Les maires peuvent faire usage de leur pouvoir de police dans un périmètre délimité de leur commune, implicitement au nom du principe de précaution! Mais il faut préalablement l'existence d un risque et une proportionnalité de la mesure. La difficulté avec le principe de précaution, c'est que celui ci suppose la démonstration a priori de l'existence d'un péril imminent et réel. Faute de démonstration alors pas d'application et donc pas d'arrêté légal.
La portée et la nature du principe de précaution ont été précisées par des décisions du tribunal de première instance des communautés européennes lors de la l'examen de décision de retrait de médicaments anorexigènes prises par des institutions communautaires, au nom de la protection de la santé. Il s'est avéré que le principe de précaution doit être appliqué par les instances nationales de chaque pays et nullement par la commission européenne mais qu'il s agit néanmoins d un principe général autonome du droit communautaire dont la valeur est supra législative et reconnu en France par le Conseil d état depuis 2001.
La Charte de l'environnement constitutionnalise ce principe. Il s'agissait là d'une volonté pour le président de la république de 2002, de faire le choix d une écologie humaniste.
Le principe de précaution suppose que soit analysé le risque dont on veut éviter la survenance. Il s'agit de réaliser une évaluation et du risque et de la gestion du risque avant que ne survienne une crise sanitaire ou environnementale majeure.
L’idée du risque plausible existe dans la jurisprudence communautaire. Le TPICE a précisé cette notion. Le principe de précaution intervient par hypothèse dans un contexte d incertitude scientifique. Or, on ne peut exiger dans l'évaluation des risques qu'elle fournisse obligatoirement des preuves scientifiquement concluantes de la réalité de ce risque et de la gravite d'effets potentiels en cas de réalisation du risque pour permettre l'application du principe de précaution.
Ainsi, il faut une approche non purement hypothétique du risque et non pas seulement des suppositions scientifiques non encore vérifiés, pour prendre une mesure préventive.
L'évaluation des risques suppose un processus scientifique qui consiste à identifier et caractériser un danger, à évaluer l exposition et à caractériser le risque.
Il est mis à la charge des autorités, l'obligation de décider soit d'attendre que les résultats d'une recherche scientifique plus approfondies soient disponibles soit d'agir sur la base des seules connaissances disponibles. Il s'agit alors d'un plan de gestion des risques et non plus de leur évaluation.
Quels sont les risques acceptables?
L'évaluation doit être faite par des experts scientifiques qui donneront leur avis. C est un devoir des autorités publiques du fait de l obligation qu'elles ont d'assurer un haut degré de protection de la santé publique et de l'environnement, en garantissant que leurs décisions sont prises en pleine considération des meilleures données scientifiques. Excellence, indépendance et transparence sont des principes clés sur lesquels doivent être rendus les avis scientifiques.
Encore faut il respecter le nécessaire principe de la nécessaire séparation des fonctions d'évaluation et de gestion. c est loin d être le cas. Il en est de cela comme de la séparation des pouvoirs.
Prenons un cas concret: l’exploration, en vue de leur exploitation, du gaz de schiste.
Et prenons un contexte, l’actualité du moment, pour concrétiser le propos.
Les gaz de schistes sont un sujet d’inquiétude et de débats où les citoyens et les élus sont souvent moqués ou insultés par les scientifiques pétroliers et autres ingénieux politiques, drapés dans la cape de la rigueur et du savoir ou plutôt, du « non savoir » scientifique. Car, c'est bien ce « non savoir » qui justifie, selon eux, qu’il faut continuer à creuser la question et cela même au bout de 50 ans de recherches qui aboutit à leur certitude qu’il faut forer !
Face aux interrogations des uns sur les risques que l'exploration en vue de l'exploitation des gaz de schistes fait courir aux populations et aux ressources en eau notamment, les autres se gaussent en haussant des épaules devant tant de scepticisme sur leur savoir faire et leur curiosité active pour la recherche scientifique en la matière.
