Les cas sont pathétiques, choquants et pourtant le droit est impuissant sauf peut être si.....
Sans vouloir être moraliste, on comprend la différence entre la morale et le droit quand on se penche sur la problématique posée. Des sociétés d’exploitation du gaz dit « naturel » en fait de roche mère , ont affecté gravement la santé d’une famille vivant dans une ferme. Comme d’habitude la société a préféré négocier plutôt que d’aller jusqu’à la fin d’un procès et a contraint cette famille à taire toute information relative à ce dossier. Cependant, des médecins pour soigner les membres de cette famille ont demandé à ces sociétés de leur donner des informations sur les produits employés dans leurs activités. Refus et des malades et des industriels, même sous le sceau du secret médical.
Des journaux comme le Pittsburgh Post-Gazette et l’Observer-Reporte cherchent à contourner un ordre de la cour clôturant le dossier dans lequel cette famille de Pennsylvanie avait poursuivi plusieurs compagnies de gaz à propos des impacts sur la santé liés à la pollution de l'air et de l'eau par des opérations voisines d’exploitation de gaz dit « naturel ». Le cas n’est pas isolé. Depuis longtemps déjà, les compagnies se battent pour garder les dossiers hors de l'attention du public.
Représenté par le cabinet juridique de défense de l’environnement sans but lucratif, Earthjustice, des chercheurs issus de la Philadelphia Physicians for Social Responsibility, des médecins, des scientifiques, et des ingénieurs de la Healthy Energy et de Earthworks— sont intervenus à travers une amicus brief afin de soutenir les journalistes. D’autres journaux ont également ouvert leurs colonnes sur ce problème.
Joint par téléphone, Matthew Gerhart a confirmé ses propos : « l’arrangement comme l'empêchement de tous les risques sanitaires par l’exploitation du gaz de schistes dépend de l'accès du public à l'information sur l'industrie, » a dit le mandataire Matthew Gerhart d'Earthjustice, . celui ci a déposé un recours au nom du groupe. « L'industrie de gaz devrait passer moins de temps à essayer de cacher l'information et plus de temps à révéler l'information nécessaire pour comprendre les vrais risques du développement par le fracking et du gaz. »
Le point de droit initial contre l'industrie de gaz a été apporté par Stephanie et Chris Hallowich, qui, après avoir déplacé leur famille dans une petite ferme bien tranquille, se sont retrouvés entourés par des puits d’exploitation de gaz naturel que des compagnies avaient construit autour de leur propriété avec tout l’infrastructure pour traiter le gaz extrait.
La santé des parents et des enfants s’est rapidement détériorée et ils ont commencé à souffrir des maux de tête non expliqués, des épistaxis, des yeux brûlants, et des gorges endolories. « Afin de traiter des patients exposés aux toxines dues à l’exploitation du gaz, les médecins ont besoin de l'accès à un éventail d'informations » a dit le Dr. Jerome Paulson, médecin au centre médical national des enfants. « L'industrie de gaz a l'information qui pourrait être essentielle à la santé de nos patients et nous demandons à la cour de la rendre disponible. ».
Après avoir tenté, sans succès, d’obtenir ces informations y compris par la voie des médiateurs de l’Etat afin qu’ils exposent aux compagnies le problème à traiter, la famille a poursuivi la société gazière ; mais par la suite, elle a trouvé un arrangement avec les compagnies et a abandonné sa maison.
Comme condition de la transaction, les compagnies ont insisté sur le fait que la famille Hallowich devait signer un accord de non-révélation ou confidentialité. Ces types d'accords de « non-révélation » se sont avérés être la norme dans de tels procès contre l'industrie de gaz, que ce soit en Arkansas, au Colorado, en Louisiane, en Pennsylvanie, au Texas, et en Virginie Occidentale.
