Une actualité pour deux faits
Deux faits d'actualité dans deux pays différents pour des problématiques identiques: les roms et l'autodéfense. L'un en France, l'autre en Hongrie.
A Marseille, des habitants de la cité des Créneaux, une cité des Quartiers Nord, ont contraint des familles de Roms à s'enfuir, un soir de septembre. Ils ont ensuite incendié ce qu'il restait du camp.
Les riverains avaient prévenu les autorités qu'ils allaient passer à l'acte, se déclarant excédés par la présence de ces Roms, qu'ils accusaient notamment de vols.
En Hongrie, presqu'au même moment, dans le petit cimetière de la petite ville de Svitavy, on vit dans la peur. Un Rom a été tué par des Skinheads. Du coup, les Roms veulent prendre leur défense en main. C'est autour de ce dessein que se sont focalisées les discussions au cimetière même. Certains Rom proposaient une milice armée, mais la tendance majoritaire retient, pour l'instant, l'idée de groupes de surveillance.
Va-t-on aller imperceptiblement, dans les deux cas, à la confrontation armée entre Rom et Communautés locales, pour les mêmes raisons: la peur de l'autre, cet Un-connu inconnu?
Personne ne le souhaite et l'on attend que les gouvernements prennent enfin des mesures radicales. Pour l'instant, les ministères des pays concernés s'attachent surtout à affirmer que le droit est respecté: légalité et régularité des contrôles que des agents des services d'immigration britanniques opèrent ici à l'aéroport de Prague, là en France, aux abords des camps avant démantèlement.
Droit européen et valeurs de la République française
Dans les deux cas, nous sommes en Europe. Le 1er janvier 2014, les roms, qu'ils soient bulgares ou roumains de nationalité, seront libres de circuler comme tous les citoyens européens. Jusqu'alors, ils étaient citoyens de second rang puisque la Roumanie et la Bulgarie étaient touchées par des mesures transitoires toujours renouvelées du fait de l'existence de populations Roms dont l'intégration parfaite n'existent ni ici ni ailleurs sur le plan collectif. Il y a bien ça et là, des intégrations réussies d'individus mais ils sont une minorité en rupture de ban avec le clan familial, puisque c'est le clan qui doit être intégré et non les individus seuls quand on veut bien se pencher sur la culture Rom.
On peut se demander d'ailleurs si tout le vacarme par nos politiques autour des Roms n'est pas fait pour justifier, auprès de la commission européenne, une demande de renouvellement des mesures transitoires affectant ces deux pays de l'Union. Limitée à 7 ans, ces mesures ne devraient pas pouvoir être reconduites pour faire obstacle aux droits des ressortissants de ces pays de venir travailler sans autorisation sur le territoire français.
Mais mesures reconduites ou pas, cette population aux moeurs itinérantes ou seulement semi-itinérantes, est ressortissante européenne. Par ailleurs, dés lors qu'elle se trouve sur le territoire français, elle bénéficie des garanties apportées par la République française à tous ses citoyens, résidents ou pas, dont les plus élémentaires sont sûreté et sécurité, la liberté ayant des géométrie variable selon le statut des personnes. En effet, la liberté de travailler ou d'aller et venir dépend étroitement des autorisations tacites ou expresses accordées par l'Etat.
Depuis quelques années, cette liberté de travailler, notamment par l'application de la liberté du commerce et de l'industrie, le devoir de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, ne sont plus totalement garantis par la République. Les raisons économiques ne sont pas la seule raison à cet état de fait. Il s'agit aussi d'une marchandisation croissante des services de moins en moins publics. La faute à la libéralisation. la faute à l'idée ultralibérale du moins d'impôt sans que l'on explique à la population des convaincus des "on-paie-toujours-trop" la contrepartie.
