fait est susceptible d’être prouvé. D’ailleurs, c’est l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 qui autorise l’auteur du propos diffamatoire, prévenu, à rapporter la preuve de ce qu’il avance. IL est évident que cela est exclu en matière d’injure même si les mots « cocu » ou « fachiste » ou « pédale » peuvent être considérés tantôt comme des injures tantôt comme des propos diffamatoires. On le voit, la frontière entre l’injure et la diffamation est difficile à tracer. Les solutions dégagées par les tribunaux le sont au cas par cas. Or, une erreur de qualification des propos emporte comme conséquence l’échec des poursuites. Il faut donc se faire accompagner par un avocat expérimenté dans le cadre de ce type de procédure.
3°) Une atteinte à l’honneur ou à la considération
Les noms d’oiseaux sont assez supportable s car il rabaisse en général ceux qui les émettent. Par contre, plus difficile à laisser passer sont les atteintes à l’honneur ou à la considération. Laisser supposer des manquements à la probité, des infractions pénales, des comportements moralement inadmissibles à quelqu’un est parfaitement insupportable la plupart du temps car cela affecte la personne dans son identité sociale et notamment à travers son rôle social. Ce qui est proprement inadmissible en période électorale.
Un exemple souvent cité est celui d’un élu municipal, qui a été condamné avec sursis et à une amende pour recel d’abus de biens «vol de la communauté à plusieurs reprises ». La Cour de cassation a considéré que cette accusation de « vol de la communauté à plusieurs reprises » procède d’une dénaturation de la portée et du contenu du jugement, lequel contient comme motif de la condamnation de l’élu concerné « le fait d’avoir, courant 1996, bénéficié gratuitement pour lui et les membres de sa famille des prestations d’un garagiste et de fournitures de carburants réglées par le dirigeant d’une société de nettoyage en échange notamment d’informations sur des marchés publics de la commune». Cette dénaturation de la décision judiciaire rend diffamatoires envers l’élu les termes cités en lui imputant. faussement des faits qui, par leur outrance par rapport aux faits réellement commis par l’intéressé, portent atteinte à l’honneur et à la considération de l’élu, à l’époque conseiller municipal, et explicitement visé en sa qualité d’élu de la commune par le rédacteur du tract.
Ici, la diffamation a consisté à imputer délibérément des faits inexacts sous couvert d’informer la population locale d’une condamnation pénale infligée à un de ses élus. ( Cass. Crim., 30 mars 2005, n°03-84621.)
4°) Une personne ou un corps diffamé(e)
La diffamation concerne aussi des imputations relatives aussi bien aux personnes physiques que les personnes morales (en les nommant donc expressément). En effet, la diffamation est aussi punissable si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identité est rendue possible par les termes des discours ou écrits. Dés lors que cette identification peut se faire à l’aide d’éléments tirés du support matériel de l’imputation, il s’agit d’une diffamation. Ainsi, une personne désignée par « on » a pu être identifiée par le contexte comme étant l’adversaire politique du diffamateur (Cass. Crim., 6 octobre1992).
5°) Une publicité
La publicité résulte de l’un des moyens énoncés à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 : paroles, écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images, et d’une façon plus générale tout support de l’écrit, de la parole et de l’image et tout moyen de communication électronique. La publicité donnée aux imputations ou allégations diffamatoires constitue un élément du délit. Elles peuvent être réprimées comme contravention de l’article R. 621-1 du Code pénal.
Ce critère suppose des paroles prononcées ou des écrits vendus, distribués ou exposés dans les lieux ou réunions publics. Ainsi, il y a publicité lorsque les propos diffamatoires sont tenus à haute voix dans un lieu public par nature comme, par exemple, une rue, une place, une promenade, une terrasse de café ou de restaurant. De même, il y a publicité lorsque les écrits ou les paroles ont été distribués ou prononcées dans des lieux publics par destination comme par exemple des bâtiments administratifs aux heures d’ouverture au public. Dans ce cas, le juge tient compte aussi de la composition des auditeurs des propos diffamatoires ou des destinataires des écrits litigieux.
Par contre, la Cour de cassation estime qu’il n’y a pas publicité si les propos diffamatoires restent ignorés des personnes étrangères à ce groupe restreint d’auditeurs ou de lecteurs. Ainsi, il n’y a pas publicité lorsqu’il y a distribution de tracts aux seuls membres d’un parti politique (Cass. Crim., 27 mais 1999). Pour autant, il y a infraction pénale mais celle ci sera contraventionnelle. En effet, la diffamation, si elle est avérée, sera qualifiée de privée, ce qui est une contravention et non plus un délit. La Cour de cassation juge également qu’il n’y a pas publicité lorsque la distribution de tracts a été faite « à un groupe de personnes liées par une communauté d’intérêts » (Cass. Crim., 13 mai 1986, Bull. n°112). Les membres d’un parti politique ont été considérés unis par une communauté d’intérêts (Cass. Crim., 27 mai 1999, précité), tandis que les conseillers municipaux chargés de la gestion des affaires générales de la commune ne l’ont pas été (Cass. Crim., 3 juin 1997, Bull. n°218 ; Rev. sc. crim. 1998).
6°) Les peines encourues
L’auteur d’une diffamation publique envers les cours, les tribunaux, les corps, les armées de terre, de mer ou de l’air, les corps constitués (conseils municipaux par exemple) et les administrations publiques encourt une peine de 45 000 €d’amende. La même peine est encourue lorsque la diffamation publique est commise, à raison de leurs fonctions ou de leurs qualités, envers un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés par l’Etat, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public, temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition.
La diffamation commise envers les particuliers est punie d’une amende de 12 000 €.
L’auteur d’une diffamation non publique encourt une peine de contravention de 1ère classe, soit 38 €.
cf art. 23, 29, 30, 31 et 32 de la loi du 29/07/1881.
II/ Qu’est-ce qu’une injure ?
1°) Est une injure « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait » (art. 29 de la loi du 29 juillet 1881). Ont été sanctionnées les propos suivants qualifiés d’injure au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 : « menteur », « manipulateur »,« bonimenteur », propos visant un maire candidat (Cass. Crim., 30 mars 2005, n°04-85709).
2°) Le délit d’injure suppose la même publicité que la diffamation. L’injure contenue dans une lettre missive concernant un tiers, conserve donc un caractère confidentiel exclusif de toute publicité (Cass. Crim., 17 janvier 1995, Droit pénal 1995, comm. 120).
3°) Comme en matière de diffamation, la répression dépend de la qualité de la victime. L’injure publique envers, d’une part, les cours, les tribunaux, les corps constitués, les administrations publiques, et d’autre part, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés de l’Etat, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public, temporaire ou permanent, un juré ou un témoin à raison de sa déposition est punie d’une amende de 12 000 €. L’injure publique commise envers les particuliers, lorsqu’elle n’est pas précédée de provocations, est punie d’une amende de 12 000 €. L’injure non publique est punie d’une amende de 38 €.