Avant l'accord, les Hallowich avaient été de fervents critiques, fustigeant les abus des industriels du gaz. Mais comme tant d'autres, ils ont plié devant les accords de non-révélation exigés par les industriels et a plutôt plié bagage. La famille ne peut plus parler de ce sujet depuis le règlement entériné par la Cour.
On ne sait si en France, le juge accepterait ce type de clause mais on peut craindre que oui si le secret industriel entre dans la balance, le juge se disant souvent incompétent pour apprécier l’équilibre des intérêts en cause. Peut être une Question prioritaire de constitutionnalité permettrait elle de vérifier l'équilibre à faire...Il faut attendre les procès pour le savoir.
« Les habitants des communautés où l'industrie de gaz fonctionne ont une connaissance de première main primordiale concernant les impacts de l’exploitation du gaz. Mais à chaque fois, ces personnes sont réduites au silence par des accords de non-révélation qui s’appliquent aussi bien dans les procès que dans les baux » a dit le Dr. Simona Perry, chercheur à l’institut d'école d'enseignement technique de Rensselaer. « Et même si leurs voisins luttent pour faire face à ces impacts, ils ne peuvent pas partager leur connaissance. Les communautés entières sont affectées. » (propos rapportés dans le journal de Pittsburgh du 30 avril 2012)
Ces accords de confidentialité sont juste un exemple d'un modèle étendu du secret d'industrie. L'industrie a incité et a gagné la permission de priver des populations entières d’être assurées d’avoir un accès sûr à l'eau potable, Elle a obtenu le droit de contrevenir au Safe Drinking Water Act, au Emergency Planning and Community Right to Know Act, et d’autres lois fédérales sur le droit à l’information. C’est ainsi que ce secret empêche l’organisation efficace du traitement de l’eau potable et l’exercice par les collectivités locales de leur droit à connaître l’état exact de l’eau ne serait ce que pour la dépolluer mais il empêche aussi d’avoir accès à l’information que pourtant la Constitution américaine protège. Seul hic, la Cour suprême ne peut en connaître que si des procès vont à leur terme. Ce qui actuellement n’est pas le cas. L’information s’achète et se vend..le silence aussi, fusse-t-il mortifère.
Que ce soit au Wyoming ou en Pennsylvanie ou même en Europe, le constat est le même. Tandis que des lois obligent les collectivités ou les individus ou des petites et moyennes entreprises à traiter l’eau pour qu’elle soit propre et potable dans le cadre de leurs activités, les multinationales arrivent à protéger des secrets dits industriels qui sont des permis de polluer sans que l’on puisse identifier les polluants et ainsi chercher dépolluer ou tout au moins connaiître les causes exactes des maladies dont sont victimes les populations vivant autour des puits d’extraction du gaz et de traitement des boues.
Même les problèmes de santé publique et les problèmes d’environnement ne sont pas à même de justifier la levée de ce secret qui permettrait de ne pas perdre du temps (souvent précieux pour certains malades) à identifier les causes du mal qui affecte mortellement des individus; qu’il s’agisse d’une personne ou de centaine, rien n’y fait. La recherche du profit de quelques uns qui se dissimule habilement derrière les besoins parfois artificiels de la population, pèse plus lourd que la santé de cette même population. Les médecins sont condamnés à voir souffrir puis mourir leurs malades au nom de ce secret toxique.
Car toxique il faut qu’il le soit sinon pourquoi le secret ? On ne garde confidentiel que ce qu’on a pas intérêt à rendre public soit parce que cela est interdit soit parce que cela dangereux soit parce qu’on ne saurait pas prévoir les conséquences exactes de l’emploi de ces substances, soit encore parce qu’on tente de garder le monopole sur un cocktail de substances dont les concurrents n’auraient pas l’idée ?