Présentées comme une ardente obligation face à une pénurie d énergie qui se profile, la recherche, l’exploitation de cette énergie qu’ils qualifient de naturelle (comme l’est l’amiante ou le venin de serpent), ne doivent pas, selon les mêmes, être affectées par le doute qui ralentirait l'économie ou une civilisation vouée à la consommation. L’heure n’est pas au doute disent ils, l'heure est à l'investissement, à la conquête de l'Ouest made in France ou d’ailleurs. L'heure est à la merveilleuse aventure...
On peut aussi entendre les discours suivants : «Nécessité fait loi. Le litre d'essence flambe. Ce serait folie que de ne pas profiter de cette chance d'avoir un sous sol gorgé de cette manne providentielle...etc. Bref, Pour nos pétroliers, les activistes anti-gaz de schistes sont des arrièrés qui ne comprennent rien à l'économie, au progrès. Ce sont des comploteurs contre notre civilisation pour qu’elle ne progresse pas sur le chemin glorieux de la prospérité version USA. A la limite, ils seraient payés par les industries de la bougie et du charbon...Etc, etc.. »
Bien sur, je caricature, mais si peu! Les discours des de Margerie & Co, des associations et lobbies pétroliers sont de cette veine. Leurs discours pourraient se lire avec, en arrière fond sonore, la musique du parti communiste chinois vantant les mérites du Grand Timonnier et du glorieux marché qui ménera le pays tout entier vers l'allégresse et la prospérité...C'est vrai...mais pas pour tout le monde...On pourrait même dire, c'est vrai pour une minorité...la majorité doit se contenter des discours et de payer les factures que la minorité déplore certes mais qu'elle empile avec conscience... de sa seule valeur.
Mais revenons à notre principe et à notre actualité, balbutiante car déjà vécue d’année en année ici ou là...
Un simple incident, pas encore un accident à l’heure ou j’écris, en dit long sur la façon dont la communication tronque la réalité.
Une exploration offshore à plus de 4000 m de profondeur pour exploiter du gaz. Des forages avec des puits, des nappes de gaz ou d’autres liquides qui sont traversées, une fuite non repérée, la plateforme évacuée, une torchère qui brûle depuis 4 jours, le vent favorable qui permet la dispersion du méthane qui s'accumule dans l air, une nappe d’hydrocarbures qui s'étale et s'étend, et Total qui distille les informations au compte goutte, un peu dépassé par cette fuite que personne n'avait prévue. Une fois détectée la source, la solution reste encore à trouver.
Cela se passe en mer du Nord. Au large des côtes. Les voisins n’ont pas leur mot à dire: espèces marines en voie de disparition ou pas, en période de reproduction ou pas, les habitants d'Aberdeen, se taisent, habitués aux dangers d'une industrie qui les fait vivre dans cette ville créée par et pour les pétroliers. Et puis, ils ne sont que riverains lointains, pas voisins, ni habitants du site.
La situation pourrait être exactement la même en cas d’exploration et d’exploitation de gaz de schistes, dans l'Ain ou en Méditerranée.
Seule différence notable: les voisins et les habitants du site où se réalise cette exploration, c'est à dire à proximité d’habitations et d’activités humaines.
Faudra-t-il alors évacuer tout un département? Combien de temps? À quel coût ? Avec quelles conséquences sanitaires? Pour les habitants fragiles et pour l'eau des nappes traversées par les forages et les puits ainsi construits? Ce risque était-il prévisible ?
C’est là que le principe de précaution prend tout son sens mais que pris en défaut, il laisse la place à un plan de gestion des risques avec des mesures qui s’imposent, y compris en termes de prévention.
Mais quel est l’état de nos connaissances sur ces risques?
Revenons à notre actualité et voyons l'analyse qui en est faite par un expert, Michel Alberganti, journaliste scientifique, producteur de l'émission «Science Publique» sur France Culture, qui écrit dans slate.fr, l'article suivant sur un ton savoureux mais au vertu pédagogique appréciable et que je reproduis in extenso tout en recommandant aux lecteurs d'aller lire ses autres articles après le mien:
" Imaginez qu’une fuite de gaz se déclare dans votre appartement et que vous preniez vous-même la fuite. Vous pensez à couper l’électricité pour éviter les étincelles mais… vous laissez l’un des feux de votre gazinière allumé. Une situation pour le moins explosive. Certes, si le courant d’air dans la cuisine éloigne le gaz provenant de la fuite de la flamme, vous pouvez espérer échapper au pire. Mais tout de même, quelle imprudence!
C’est tout à fait ce qui semble s’être produit sur la plateforme Elgin de Total en mer du Nord, située à 240 km à l'est d'Aberdeen (Écosse).
Dimanche 25 mars 2012, une fuite de gaz se déclare. Les 238 personnes présentes à bord sont évacuées. Ils coupent l’électricité. Mais une torchère reste allumée. Le vent souffle dans la bonne direction. Aucune explosion ne se produit.
Lundi 26 mars 2012, malgré les communiqués de Total décrivant la situation de la plateforme Elgin, le cours de l’action du groupe pétrolier reste stable et progresse même un peu. Il faut dire que les premières communications ne mentionnent pas la torchère allumée.
Mardi 27 mars 2012, la nouvelle commence à se répandre: une torchère est bien restée allumée sur la plateforme d’où s’échappe un nuage de méthane. L’action Total perd 6% dans la journée. Sa capitalisation boursière fond de 9 milliards de dollars, selon le Financial Times.
Une torchère, menace ou soupape de sécurité
Mercredi 28 mars 2012, la presse commence à parler de l’accident, trois jours après l’évacuation du personnel. Le JT de France 2 de 20h en fait son sujet d’ouverture. Il relate les faits, montre des images de la plateforme, note que la torchère reste allumée, mais ne se demande pas pourquoi.
Chez Total, pourtant, on comprend bien que la question est essentielle. Pourquoi cette flamme continue-t-elle à brûler 72 heures après l’accident? D’où un communiqué spécialement destiné à apporter une réponse (28 mars, 18h25). On y apprend que, sur une plateforme, les choses ne se passent pas comme dans une cuisine.
«La torchère fait partie intégrante de la sécurité d’une plateforme. En cas d’urgence, elle sert à évacuer en toute sécurité tous les gaz de la plateforme. Pendant l’incident, elle a parfaitement rempli ce rôle, permettant à chacun d’être évacué sain et sauf.»
Dans un louable effort de transparence, sans doute stimulé par la forte perte de son action la veille, Total se fend d’explications plus techniques:
«Lorsque la dépressurisation d’urgence est activée, toutes les arrivées d’hydrocarbures sont coupées et les soupapes sont ouvertes sur les réservoirs pour évacuer la pression du gaz vers la torchère. Ces soupapes restent ouvertes. Elles ont été conçues pour fonctionner ainsi dans de telles circonstances.»
On comprend le message: en cas d’accident, il s’agit de se débarrasser de la quantité de gaz qui se trouve dans les différents circuits de la plateforme afin d’éviter les explosions. Pour cela, après la fermeture des arrivées de gaz provenant du puits, tout le gaz sous pression est acheminé vers la torchère pour y être brûlé. Mais pourquoi pendant au moins trois jours?
«La torchère est toujours allumée parce que, lorsque la plateforme est arrêtée (shut down) et dépressurisée en urgence, elle ne peut être totalement purgée comme c’est le cas lors d’un arrêt contrôlé. Ceci est parfaitement normal. Une certaine quantité de liquide reste présente dans le système et elle est en train de s’évaporer. Lorsqu’elle aura fini de le faire, le flux d’hydrocarbure alimentant la torchère s’épuisera et la torchère s’éteindra d’elle-même.»
