L'affaire est remontée jusqu'au conseil constitutionnel: la société Schuepbach veut faire constater que l'annulation de ses permis consécutivement à l'adoption de la loi viole entre autre le principe de précaution, qui a désormais valeur constitutionnelle.
Cette société a posé plus précisément la question de la constitutionnalité des articles 1 et 3 de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.
Selon Schuepbach, ces dispositions seraient contraires à l’article 5 de la Charte de l’environnement et au principe de précaution, au principe constitutionnel d’égalité et des articles 16 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (garantie des droits et droit de propriété).
Le Conseil d'Etat a jugé pour justifier la saisine du conseil constitutionnel que:
"3. Considérant que les articles 1er et 3 de la loi du 13 juillet 2011 visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherche comportant des projets ayant recours à cette technique sont applicables aux litiges dont est saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux principes constitutionnels dont la méconnaissance est invoquée soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée "
Pour rappel, l'article 1er de la loi du 13 juillet 2011 définit un principe d'interdiction du recours à la fracturation hydraulique :
"En application de la Charte de l'environnement de 2004 et du principe d'action préventive et de correction prévu à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche sont interdites sur le territoire national."
Parallèlement, l'article 3 de cette même loi a créé un dispositif d'abrogation des permis exclusifs de recherche précédement délivrés, dans les conditions suivantes :
"I. ― Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, les titulaires de permis exclusifs de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux remettent à l'autorité administrative qui a délivré les permis un rapport précisant les techniques employées ou envisagées dans le cadre de leurs activités de recherches. L'autorité administrative rend ce rapport public.
II. ― Si les titulaires des permis n'ont pas remis le rapport prescrit au I ou si le rapport mentionne le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, les permis exclusifs de recherches concernés sont abrogés.
III. ― Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, l'autorité administrative publie au Journal officiel la liste des permis exclusifs de recherches abrogés.
IV. ― Le fait de procéder à un forage suivi de fracturation hydraulique de la roche sans l'avoir déclaré à l'autorité administrative dans le rapport prévu au I est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende."
Sans être Madame Soleil, on peut estimer qu'il y a des raisons de prévoir que la décision du Conseil constitutionnel, à intervenir dans les trois prochains mois ne sera pas du goût des partisans d'un environnement sain. Pour autant, on peut imaginer plusieurs scenarii: de la déclaration d'inconstitutionnalité des articles 1er et 3 au rejet de la QPC.
Que passera-t-il lorsque le conseil consitutionnel se sera prononcé?
La décision du Conseil constitutionnel sera alors transmise au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Qu'adviendra-t-il des autres permis si la loi est déclarée inconstitutionnelle ?
Pour les permis délivrés avant la loi du 11 juillet 2011 : les auteurs d'un éventuel recours contre l'abrogation de leur permis pourront se baser sur cette décision devant le tribunal saisi. Pour ceux qui n'ont pas fait l'objet de recours, les PER abrogés définitivement restent abrogés.
Pour les demandes à venir de PER, Il est nécessaire que le Gouvernement fixe sans délai sa position au moyen d'un loi nouvelle dont la rédaction devra tenir compte des attendus de la décision du Conseil constitutionnel.
Le temps de rédaction , de débats et de vote de cette nouvelle loi est important.
Le tribunal administratif rendra sa décision dans un court délai après la communication de la QPC. quelque soit la décision, les industriels ne vont pas restés passifs. Il faut s'attendre à une vague de communication de grande ampleur.
Soit ils se féliciteront que le bon droit soit de leur côté alors qu'il ne s'agira que d'une bourde rédactionnelle qui aurait pu être évitée. Mais voulait on l'éviter à l'époque?
Soit ils en appelleront au retour à leur droits et activeront la responsabilité de l'Etat par le biais de l'indemnisation ou de l'autorisation de l'Etat de leur permettre ce qu'on leur avait interdit.
