La question n° 07151 de M. Stéphane Ravier (Bouches-du-Rhône - NI) publiée dans le JO Sénat du 11/10/2018 - page 5114 - est ainsi rédigée et interpellait la secrétaire d'Etat à l'égalité Homme/Femme. C'est le ministère de l'Intérieur, chargé des cultes et de l'application du principe de laïcité qui a répondu.
Pour information, l'auteure de cet article a un peu changé les termes de la question sans en dénaturer le sens. Aussi, il ne sera pas étonnant de lire la question, dans le journal officiel, lègèrement différent.
M. Stéphane Ravier a attiré l'attention sur l'autorisation du port du « burkini » dans les piscines municipales. Cette tenue que porte les femmes musulmanes pratiquantes rigoristes vise à couvrir l'intégralité du corps des femmes lors d'activités aquatiques. Le sénateur rappelle qu'outre un signe ostentatoire évident, le port de ce vêtement constitue, selon lui, une provocation des islamistes et leur permet de marquer à la fois leur territoire, leur différence et leur hostilité aux mœurs et coutumes françaises.
Il précise que le conseil municipal de Rennes, sous le fallacieux prétexte d'une évolution des modes, a autorisé le port de cette tenue dans ses piscines municipales. Il s'agit, toujours selon lui, d'un recul de plus pour la République et pour la France.
En conclusion, il demande au Gouvernement s'il compte interdire cette tenue dans tous les lieux publics ou s'il laissera l'islamisme se propager sur notre territoire.
Ce sont les services du ministère de l'Intérieur qui ont répondu à cette question sur l'application de la laïcité dans les piscines municipales, lieux publics.
La réponse du Ministère de l'intérieura été publiée dans le JO Sénat du 18/07/2019 - page 3885 et précise les conditions d'une interdiction ou d'une autorisation du port du burkini.
Le ministère de l'Intérieur rappelle tout d'abord que l'encadrement de l'expression des convictions religieuses repose à la fois sur un fondement constitutionnel et conventionnel, à savoir les déclarations françaises mais aussi les textes européens.
Conformément à article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi ». De même, aux termes de l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion [...] La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé de la moralité publiques ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». C'est dans le respect de ces principes que, s'agissant de la manifestation des croyances religieuses par le port de vêtements ou symboles religieux, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) considère que quiconque doit en principe avoir la possibilité de communiquer cette conviction à autrui, y compris par le port de vêtements et de symboles religieux (CE (Laïcité et Burkini) DH, 15 janvier 2013, Eweida et autres c. Royaume-Uni, n° s 48420/10, 59842/10, 51671/10 et 36516/10).
Le principe étant rappelé, il n'es jamais absolu. Et chaque société a la possibilité de poser des limites ou des conditions propres à pouvoir l'intégrer dans le droit national qui reste une traduction de la culture dominante du pays, issue aussi bien de son histoire que de ses traditions juridico-sociales et politiques.
Aussi, le ministère de l'Intérieur poursuit en précisant que, toutefois, et nonobstant la liberté de penser, de conscience et de religion, dans une société démocratique, il peut se révéler nécessaire d'apporter à cette liberté des limitations propres à concilier des intérêts divers et d'assurer le respect des convictions de certains.
Ainsi, le principe de laïcité, tel qu'il découle de l'article l de la Constitution du 4 octobre 1958, aux termes duquel «La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion », interdit à quiconque de se prévaloir de ses origines ou de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers.
Si la défense du principe de laïcité a permis de justifier l'interdiction du voile islamique dans les écoles publiques, en application de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, ce même fondement ne saurait permettre une interdiction générale et absolue du port de tels signes dans l'espace public, sans remettre en cause les libertés fondamentales de liberté d'expression et de liberté de religion.
Dès lors, le port du « burkini » par des femmes fréquentant un espace public tel qu'une piscine municipale, s'il constitue effectivement une manifestation de leur religion, ne peut faire l'objet d'une interdiction générale et absolue.
Toutefois, des considérations liées à l'ordre public peuvent justifier une interdiction au principe de libre manifestation des croyances religieuses dans l'espace public, dans certains cas qui peuvent tenir aux réactions et troubles pouvant être engendrés par le port de ces tenues.
Il appartient aux autorités investies du pouvoir de police de prendre les mesures qui leur paraissent appropriées. Ainsi, il revient au maire, de faire application de ses pouvoirs de police tels que prévus par l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales permettant « d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques » dans les espaces publics tels que plages ou piscines municipales.
S'agissant d'un arrêté municipal interdisant le port de « burkini » sur la plage, le Conseil d'État a rappelé que cette mission de police du maire doit être accomplie dans le respect des libertés garanties par les lois et a considéré qu'il ne résultait pas en l'espèce que « des risques de trouble à l'ordre public aient résulté [...] de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes » (Conseil d'État, ord., 26 août 2016, LDH et autres, n° 402742).
Conclusion: Toute interdiction du port du « burkini » dans une piscine municipale doit donc faire l'objet d'un examen précis et circonstancié par le maire, visant à concilier nécessités de l'ordre public et respect des libertés constitutionnellement garanties.
Le bon sens doit l'emporter et peut être qu'on ne doit pas voir toujours une volonté de prosélythisme là où ce n'est que pudeur et manque d'habitude de partager un même espace avec des personnes de sexe différent. Enfin, quand cela constitue un trouble manifeste, c'est aux autorités locales de trouver la meilleure solution pour que chacun ait un accès aux services publics dans le respect de chacun et de l'intérêt collectif conjugués.
Un examen de tout problème d'application du principe de laïcité doit se faire aux conditions locales.