Il est effectivement rassurant d’apprendre que cette torchère ne brûle pas depuis trois jours à cause d’un regrettable oubli mais qu’il s’agit de la procédure d’urgence standard. Cette dernière conduit néanmoins à de nouvelles interrogations. Si elle a effectivement permis d’évacuer le personnel en toute sécurité, elle semble mettre la plateforme en danger.
Une plateforme déserte
L’engin se retrouve en effet, en ce moment, totalement désert et privé de courant. Il n’existe plus aucun moyen d’action sur la fuite de gaz, ni même d’observation puisqu’une zone d’exclusion interdit le survol à proximité. Ainsi abandonnée, la plateforme se retrouve à l’intérieur ou à proximité d’un vaste nuage de gaz surmonté par… une allumette allumée. On imagine des situations plus confortables…
D’après le communiqué de Total, on comprend que la procédure de purge des circuits n’est pas praticable en cas d’arrêt d’urgence du système. Et c’est cela qui étonne. Une opération réalisée lorsque la plateforme est arrêtée dans une situation sans aucun danger n’est pas possible en cas d’accident, sans doute parce que le personnel coupe l’électricité avant de partir.
Si une fuite survient, pas moyen d’éteindre l’allumette… D’où l’extrême vulnérabilité dans laquelle se trouve l’installation aujourd’hui. On imagine, naïvement sans doute, qu’une autre procédure aurait pu permettre de ne couper automatiquement le courant qu’après la purge du système…
En fait, la plateforme est conçue pour faire face à une telle situation. En effet, la torchère est installée au bout d’un mât de 90 mètres de haut et elle est installée de telle façon que les vents dominants entraînent le nuage de gaz de la fuite dans la direction opposée à celle qui le conduirait vers la torchère. La hauteur de cette dernière est également un facteur de sécurité puisque le méthane est un gaz lourd qui a donc tendance à ne pas s’élever facilement dans les airs.
Quelles conditions pour une explosion
Imaginons, toutefois, que le gaz atteigne la flamme. L’explosion est alors possible mais loin d’être systématique. En effet, le phénomène ne se produit que dans des conditions particulières. Ces dernières sont définies par les limites supérieures et inférieures d’inflammabilité. En effet, le mélange air-gaz ne s’enflamme au contact d’une source chaude comme la torchère que dans un domaine précis de concentration.
Ainsi, il faut entre 5% et 15% de méthane dans l’air que la combustion se produise. En dessous, il n’y a pas assez de gaz dans l’air, au-dessus, il y en a trop. On remarque que cette zone d’inflammabilité est étroite pour le méthane alors qu’elle couvre les concentrations de 5% à 75% pour l’hydrogène.
Si le nuage de méthane qui s’échappe de la plateforme Elgin s’élève à 90 mètres de hauteur et entre en contact avec la torchère encore allumée, l’explosion, qui n’est autre qu’une combustion très rapide, ne se produira donc pas systématiquement. Par ailleurs, à l’air libre, la concentration évolue fortement alors que, dans une cuisine non ventilée, elle augmente régulièrement et rend l’issue explosive fatale.
Une marée de méthane mauvaise pour le réchauffement climatique
Concernant la pollution, malgré les craintes des écologistes, une marée de méthane n’a pas grand-chose de commun avec une marée noire de pétrole lourd. Même la partie liquide de la fuite de la plateforme Elgin va s’évaporer assez vite sans laisser de trace à la surface de la mer. Bien sûr, c’est très négatif pour le réchauffement climatique puisque le méthane est un gaz à effet de serre 20 à 25 fois plus puissant que le CO2, comme nous l’avons souligné récemment.
Enfin, il reste un accident qui révèle la fragilité des installations sophistiquées comme les plateformes de forage profond. Total admet ne pas connaître la source exacte de la fuite ni sa localisation précise. Selon certaines déclarations, elle proviendrait d’une nappe secondaire que traversent les puits de forage qui atteignent la nappe principale.
