L'arrêt qui suit est instructif sur la responsabilité qui pèse sur les propriétaires de terrains donnés à bail à des exploitants industriels: à côté du problème de la pollution et de la dépollution, il y a celui de la propriété des déchets abandonnés par les industries, une fois que ces dernières ont disparu.
L'arrêt ci dessous de la cour de cassation précise un peu le cadre de cette responsabilité et les condtions de la mise en cause des propriétaires. On peut se poser la question sur la notion de complaisance en droit et de la preuve qui peut être apportée au défaut.
Arrêt n° 860 du 11 juillet 2012 (11-10.478) - Cour de cassation - Troisième chambre civile - ECLI : FR : CCASS : 2012 : C300860
Rejet
Demandeur(s) : L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)
Défendeur(s) : Mme Viviane X..., épouse Y... ; Mme Léonie Z...
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 18 octobre 2010), que Mmes Z... et X... ont donné à bail à Mme A... un terrain pour l’exercice d’une activité de conditionnement et de commercialisation de produits chimiques, installation classée pour la protection de l’environnement ; que le bail a été résilié et la liquidation judiciaire de Mme A... clôturée pour insuffisance d’actifs ; que des produits chimiques avaient été abandonnés sur le site dont les propriétaires ont repris possession ; que le préfet a confié à l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (l’ADEME) le soin de conduire les travaux d’élimination des déchets abandonnés ; que l’ADEME, après avoir mené à bien ces travaux, a assigné Mmes Z... et X... pour les voir condamner, sur le fondement de l’article L. 541 2 du code de l’environnement, à lui régler la somme de 246 917 euros ;
Attendu que l’ADEME fait grief à l’arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen, qu’aux termes de l’article L. 541 2 du code l’environnement, toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l’air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d’une façon générale, à porter atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement, est tenue d’en assurer ou d’en faire assurer l’élimination dans des conditions propres à éviter lesdits effets et qu’aux termes de l’article 1er de la directive CEE 75 442 du 15 juillet 1975, on entend par “détenteur” le producteur des déchets ou la personne physique ou morale qui a les déchets “en sa possession” ; que ce texte qualifie de détenteur la personne qui a les déchets en sa possession, sans qu’il puisse être dérogé à cette qualification pour une quelconque raison et que le propriétaire d’un terrain sur lequel se trouvent des déchets en est donc le détenteur dès lors qu’il jouit des attributs de son droit de propriété, lesquels lui confèrent la possession desdits déchets ; qu’en déboutant l’ADEME de ses demandes dirigées contre les Mmes Z... et X..., aux motifs que, bien qu’ayant recouvré les attributs de leur droit de propriété sur le terrain sur lequel se trouvaient des déchets, elles n’avaient pas, à l’occasion de la production de ces déchets, eu de pouvoir de contrôle et de direction sur l’activité qui les avait générés, cependant qu’elles n’avaient pas elles mêmes, par leur propre activité, contribué à un risque de pollution, et aux motifs que l’abandon des déchets sur leur terrain ne leur était pas imputable, la cour d’appel a violé l’article L. 541 2 du code l’environnement interprété à la lumière des objectifs assignés aux Etats membres par la directive CEE 75 442 du 15 juillet 1975 ;
Mais attendu qu’en l’absence de tout autre responsable, le propriétaire d’un terrain où des déchets ont été entreposés en est, à ce seul titre, le détenteur au sens des articles L. 541 1 et suivants du code de l’environnement dans leur rédaction applicable, tels qu’éclairés par les dispositions de la directive CEE n̊ 75 442 du 15 juillet 1975, applicable, à moins qu’il ne démontre être étranger au fait de leur abandon et ne l’avoir pas permis ou facilité par négligence ou complaisance ; qu’ayant, par motifs propres et adoptés, retenu que si Mmes Z... et X... étaient propriétaires du terrain sur lequel des déchets avaient été abandonnés par l’exploitant, elles ne pouvaient pas se voir reprocher un comportement fautif, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elles n’étaient pas débitrices de l’obligation d’élimination de ces déchets et tenues de régler à l’ADEME le coût des travaux ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi