gaz de schiste: vraie ou fausse opportunité?

Publié le Modifié le 23/07/2013 Vu 2 503 fois 0
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A l'occasion de la parution d'un livre écrit à quatre mains et deux opinions contradictoires, nous allons évoquer le problème posé par la QPC sur la constitutionnalité de la loi interdisant la fracturation hydraulique et les conséquences à envisager d'ores et déjà sur l'exploration et l'exploitatiton des gaz de schistes.

A l'occasion de la parution d'un livre écrit à quatre mains et deux opinions contradictoires, nous allons é

gaz de schiste: vraie ou fausse opportunité?

Le titre du livre donne la tonalité de la question posée par un éditeur présent à une conférence où j'étais. Des points de vue s'étaient exprimés mais au final, personne n'avait trop compris si c'était bien ou pas les gaz de schistes...C'est ce qui m'a convaincue d'accepter de prendre le risque de co-écrire un livre composé de deux parties distinctes avec un maigre droit de réponse, pour exposer deux opinions contradictoires sur le gaz de schistes et répondre à cette question: Le gaz de schistes, vraie ou fausse opportunité?

Les deux positions sont frontalement divergentes: l'une, la mienne, est contre l'exploration et l'exploitation du gaz de schistes pour des raisons aussi bien financières, économiques qu'écologiques voir éco-logiques ainsi que sanitaires, tandis que l'autre auteur défend ce qui est pour lui une industrie, chance pour la France, en profitant d'un contexte de crise qui affole tous ceux qui cherchent déséspérement mais légitimement une issue à leurs difficultés financières et sociales.

En tant qu'avocate d'ONG environnementales, j'ai déjà eu à alerter sur le danger que représente non seulement cette industrie mais aussi sur l'irresponsabilité sociale des multinationales. Celles-ci communiquent sur le mode humaniste en omettant de préciser que ce n'est pas et ne sera jamais leur objectif que de contribuer au bonheur de l'ensemble des êtres humains. Leur seul objet - social et juridiquement affiché - est de contribuer à l'enrichissement de leurs seuls actionnaires et représentants.

Juste un aparte sur ces actionnaires, petits ou grands: que ces derniers fassent ce qu'ils veulent de leur argent est leur droit le plus strict. Mais il apparaît assez insensé (sans aucun sens) de gagner de l'argent en investissant ou jouant sur la valeur de leurs actions, dans des entreprises qui ne respectent que les contraintes environnementales ou de travail que certains Etats leur imposent en dégradant l'environnement, là où il y en a peu ou pas assez, tout cela pour ensuite dépenser ( les actionnaires) les dividendes dans la réparation ou la protection de la Nature...C'est un peu ce qui se passe quand un anti gaz de schiste joue en Bourse en misant sur des actions de multinationales. Cet illogisme n'est peut être pas assez significatif pour que beaucoup se détournent de cette habitude de scier la branche sur laquelle ils sont assis...on dira que c'est leur liberté...dont acte. Refermons cet aparte.

Une fois le public lecteur averti de ce danger industriel majeur, un autre danger a pointé que seuls quelques avertis ont perçu: celui d'une loi de protection ou d'interdiction rédigée sans la force juridique appropriée.Le danger d'une protection en carton pâte au lieu d'avoir une loi béton en somme.

C'est le propre des opinions, y compris de certains politiques chavirés par elles, que de foncer tête baissée dans les pièges que certains tendent. Parfois, on se croirait à la corrida: il suffit de piquer ou d'agiter le chiffon pour que la foule s'emballe, l'animal s'énerve et fasse le spectacle en dansant avec le cheval du piccador et le toréador. Oui, ce fut beau, ce fut angoissant, ce fut triomphal et après? Après, le bilan n'est pas toujours aussi magnifique que le fut le spectacle. Il y a ce qui est à voir et il y a ce qu'il aurait fallu voir...aussi.

Une loi a été votée, triomphalement.  Et puis, après la loi votée en juillet 2011, l'angoisse du recours au Conseil Constitutionnel en a laissé éveillé plus d'un pendant tout l'été, tout pendant  que le délai légal courrait.

Personne n'a osé. Beaucoup ont discuté de l'opportunité que cela représentait...des politiques se sont tournés vers des opinions pour leur demander de demander de vérifier la constitutionnalité de cette loi si vite votée...quand c'était à eux de prendre cette responsabilité. Oui! Mais ils l'avaient votée cette loi. 

Tout le monde a été conscient des faiblesses de la loi, de ses manques, de ses contradictions mais personne n'a osé dire que la fête n'aurait pas dû avoir lieu...Quelques juristes, dont je fus, ont bien essayé de donner l'alarme en demandant un peu plus de courage et d'humilité à nos parlementaires afin de reconsidérer et compléter le texte anti fracturation, même après son vote. En vain.

Le gouvernement d'alors n'a pas insisté, profitant de cette fumeuse manifestation de contentement général pour prendre des décisions dont il savait qu'elles seraient sanctionnées car prises sur la base d'une loi fragile. Pour être bien sûr que ces décisions seraient invalidées, les décideurs d'alors ont même flirté avec la procédure, histoire de donner du grain à moudre aux pro gaz de schistes sans en avoir l'air...

Pour parfaire le tout, ceux qui auraient osé, ont vu leurs capacités de contestation rognées: seules certaines associatins environnementales peuvent désormais être agréées pour faire partie de la liste des défenseurs de l'environnement aptes à ester en justice...circulez, il n'y a plus rien à voir braves gens; nous allons rester entre nous...on se comprend tellement mieux et rapidement quand nous sommes entre gens de même compagnie... Désormais, il faudra faire partie, en tant qu'association, d'une association inscrite sur la liste des associations agréées pour pouvoir faire un recours en justice contre un arrêté, un décret ou une décision touchant à la défense de l'environnement. Autant dire faire partie d'un sérail...

On peut espérer que l'actuel gouvernement reviendra sur ce qui est une barrière à la démocratie et l'accès à la justice sans avoir l'obligation de faire partie d'une minorité.

Pour en revenir à cette loi du 11 juillet 2011, tout le monde savait mais personne n'a osé. Encore aujourd'hui, tout le monde sait et personne n'ose. Des contentieux sont en cours à l'initiative des entreprises exploratrices, certaines, multinationales. Une QPC a été déposée à l'occasion de ces recours. Tout le monde sait et tout le monde craint....Craindre quoi?

François Hollande a lui même affirmé que lui, Président, il n'y aurait pas d'exploration ou exploitation de gaz de schistes sur le territoire français. Promesse de président après la promesse du candidat. Certes, c'est bien de le redire malgré les attentes de ceux qui ne voient que le mirage industriel.

Mais Monsieur le président, Monsieur le Premier Ministre, Messieurs et Mesdames les Parlementaires et Messieurs et Mesdames les Elus, que ferez vous si le conseil consitutionnel se prononce sur l'inconsitutionnalité de certains articles de la loi, et notamment le plus clair et le moins défini: l'interdiction de la fracturation hydraulique? N'y aura-t-il pas un vide juridique qu'il faudra combler alors que les pro gaz de schistes mènent une opération de séduction tous azimuts pour convaincre que le gaz de schistes est l'avenir de l'homme français (pour les déjà convaincus, la femme restera à la maison soigner les enfants)? La démobilisation d'après la fête ne laissera-t-elle pas le champ libre à tous ceux qui n'y ont pas participé, attendant patiemment leur tour?

Ne serait il pas opportun de travailler, de discuter, de combler les manques de cette loi qui bonne dans les intentions, est mauvaise dans sa préparation et sa rédaction? Faut il attendre d'être sanctionné pour dire qu'il y a eu faute? Sans attendre la sanction, on peut affirmer que des erreurs ont été commises et peuvent être réparées. On passerait alors à un discours responsable et non pas à une responsabilité d'Etat.

Mais admettre une faute après la sanction? N'est-ce pas alors admettre la responsabilité de l'Etat qui pourrait être engagée ainsi que le postulent les entreprises qui se sont vues abroger des permis d'abord attribués?

La communication politique était l'élément fort du précédent gouvernement et de ses soutiens. Elle a été décisive dans le retournement d'une opinion publique contre l'exploration et l'exploitation des gaz de schistes, à un moment clé pré électoral. On a ainsi vu les croyants pro GDS se transformer en croisés anti GDS...un tour d'enchantement à la Merlin...de la poudre de perlinpimpim sans doute...  Ou alors de bons tacticiens et joueurs d'échecs ou de bridge: plusieurs coups préparés d'avance et toute une stratégie pour faire venir leurs adversaires là où ils voulaient qu'ils viennent se perdre. L'Executif d'hier était un virtuose en matière de communication: omniprésente, étouffante,tranchée, elle donnait le vertige. Du coup, l'information était tuée par la communication. Celle d'aujourd'hui est plus terne, moins efficace et invisible. L'information est donnée par à coup, sans saveur, ni odeur. Elle semble attentiste. Et c'est bien là le problème en ce qui concerne le gaz de schiste et ce qu'il ne faudrait pas faire: attendre que la sanction tombe...quand un débat parlementaire pourrait avoir lieu sur comment rendre forte cette loi anti fracturation ou anti GDS? Certes un calendrier parlementaire existe mais à contretemps des événements à venir...

Les opinions populaires n'ont pas l'habitude de ce genre de jeu. Elles souffrent, elles soufflent, elles exigent mais au final, elles ne choisissent pas leurs représentants, elles laissent d'autres virtuoses s'exprimer dés lors qu'ils disent la même chose ou presque qu'elles ou contredisent l'Autre, sans trop se poser la question des arguments et des solutions...Elles vitupèrent mais renvoient au politique et aux virtuoses quand les débats sont trop longs et qu'elles fatiguent. Une fois que le Droit semble dit, elles se retirent...oublieuses de sa fonctin de contrôle.

La virtosité de demain sera d'expliquer à ces opinions pourquoi le Conseil Constitutionnel invalide une loi que tout le monde a voulue, pourquoi et comment des entreprises s'engouffrent dans une faille aussi visible et pourquoi, pendant deux ans, cette faille n'a pas été comblée par une majorité parlementaire et un gouvernement grâce à un véritable travail de traduction  juridique.

L'opinion a eu raison de s'exprimer, le politique a eu raison de s'emparer de cette question des gaz de schistes, mais il a eu tort de minorer ce qui de sa responsabilité: rédiger des textes qui soient non pas d'opportunité mais de véritables outils pour que les hommes de loi n'aient pas à faire la leur ou désespèrent de se faire entendre. 

Or, que font le conseil constitutionnel, le conseil d'Etat, les magistrats et les avocats face à une loi bancale: ils créent un droit qui échappe et aux politiques et aux citoyens.

Quand il s'agit de libertés publiques, il faut faire confiance à l'équilibre des forces qui s'est consituée au sein de la communauté juridique. Les hommes et femmes de loi sont à leurs affaires. L'Histoire est là pour le dire. Mais quand il s'agit de choix énergétiques, de protection non pas seulement de l'humain mais du vivant, quand il s'agit de faire des choix de portée économique et sociale, voire sociétale, alors, il n'est pas bon qu'ils soient faits par les seuls juristes, pas plus que par les seuls politiques, ni par une seule communauté si elle n'est pas représentative de l'ensemble de nos concitoyens et de leurs aspirations.

Nous autres, avocats, ne sommes que des traducteurs du droit. Il y autant de traductions qu'il y a de parties. Il arrive que nous ayons à écrire le droit, à proposer une formulation à des magistrats qui eux aussi sont des interprètes du droit. Quand il s'agit de droits fondamentaux, nous avons nos traditions, nos anciens, nos fondamentaux pour références. Mais comment pouvons nous traduire ou interpréter ce qui relève de la technique, ce qui relève du niveau de santé, ce qui relève de la précaution élémentaire qu'un bon père de famille prendrait pour protéger sa famille?

Quand nous ne pouvons pas dire et faire dire le droit, alors la Nature parle...et ce n'est pas le droit qui s'applique, mais souvent la loi du plus fort ou de celui qui parle le plus fort, de celui qui communique à tort ou à raison...Le Droit est l'expression de choix. Il ne devrait pas être, à lui tout seul, le choix.

Le gaz de schistes est emblématique d'un de ces choix qui doivent être faits. C'est une véritable opportunité. Pas pour l'économie française, pas pour les millions de chômeurs sans formation ou sans la formation inadéquate, pas pour l'environnement, le tourisme, les AOC, les eaux de source, les vins et les fromages, les animaux et leurs produits alimentaires, pas pour nos paysages, pas pour l'eau des villes et des campagnes, pas pour les agriculteurs, pas pour la santé; mais c'est une vraie opportunité pour nos politiques de revenir sur des erreurs et de réfléchir sur leurs méthodologies afin d'aboutir à des lois claires et fondatrices; c'est aussi une vraie opportunité pour une société de renforcer son mode démocratique et de tracer les voies vers un développement soutenable.

Parce qu'on est jamais mieux servi que par soi même, je conseille (pour les gens aimant la contradiction ou simplement pour avoir un début d'opinion) la lecture de ce livre ( Gaz de schiste, vraie ou fausse opportunité? (ed. Le Muscadier, FNAC, AMAZON, votre libraire etc..) non pas parce que j'en suis co auteur mais parce que mon contradicteur a donné des positions qu'il faut connaitre et comparer à celles que j'exprime synthétiquement. Se forger une opinion nécessite d'avoir le point de vue d'au moins deux parties, les plus majoritaires. Il y en a d'autres qu'il faut aussi écouter. 

Bien sûr, il manque bien des points qui auraient pu être développés, certains l'ont été et auraient pu l'être plus brillamment que je ne l'ai fait. Mon contradicteur ne m'épargne pas, pas plus que moi je n'épargne l'industrie dont il fut l'un des acteurs. Mais limité sur le plan éditorial, en nombre de signes, il faut bien faire des choix. Ces choix se sont voulu pédagogiques, accessibles et surtout permettent d'aller plus loin, vers d'autres lectures, d'autres questionnements, d'autres réponses et d'autres solutions peut être...

J'apprécierai des commentaires des lecteurs s'il y en a. L'été est propice à la lecture de 130 pages pour moins de dix euros avant que l'automne ne charrie son lot de questions et réponses sur un problème qui se posera à la rentrée: pourquoi parle-t-on encore de la loi sur la fracturation hydraulique et des gaz de schistes puisque la question était censée être tranchée?

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Muriel BODIN

150 € TTC

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