Total ignore également pourquoi les vannes d’isolement n’ont pas pu stopper la fuite. Et il est impossible, au moins tant que la torchère restera allumée, pour le personnel de revenir sur la plateforme. Pendant ce laps de temps, sur lequel Total ne donne pas d’estimation, Elgin a un point commun avec Fukushima. Il s’agit d’une installation humaine dont l’homme est exclu.
Le plus important reste que le personnel de la plateforme soit sain et sauf et qu’il n’ait donc pas été victime d’une explosion comme celle qui a fait 167 morts sur Piper Alpha le 6 juillet 1988.
Pour Total, en revanche, l’addition risque d’être salée. La construction d’un puits de dérivation, si elle se révèle nécessaire, pourrait prendre six mois. L’interruption de la production et le coût des réparations se compteront sans doute en milliards de dollars. Mais Total a réalisé 10 milliards d’euros de bénéfices en 2010 et de plus de 12 milliards d’euros.
Quel rapport avec le principe de précaution ?
Imaginons le même incident dans l’Ain, près de Courcelles, ou près d’une centrale nucléaire bordant le Rhône ou la rivière d’Ain!
Imaginons la communication de la société titulaire du permis semblable à celle de Total sur l’air de la ritournelle de « Tout va bien, Madame la Marquise », imaginons le désarroi du maire, prévenu par le préfet, qu’il faut vider sa ville de ses habitants pour une durée indéterminée, avec les risques non mesurables mais dépendants du sens du vent?
Imaginons l'état sanitaire, environnemental de ce territoire de France. Imaginons...
Et oui, le principe de précaution, c’est l’imagination en action, faute de certitude de l’avenir qui nous attend. Le principe de précaution, c'est un principe au regard des connaissances acquises et de l'évaluation des risques potentiels et qui peuvent avoir été réalisés ailleurs ; c’est accepter de ne pas prendre ces risques là et donc le courage de dire non, de prendre des décisions qui engagent l’avenir mais pour que cet avenir existe tout simplement.
Les pétroliers et autres industriels de l'énergie sont toujours présentés comme des bienfaiteurs de l’humanité en marche, soucieux de ce confort et de ce progrès sans cesse renouvelés dans leurs attendus.
En réalité, le métier de ces décideurs n’est pas l’Énergie, c’est la Finance! Le seul progrès à réaliser est celui du cours de l’action et des dividendes à distribuer.
L’État actionnaire pourrait être plus exigeant sur la nature de ce progrès. Mais l’État n’est pas toujours aux mains de décideurs courageux et précautionneux. Parfois même, ils ont la même conception du progrès que ceux là même qu’ils nomment…
La preuve?
Laisser croire que nous avons encore besoin de données scientifiques pour autoriser l'exploration du gaz de schistes et en confier le soin à des experts qui ne sont ni indépendants, ni transparents, ni vertueux ; c’est aller à l’encontre de l’application du principe de précaution derrière pourtant lequel l’Etat s’est réfugié pour interdire l’utilisation d’une méthode d’exploration du gaz de schistes mais pour l’autoriser quand même pour cause de recherche scientifique…
Par analogie toujours d'actualité, c’est continuer à dire, "on va continuer à utiliser certains produits sur le colza pour être sûr que c’est bien ça qui tuent les abeilles alors que cela fait longtemps que des alertes ont été données, par des paicukteurs, des chercheurs, des scientifiques de renom et parfois pas si indépendants que cela; Mais, le discours des industriels est qu'il faut des preuves, une démonstration que les industriels concernés n’apporteront pas bien sûr..alors? Alors, il faut attendre que des équipes de scientifiques anonymes ou presque, fassent la démonstration, publient des résultats et démontrent ce que n’importe quel paysan ou chimiste sait sur la nature : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme….
Fallait il attendre l’extinction des essaims d’abeilles, et donc selon Einstein lui même, la fin de l’humanité 1heure après la mort de la dernière abeille pour stopper ce produit ? On était parti pour… nonobstant la conviction de certains citoyens et chercheurs indépendants que la survie de l’Humanité vaut plus qu’une messe et qu’il faut se battre pour défoncer des portes pourtant ouvertes…Oui le combat est de ce type et est à ce prix là.
Le gaz de schiste, c’est du pareil au même, c’est la boite de Pandorre, celle qui signera la fin de territoires entiers, terre, air et eau…faut il aussi en attendre la démonstration ? Oui selon certains...Non selon d'autres qui brandissent le principe de précaution. Et ils ont raison. Doit on attendre que des essaims d'être humains tombent pour que la démonstration soit suffisante? Oui selon certains, Non selon d'autres, au nom du principe de précaution.
Les premiers se moquent alors des seconds, traités de poules mouillées, de citoyens non actionnaires, consommateurs peu avertis des bulles financières que la consommation fait s’envoler, mais compatbles quand même des nombreux accidents et incidents que les premiers déplorent car on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs...
Le fatalisme contre la précaution? Il faut choisir son camp.
Que faire désormais?
Attendre des solutions de Total en Mer du Nord ? Oui et non…
Tout d’abord, voler au secours des élus locaux en les soutenant.
De ces élus, on peut dire qu’ils sont encore trop peu dans certaines régions ou encore trop confiants dans d’autres ; ils sont conscients que si les pétroliers arrivent sur leurs terres, ils devront faire face à des réalités occultées jusqu'alors par les autorités de l’Etat ; ils sont conscients que, s’ils ne mettent pas en avant le principe de précaution dés maintenant, ils auront un jour ou l’autre, à gérer une crise sanitaire majeure et seuls, face à une population qui aura peut être dit oui pour un travail ou une manne financière mais qui dira non quand il s’agira de payer l’addition d’une catastrophe comme en ont connu les vendéens, les japonais, les américains: vie humaine, dégâts matériels considérables, eau impropre à la consommation si elle n’est pas traitée lourdement avant, maladies rampantes comme des cancers et des leucémies, sans prise en charge et sans réparation comme pour l’amiante mais version méthane.
D'autres soutiennent qu'ils ont l'arsenal pour faire face. Naïveté ou ignorance d'un droit minier où l'Etat impose sa loi sur le sous sol quand l'élu n'a que la possibilité de gérer le sol et quelques metres de profondeurs? On ne sait. mais le résultat sera là: ils feront opposition et c'est de cela dont il faut se souvenir pour les soutenir. Les armes viendront après. Le bilan financier sera lourd de toutes les façons.
Ces coûts financiers et humains seront payés par la collectivité toute entière pour des dégâts commis par et pour des intérêts privés, des entreprises dont les finances ne seront pas affectées par ces coûts là…
Bref, le principe pollueur/payeur sera inapplicable en l’espèce car il faudra encore prouver encore et encore le lien entre les effets de l'activité de cette industrie et les dégâts constatés, parfois bien des années après. Tout bénéfice ! Doux mot aux oreilles de certains…Ruine pour d’autres.
Ensuite, agir dans l’urne! Non pas forcement au nom d’intérêts écologiques dont le qualificatif même dissuade certains d’agir par rejet d’une forme d’idéologie partisane, mais surtout parce que c’est le droit constitutionnel de chacun de vivre dans un environnement sain et propice à son épanouissement et ses activités. Le Droit, juste le Droit, rien que le Droit mais tout le Droit…
La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Il n’y a pas de raison pour que celle des citoyens s’arrête là où commencerait celle des explorateurs de gaz de schistes. Parions même que celle des explorateurs et exploitants de gaz devrait s’arrêter là où commence celle des citoyens.
Les incertitudes sur l’avenir d’un seul individu ou d’une collectivité sont déjà tellement nombreuses que le rôle de l’État est justement de limiter leur nombre sans enlever leur liberté et leur responsabilité aux citoyens.
Total ne sait pas comment arrêter une fuite de gaz que ce géant, professionnel de l'exploration pétrolière n'avait pas prévue. Une plateforme est laissée à l’abandon. Il existe un risque d explosion. Une solution peut prendre des mois. Une pollution de l'air et de l'eau de mer est réelle. Les conséquences ne sont pas encore bien connues. Nul doute que ces incertitudes n'ont pas leur place à terre, dans l’Ain ou ailleurs, près de centrales nucléaires ou à proximité de nappes phréatiques.
Autre action ou réflexion plus globale celle là : Ne faut-il pas dire non à une forme d’asservissement à un mode de vie où la consommation est devenue, en moins de 30 ans, l’Alpha et l’Omega de nos vies et de nos villages, de nos villes et de nos assemblées ? Ne faut il pas dire oui à des modes de vivre où on a le droit de dire « stop aux gaz de schistes » pour dire « oui aux maisons passives, oui à des modes de déplacements plus raisonnés et oui à un avenir où on pourra respirer un air du bord de mer, ou de nord de fleuve ou des montagnes et non un air lourd de méthane, de gaz »?. Comme disaient nos anciens: « il faut travailler pour vivre et non pas vivre pour travailler ». On pourrait dire pareillement, « il faut consommer pour vivre et non pas vivre pour consommer! ».
L’idéologie sous tendue par les défenseurs des gaz de schistes, c’est «vivons pour consommer jusqu' à épuisement et quelque soit le prix à payer. On trouvera bien une solution au problème quand le problème viendra gra^ce aux progrès de la science.. ».
Le prix à payer: une vie raccourcie et difficile pour les gens ordinaires, des ambitions de carrière pour les gens qui gèrent les mines comme celles des gaz de schistes; l'idée que la vie est une jungle où les forts déterminent les règles de vie des faibles; une jungle qu'une démocratie digne de ce nom, construite par des années de conquête des droits, parfois violente, jamais rampante, ne peut tolérer. Mais ce droit comme la démocratie se mérite et c'est au prix de la réaction et de l'action.
Répondons leur que le principe de précaution conduit à gérer les ressources existantes et à faire fonctionner notre imagination, sans limite, sans tabou et sans distinction de classe.
Pour cela, tout un chacun doit accepter que le doute ne soit pas l'apanage des seuls scientifiques, dont certains se trouvent être des serviteurs obscurs d’intérêts souvent éloignés de l’écologie humaniste, que la notion de progrès n'est pas seulement entre les mains de quelques politiques et de quelques scientifiques auto proclamés mais aussi entre nos mains de citoyens et d'élus de base et qu'il y a urgence à le dire et à agir. Cela serait un progrès au bénéfice de tous, au nom du simple principe de précaution dont nous sommes tous en charge, quelque soit notre niveau.
Certains rétorqueront que si on commence à demander à chacun de s’exprimer, les pessimistes auront toujours gain de cause. Mais en l’occurrence qui sont les pessimistes ? Ce ne sont pas les citoyens qui croient en l’homme et ses facultés, son imagination et ses ressorts d’indignation. !
Les pessimistes, ce sont ceux là même qui nous parle de progrès une fois avec le sourire de circonstances puis de crise énergétique et de ralentissement grave de la consommation avec les trémolos comme si nous allions dans le mur. Ce sont eux les pessimistes. Ils ne croient pas en l’homme. Ils ne croient que dans les vertus d’un marché qui n’a de cesse de recycler le principe de précaution pour mieux l’écarter. ( Cf la jurisprudence des tribunaux communautaires par exemple).
Restons vigilant à ce que ce principe ne disparaisse pas de nos tables de la loi nationales car, il faut insister sur ce point, ce n’est pas l’Europe ou Bruxelles qui sont compétents pour assurer cette vigilance c’est bien chacun de nos Etats qui en est responsable et donc chacun de nous.
Assumons notre part de responsabilité pour une juste application de ce principe.