Selon un dossier trés argumenté du célèbre journal intitulé « Une réglementation laxiste pendant que l’eau polluée des puits de gaz frappe les rivières », l’exploitation des gaz de schiste aux États-Unis, se fait au détriment de toute considération sanitaire.
Certes, les enjeux économiques sont colossaux. D’ici 2020, le gaz de schiste représenterait jusqu'à 50% de la production nord-américaine. Il est acquis que le sous-sol de la planète renferme du gaz de schiste, la roche argileuse qui le contient. Mais pour libérer ce gaz il faut fracturer cette roche.
Ce gaz est le résultat de la transformation de sédiments minéraux et de matières organiques, il y a 450 millions d’années. Depuis le début des années 2000, le gaz de schiste représente un atout majeur dans l’approvisionnement en gaz naturel en Amérique du Nord mais aussi en Europe.
C'est une question plus que sensible à l'heure où se fait jour une course à la l'indépendance énergétique des Etats dans un contexte d'incertitudes d'approvisionnement de pétrole et de gaz conventionnel, incertitudes liées à l'instabilité des régimes arabes entre autres et surtout à la volonté des peuples en recheche de démocratie de continuer à alimenter les pays occidentaux dans les mêmes conditions négociées avec des régimes corrompus.
Le gaz de schiste devrait dégager un potentiel croissant dans les approvisionnements énergétiques mondiaux. Les gouvernements du Canada, d’Australie, d’Asie et d’Europe. sont donc attentifs à cette manne comme le sont les pays exportateurs de gaz conventionnel.
En France aussi, les sous-sols français recèleraient du gaz de schiste. Mais les conséquences comme aux Etats Unis n'ont pas été examinés préalablement à leur principe d'exploration en vue de leur exploitation. Or, si aux Etats -Unis, le mal est fait pour beaucoup de personnes, en France, on peut encore prendre la décision de ne pas faire n'importe quoi à n'importe quel prix y compris et surtout humain. POur cela on peut s'appuyer sur les recherches et les analyses faites par la EPA américaine dont les rapports sont souvent trés circonstanciés.
Dans des extraits du rapport de l’agence américaine de protection de l’environnement, on peut y lire que les rejets toxiques issus de l’exploitation des gaz de schiste, signalés par des milliers de documents, ont des conséquences sur l’environnement la santé humaine que l’on ne soupçonnait pas."
Le plus inquiétant concerne les rejets d’eaux usées :
« Avec la fracturation hydraulique, un puits produit parfois plus de 4 millions de litres d’eaux usées qui contiennent souvent des sels hautement corrosifs, des cancérogènes comme le benzène et des éléments radioactifs comme le radium, tous pouvant être présents naturellement à des centaines de mètres sous le sol ».
Comme l’avait montré le documentaire « Gasland », la fracturation hydraulique a rendu l’eau impropre à la consommation dans de nombreuses villes des Etats-Unis. C'est lorsque la VIlle de New York a failli être touchée dans son alimentation en eau que les interrogations ont commencé à être prises aux sérieux.
Les rapports de l’EPA indiquent qu’en Pensylvanie où se trouvent 200 puits d’exploitation, on a constaté dans les eaux usées un taux de radioactivité 100 à 1 000 fois supérieur au niveau maximum utilisé.
Selon un autre document daté de 2009:
« les eaux usées, qui sont parfois transportées jusqu’à des stations d’épuration non conçues pour les traiter et qui sont ensuite déversées dans des rivières qui fournissent de l’eau potable, présentent des niveaux de radioactivité plus élevés que ceux connus auparavant et bien plus hauts que les niveaux considérés comme sûrs par les réglementations fédérales pour le traitement par ces stations d’épuration ». En Pennsylvanie, ce sont plus de 800 000 personnes qui consomment l’eau potable issue du bassin versant dans lequel sont rejetées ces eaux usées.
Les stations de potabilisation situées en aval des stations d’épuration dans cette région n’ont pas testé la radioactivité des eaux qu’elles distribuent depuis 2006, alors que les forages se sont surtout multipliés depuis deux ans.
Dans l’état du Texas où sont exploités plus de 93 000 puits, les structures hospitalières ont constaté une augmentation de 25% du taux d’enfants asthmatiques (contre une moyenne de 7 % auparavant).
L’EPA révèle également que les contaminations observées proviennent pour une part de déversements sauvages. Or, ce sont les entreprises de forage elles-mêmes qui sont censées prévenir ces déversements.
Autant de détails alarmistes sur les dangers de l’exploitation des gaz de schiste qui trouvent un écho en Europe et particulièrement en France.
Depuis février 2011, des manifestations contre l’exploitation du gaz de schiste se sont multipliées en Ardèche et en Languedoc Roussillon. mais aussi en Ile de France, dans le Larzac et en Picardie. La suspension des permis d’exploration, jusqu’à fin 2011, répond à l’inquiétude des citoyens, écologistes ou pas, face au peu d’informations quant aux dommages à la santé humaine et animale, et aux dégâts environnementaux liés à l’exploitation de ces gaz.
Pour les Amis de la Terre, en recourant encore et toujours aux hydrocarbures, qu’ils soient conventionnels ou non, la France s’enfonce dans une impasse et compromet dans ces conditions le respect de ses engagements inscrits dans la loi du 13 juillet 2005 de diviser par 4 ses émissions de GES d’ici 2050 et surtout d'avoir une réelle souverainté énergétique dés lors que rien n'est fait pour repenser notre consommantion globale d'es ressources naturelles et des énergies.
Outre les risques environnementaux immédiats, l’exploitation de ces hydrocarbures non-conventionnels est un non sens climatique, car c'est le meilleur moyen de rendre inopérantes les énergies renouvelables et d’empêcher une reconversion énergétique indispensable à terme, au vu de l’épuisement des ressources fossiles et du réchauffement climatique.
Si le gouvernement français a annoncé la suspension jusqu’à juin des travaux d’exploration pour les gaz de schiste autorisés il y a quelques mois par le précédent ministre de l’écologie, la vigilance s'impose car c'est bien pendant que M. Borloo négociait, en grande pompe, le Grenelle II de sa main gauche qu'il signait de la main droite les permis de recherche des gaz de schistes dans le plus grand secret et que la légistlation du Code minier était révisée à la baisse par voie d'ordonnance, sans débat et sans contrôle de constitutionnalité.
Des recours se font jour. il ne faut pas que le débat soit uniquement celui des juristes patentés ni des élus verts mais il faut que ce soit un débat citoyen qui ordonne une politique durable dans le cadre d'un aménagement du territoire durable lui aussi et surtout respectueuse de l'eau, si précieuse à la vie humaine, animale et végétale. On peut se passer d'énergie, on ne peut se passer d'eau pour vivre.
Affaire à suivre donc.
ONADAVOCAT
Maitre Muriel BODIN
Docteur en droit public
Avocat à près de la Cour d'Appel de Paris