Enfin, dernière possibilité: les industriels se heurtent à un front constitutionnelle d'interdiction qui leur fait crier au scandale, à l'arrièration économique et l'aliénation idéologique, au retard sur les Etats Unis etc..Tous ces discours sont bien rodés. N'est pas en retard à prendre le train celui qui préfère aller à pied ou à vélo. N'est pas en retard celui qui sait que le train qu'on veut lui faire prendre va dérailler à un moment ou à un autre, n'est pas en aliéné, celui qui ne cumule pas les maladies que tous les autres ont ou rêvent d'avoir pendant que cela leur donnera le pouvoir de délirer.
Que faire en attendant?
Le conseil constitutionnel a trois mois pour donner une réponse. Trois mois dont il faut se servir pour refaire les pressions auprès des élus à la veille des municipales, car un autre vote devra peut être avoir lieu.
S'il appartient désormais au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la constitutionnalité de la loi dans un délai court, il appartient au Gouvernement de prendre des décisions pour l'avenir. Certes François Hollande s'est prononcé, mais cela est insuffisant dans le contexte de guerre économique sauvage actuelle en prenant l'alibi de l'inconstitutionnalité.
pourquoi se prononcer contre le principe de l'exploitation des gaz de schistes?
Ce n'est pas une position idéologique, ni partisane, ni sceptico-juridique. C'est le fruit de la lecture de rapports médicaux, sanitaires sur les conséquences de la poluution des eaux et de l'air suite aux activités d'exploitation des gaz de schistes. Rien à voir avec un problème de mauvaise gestion des forages ou de la médiocrité des sociétés américaines d'exploitation en matière de protection de l'environnement ou des conditions de travail. C'est juste le constat qu'une activité industrielle qui comporte des risques ne met pas en relief qu'elle n'a aucune idée des conséquences à moyen et long terme de son activité.
La fracturation hydraulique, qui consiste à créer des fissures dans les roches riches en hydrocarbures en injectant un mélange d'eau, de sables et d'adjuvants chimiques, est décriée non seulement pour ses risques environnementaux mais surtout pour les risques sanitaires irréversibles sur la santé humaine et animale. Ce ne sont pas les forages en soi qui sont les plus nocifs. C'est la fracturation de la roche mère et la création ou l'élargissement de failles souterraines ( 2 à 4 km sous terre) par lesquelles le gaz non extrait et les boues chargées de polluants extrêmement dangeureux migreront vers la surface ou vers des nappes phratique, via des sources naturelles.
Les boues, résidus de l'exploitation du gaz de schistes, sont additionnées non seulement des éléments ajoutés à l'eau injectée à haute pression dont la liste fait peur mais aussi les éléments déjà présents dans la roche mère qui vont l'éléments radioactifs aux bacilles réactivés. Tout cela sera entrainé dans l'eau et le méthane restants vers des failles nouvelles ou anciennes sans que personne ne puisse prévoir le trajet ou l'apparition en surface, parfois trés loin du puit initial.
L'enrichissement rapide ( trop?) des uns se fera au détriment des populations locales et son appauvrissement là où le gaz serait exploité mais aussi aux alentours: pollution des terres, de l'air et de l'eau. Dans une période où l'argent manque, il manquera pour soigner, réparer, renverser ce qui peut l'être. L'argent manquera pour dépolluer, redonner vie aux terres mortes, pourvoir en eau ceux qui n'auront plus d'eau pour leurs plantations et leur vie quotidienne. Cela n'est pas une vision. C'est déjà une réalité en Bretagne avec d'autres polluants comme les phosphates.
Qui paiera pour les dégâts collatéraux d'une richesse dont la durée de vie est estimée au mieux à 50 ans et au pire à 30 ans soit moins de deux générations?
Une éventuelle censure de la loi pourrait remettre en cause l'annulation de certains permis et le blocage ou le rejet de certaines demandes, même si le gouvernement a assuré qu'il maintiendrait son opposition à l'exploitation des gaz de schiste.
En juillet 2011, au terme de plusieurs mois de mobilisation d'opposants notamment dans le sud de la France, le Parlement avait voté une loi interdisant la seule technique permettant actuellement d'exploiter les gaz de schiste, en raison des risques qu'elle présente pour l'environnement. Une interdiction confirmée ensuite par le président François Hollande. Mais une reculade n'est pas à exclure sous le poids d'une communication que Goliath mène face à David et sa petite fronde de pierre. Restez à viser juste et bien.