On sait que dans les matières industrielles, le secret ne se garde pas longtemps et il faut donc une conjonction bien ordonnée entre entreprises au même but et aux mêmes intérêts pour que ce secret fonctionne dans le temps. L’hypothèse la plus plausible est sans doute que ces sociétés font appel à des produits dangereux et donc interdits. Il est aussi tout à fait plausible que les industriels qui utilisent en parfaite connaissance de cause ces produits ne sachent pas prévoir les conséquences à moyen et long termes de ces produits ni ce qu’il peut advenir de la combinaison de ces produits additionnés avec les substances rencontrées là où on les injecte sous pression. Il serait intéressant de voir le taux de mortalité et de cancers affectant les travailleurs de ces industries qui sont au première loge. Aucun syndicat ni organisme de protection des conditions de travail ne se manifeste dans ce domaine.
En France, l’inspection du travail , le comité d’entreprise ou d’établissement,, le CHSCT et le service des risques professionnels pourraient intervenir pour constater, évaluer. Pour autant ce constat n’emporterait pas la faculté pour ces organismes d’avoir accès aux informations permettant de comprendre le pourquoi et le comment de leur constat s’il devait y en avoir un.
La réponse des industriels est toujours la même : nous maitrisons la situation, nos techniques sont propres et sans risques que ne sachions maitriser…
Alors posons l’une des grandes questions à laquelle les industriels sont bien incapables de répondre et donc ils évitent qu’on leur pose la question en opposant el secret industriel : comment allez vous remettre le sous sol que vous avez fracturé en l’état ou comment allez vous le réhabiliter pour éviter la migration des produits injectés alors qu’il aura fallu les millions d’années pour aboutir à un équilibre géologique non encore maitrisé et à une circulation des sources imparfaitement connue à travers la roche, y compris mère maintenant que celle ci est désormais fissurée de partout ? Quelles connaissances de ces fissures avez vous, une fois la fracturation effectuée ? Quelle cartographie des fracturations allez vous communiquer aux collectivités et à l’Etat pour que des pollutions puissent être expliquées puisqu’on ne pourra pas prévenir l’inéluctable ?
A ces questions rarement posées, une seule réponse : la maitrise d’une méthode. Pourtant l’angoisse demeure quand on sait qu’aucun matériau au monde n’est inerte et que même les puits les mieux construits se fissurent un jour…et que les 50% des substances et gaz non extraits remonteront soit à la surface soit dans les nappes phréatiques rencontrées sur le parcours des fissures réalisées des jours, des mois ou des années auparavant.
Il faut prouver que les industriels de l’exploration et de l’exploitation du gaz de schiste couvrent par le principe du secret industriel, l’emploi de biocides et de produits interdits et pourtant laissés dans la nature. Et peu importe le nom que l’on donne à la méthode d’extraction. Il faut en appeler à la conscience des travailleurs du pétrole, aux chimistes dont un jour la famille peut être à la place des Hallowich avec en prime l’obligation de se taire.
Il faut aussi plaider pour une levée du secret industriel même si c’est pour le lever devant un collège restreint de personnes habilitées pour évaluer la dangerosité des produits. Un collège au dessus de tout soupçon et incorruptibles…avec des procédures de sécurité propres à rassurer les industriels s’ils s’avèrent être de bonne foi…il n’y a qu’un moyen de le savoir sans sacrifier des innocents sur l’autel dont on ne sait quelle religion de l’énergie reine et du pouvoir financier. Une seule façon…plaidons sans relâche ou alors appliquons le principe de prévention jusqu’à qu’ils lâchent…Plaidons auprès de nos médecins, de nos chercheurs, de nos scientifiques, amateurs et professionnels, de nos élus, de nos journalistes pour que la protection de l’eau et de la santé gagne son procès contre le secret industriel.
- Pour une copie d'amicus, le dossier classé aujourd'hui,:
- http://earthjustice.org/documents/legal-document/pdf/hallowich-appeal-amicus-brief
- Pour un diagramme des affaires en jugement relatives dans AR, Co, LA, PA, TX et WV: earthjustice.org/secrecy