Les Roms ne sont que la réfutation exprimée par cette société marchande qui veut que nous nous soyons transformés en consommateurs de biens, de produits, de services, de plus de liberté, plus de responsabilités plus ou moins exprimées, plus d'assurances obligatoires et plus de travail à fournir en terme de rentabilité. La contrepartie est moins d'égalité, moins de fraternité, moins de solidarité et moins de services publics gratuits et efficaces, moins d'emplois rémunérés au niveau de la consommation que nous devons assumer pour être au niveau requis par cette même société marchande.
Les services publics de police ne sont plus garantis parce que la sureté et la sécurité n'apparaissent plus comme un monopole de l'Etat mais comme un service rendu ou pas. L'autodéfense n'est que le constat que sa sécurité et l'intégrité de sa personne et de ses biens ne sont plus assurées. Face à des menaces permanentes de jeunes désoeuvrés, sans scrupules ni conscience tant des risques que des conséquences de leurs actes sur la vie d'autrui, ceux qui travaillent, affichent leurs volontés de résister. Cet esprit de résistance hélas se retournent vers ceux qui sont déjà à terre, et l'image n'est pas gratuite.
Il est curieux que personne ne relève que les Roms délogés, leurs campements détruits, ne se révoltent que trés peu et qu'il y peu d'actes de violence dans ce qui est pourtant la destruction des biens permettant l'existence minimaliste des personnes. Les expulsions des nombreux squatters se passent parfois plus mal. Les Roms sont donc majoritairement pacifiques et peu bravent l'interdiction faite de travailler au grand jour. J'entends bien que certains stimatiseront cet état de fait comme la marque d'une paresse qui serait communautaire. Ceux là ne savent pas que ces errants citadins sont aussi de remarquables artisans et des ferrailleurs infatigables. Hélas, l'artisan comme le ferrailleur ont disparu de nos villes..eux aussi.
Affirmer que des personnes humaines doivent manger et se soigner ou éduquer leurs enfants sans avoir à travailler est un peu compliquer la réflexion mais cela n'a l'air de gêner personne. Pourtant, les roms sont un peu comme les indiens américains, ils font merveille dans certains métiers rebutants pour les qualités que cela suppose et qui ne trouvent pas à embaucher. Mais le droit du travail ( interdiction dans leur cas) est tel que les roms ne peuvent subvenir que grâce aux tombées de camions ou aux portes et poches mal fermées. Bien sur, il y a la générosité privées et publiques face à leur spectacles musicaux de rue que dans ce cas on appelle tzigane (Django Reinhart, les Gypsies King etc.),même si c'est le nom générique des populations dont font partie les Roms et les Gitans. Mais,vivre de sa musique est encore plus difficile que vivre de son artisanat.
Dans l'un ou l'autre actualité, nous avons la confrontation de deux mondes: le monde du travail et de ceux qui ne travaillent pas ou n'en donnent pas l'air puisqu'ils n'en ont pas le droit. POurtant c'est le monde du marchand et du non marchand qui est à l'oeuvre. Le monde des Nantis, ceux qui n'ont pas besoin des services publics et ne veulent plus les payer, et ceux qui en ont un besoin quotidien. La police, la justice, l'école, la santé, l'eau, l'air, l'agriculture, la culture le logement, voilà les services publics necessaires à la vie du plus grand nombre.
Personne n'imagine pouvoir faire face aux besoins primordiaux de son existence et celle des siens sans que ces services publics n'existent: ni les commerçants volés, ni les particuliers cambriolés, ni les jeunes braqueurs, ni les Roms parqués, ni les nantis, ni les intégristes de tous poils et tout parti, aussi nationaliste soit il.
Si chacun pouvait obtenir ce dont il a besoin en faisant la part entre l'indispensable, le superflu et le luxe sans en passer par la case de la violence ou de l'atteinte aux biens et aux personnes, c'est à dire en toute sécurité, sûreté et liberté, sans doute les questions pièges de l'intégration ou de l'impôt ne se poseraient elles pas. Peut être n'oublierait-on pas la fraternité, indispensable complément sans laquelle les deux autres ne sont que condamnation à vivre seul(e)(s) contre tous.