Une affaire de prothèse dentaire....
L'affaire remonte à 1981. Michel Olivier, haut conseiller à la cour de cassation, se défendait ainsi face aux interrogations qui lui étaient soumises: "Nous n'avons jamais voulu dire que le praticien en matière de prothèse était soumis à une obligation de résultat"..."Il convient que ceux qui penseraient le contraire chassent de leur esprit ces notions de 'résultat', de 'satisfaction' qui correspondent peut-être à une réalité matérielle et non pas à une notion juridique... Il demeure que les chirurgiens-dentistes sont soumis à une seule obligation, c'est une obligation de moyens, comme tous les médecins, car la mise de la prothèse est un acte médical" (journées médico-légales de Fernand Widal).
Il est vrai que certaines décisions de justice soit étaient peu motivées donc peu claires,, soit confondaient la prothèse dentaire (partie intégrante du corps humain : cour de cassation 11 décembre 1985) avec la pièce prothétique réalisée en laboratoire, par un artisan ou un industriel, qui, elle, est bien un produit.
Le fabriquant de la pièce prothétique est, lui, tenu d'une obligation de résultat. Mais la pièce prothétique est ensuite "utilisée" par le praticien, travaillée par lui pour l'adapter à la bouche du patient, puisque chaque bouche, chaque dentition est unique.
...remise à neuve via une mise au point de la cour de cassation du 31 octobre 2012 et de juillet de la même année.
Dans l'affaire sur laquelle la Cour de Cassation a dû se prononcer, le patient développait devant la cour de cassation divers moyens dont les suivants :
- "le chirurgien-dentiste est tenu d'une obligation de résultat pour ce qui est de la conception et de la fourniture de prothèses; qu'il y a manquement à cette obligation dès lors que l'appareillage fourni n'est pas apte à rendre le service que le patient pouvait légitimement en attendre, et ce sans qu'il soit besoin de prouver la faute du médecin";
- "dans ses conclusions d'appel [il] invoquait expressément la violation de l'obligation de résultat incombant au chirurgien-dentiste en tant que fournisseur d'une prothèse et demandait ... de condamner ... à réparer le préjudice subi du fait de l'inadaptation de la prothèse en bouche ; qu'en rejetant sa demande en se fondant uniquement sur l'obligation de moyens à la charge du médecin, constatant à cet égard que la faute dans la réalisation de l'acte médical n'était pas établie et faisant totalement abstraction de l'obligation de résultat dans la conception des prothèses, en présence de laquelle le demandeur n'avait pas à prouver de faute, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions d'appel...".
L'obligation de la cour de cassation: le rappel des principes de responsabilités
- les faits : la pose de 12 prothèses suivie de troubles infectieux.
Le chirurgien-dentistepour faire face aux problèmes inflammatoires et infectieux après la pose des prothèses, a prescrit un traitement antibiotique et anti-inflammatoire, puis a adressé le patient à un spécialiste du fait de l'inefficacité des traitements. Un nombre certains d'intervenants spécialisés se sont succèdé. Leur compétence n'a pas été mise en cause. Le résultat positif s'est fait attendre et cela a démontré que la solution finalement adoptée, à savoir la dépose des prothèses avec reprise des traitements canalaires et confection de nouvelles prothèses, n'était pas évidente.
- le droit : La cour de cassatin a disposé "qu'appréciant souverainement les constatations de l'expert, elle [la cour d'appel] a estimé que le défaut de prise en charge thérapeutique mis en exergue ... n'était pas constitué ; qu'elle a pu en déduire qu'aucune faute n'avait été commise par [le chirurgien-dentiste] dans les soins prodigués, et que [ce praticien] n'engageait pas sa responsabilité envers M. X., ses constatations excluant en outre que le dommage fût dû à un défaut de conception ou de fabrication des prothèses ou à une maladresse ..."
En conséquent, la cour a rejeté la demande de cassation formée par le patient.
Rappel: en l'absence de faute, pas de responsabilité.
Déjà, le 26 janvier 2012 (n°11-10.154), la 1ère chambre civile de la cour de cassation avait tout simplement refusé l'admission d'un pourvoi d'une patiente qui soutenait que le praticien était tenu d'une obligation de résultat, y compris quant à la conception et la confection d'un "appareillage". Pour la cour de cassation, en effet, cette question de droit était définitivement tranchée depuis juillet 2012.
Un principe qui s'inscrit parfaitement dans le cadre juridique précisé, en matière de produits utilisés dans la prestation de soins, par la cour de cassation le 12 juillet 2012 (arrêt n°11-17.510).
Dans cet arrêt de principe, la cour de cassation, se fondant sur les dispositions de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 et sur l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 28 décembre 2011, conclut que : "La responsabilité des prestataires de services de soins, qui ne peuvent être assimilés à des distributeurs de produits ou dispositifs médicaux et dont les prestations visent essentiellement à faire bénéficier les patients des traitements et techniques les plus appropriés à l'amélioration de leur état, ne relève pas, hormis le cas où ils en sont eux-mêmes les producteurs, du champ d'application de la directive et ne peut dès lors être recherchée que pour faute lorsqu'ils ont recours aux produits, matériels et dispositifs médicaux nécessaires à l'exercice de leur art ou à l'accomplissement d'un acte médical ...".
Conclusion
La pièce prothétique est un produit "utilisée" par le chirurgien-dentiste qui l'adapte, dans le cadre du contrat de service de soins, à la morphologie de son patient, pour lui restituer ses fonctions de mastication, déglutition, phonation ... et d'esthétique. La prothèse fait alors partie intégrante du corps du patient.
L'obligation de résultat n'est pas le bon fondement dans le cadre d'un contrat de soins mais on peut penser que ce fondement aurait plus de portée dans le cas où le contrat de service passé entre chirugien dentiste et patient serait par pur esthétisme. Là encore, la jurisprudence pourrait évoluer.