Annulation de la déclaration de nationalité française par mariage : le gouffre juridique

Publié le 18/09/2015 Vu 62 549 fois 229
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La déclaration de nationalité française par mariage peut être contestée dans le cadre d'une procédure défavorable au justiciable en raison de l'imprécision des délais d'action et le poids de la présomption de fraude. Une amélioration des droits du déclarant s'est faite grâce à l'intervention du Conseil Constitutionnel et du contrôle par la cour de Cassation de la manière dont le juge du fond apprécie les faits.

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Annulation de la déclaration de nationalité française par mariage : le gouffre juridique

Des lois successives modifiant les conditions  d’acquisition de la nationalité française se sont multipliées ces deux dernières décennies. Malgré l’alternance et le changement  habituel de la couleur politique du gouvernement, la tendance est  vers le durcissement.

C’est ainsi que le contentieux de la nationalité s’est alimenté considérablement et s’est vu s’alourdir par des procédures  juridictionnelles longues et épineuses.

Nous allons nous intéresser au cas particulier de l’acquisition de la nationalité française par mariage, premier moyen d’accès à la nationalité française.       .

Plusieurs étrangers  mariés à des ressortissants français choisissent la voie de l’acquisition de la nationalité française par déclaration en raison de la simplicité de sa procédure et de ses conditions. Ce choix de la facilité peut s’avérer regrettable.

Et pour cause, obtenu par mariage, le bénéfice de la nationalité française risque de rester  intimement  lié au sort du dit mariage.

Or,  autant que n’importe quel couple, les époux, dont l’un a dû acquérir  la nationalité française par déclaration, sont susceptibles de se séparer et d’engager des procédures de divorce.

A l’initiative de l’époux mécontent ou de l’administration mise au courant  de la séparation du couple, une procédure d’annulation de la déclaration de nationalité en vue de la constatation de l’extranéité du déclarant pourrait être engagée.

C’est le troisième alinéa de l’article 26-4 du code civil qui traite de l’annulation de l’enregistrement après séparation des époux : «  L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude. »

Deux questions se posent :

  • Comment l’action en nullité est –elle engagée ?
  • Quelles sont les conséquences de la décision définitive de nullité sur la situation du déclarant redevenu étranger ?

  • Les enjeux de l’action en nullité de l’enregistrement de la déclaration de nationalité par mariage

L’annulation de l’enregistrement de la déclaration de nationalité sur le fondement de l’article 26-4 du code civil, pose plusieurs problèmes juridiques donnant lieu à une jurisprudence abondante :

  • le point de départ de la prescription biennale de l’action

Après des années de confusion, il est décidé définitivement que le point de départ du délai d’agir en nullité de l’enregistrement est la connaissance par le Ministère public, à l’exclusion de tout autre administration de l’Etat , de l’existence de la fraude ou du mensonge. Cette connaissance est appréciée par les juridiction au cas par cas : transcription du divorce, diligence d’une enquête.. Avec l’arrêt du 5 juillet 2012, la Cour de Cassation a nuancé sa position en faveur du justiciable : il ne s’agit plus uniquement de déterminer la date à laquelle le ministère public a eu une connaissance effective de la fraude ou du mensonge, mais d’apprécier la date à laquelle il a pu en avoir connaissance. D’ailleurs, à ce titre les juridictions de fond  n’ont plus le bénéfice de appréciation souveraine de ce point de départ.

  • La notion de mensonge et de fraude : le mensonge ou la fraude est une notion objective, indépendante de l’intention de son auteur. Constituent ainsi des cas de fraude ou de mensonge le fait d’invoquer la persistance d’une communauté de vie (Civ. 1re, 11 juin 2008, Bull. civ. I, n° 167 ; RLDC 2008/52, n° 3117, obs. Marraud des Grottes) ou encore le fait de produire un acte de naissance apocryphe (Civ. 1re, 23 juin 2010, n° 08-19.854, D. 2010. 1708  ; ibid. 2868, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot  ; Rev. crit. DIP 2010. 689, note S. Corneloup et F. Jault-Seseke ).

  • la mise en jeu de la présomption de fraude : La présomption de fraude instituée par l’article 26-4 du code civil a été  longtemps un outil déterminant pour le Ministère public dans ses procédures d’annulation. La charge de la preuve étant inversée, le juge avait pour mission d’apprécier si les éléments apportés par le déclarant étaient de nature à contrecarrer l’état de fraude préalablement établi à son encontre grâce au simple fait de la séparation de son conjoint dans les douze mois de l’enregistrement.

Or, le Conseil constitutionnel en sa décision  (n° 2012-227 QPC) du 30 mars 2012, et tout en déclarant conforme à la Constitution l'article 26-4 du code civil , il a émis une importante réserve au considérant 14, aux termes de laquelle la présomption prévue par la seconde phrase du troisième alinéa de ce texte ne saurait s'appliquer que dans les instances engagées dans les deux années de la date de l'enregistrement de la déclaration et que, dans les instances engagées postérieurement, il appartient au ministère public de rapporter la preuve du mensonge ou de la fraude invoqués ;

Aussi, depuis cette décision, la Cour de Cassation sanctionne les arrêts des Cours d’appel persistants à considérer que le bénéfice de la présomption est acquis au Ministère Public malgré l’engagement de l’action plus de deux ans après l’enregistrement de la déclaration de nationalité.  Le dernier arrêt de la Cour  suprême date du 9 septembre 2015, Pourvoi 14-20410.

  • La situation administrative du déclarant après la nullité de l’enregistrement de sa déclaration de nationalité.

La décision définitive prononçant la nullité de la déclaration de nationalité française par mariage a pour effet de constater l’extranéité du déclarant. Ce dernier n’est plus  français et reprend au regard de l’Etat français son statut d’étranger.

Mais dans quelle situation administrative serait cet étranger sur le sol français ? Régulière ou irrégulière ?

La question n’a pas de réponse législative et sombre de ce fait dans le gouffre du vide juridique, pourtant assez rare de nos jours.

En effet, rien n’est prévu par les textes pour traiter des cas de ceux qui perdent la nationalité française en général et qui avaient restitué leur titres de séjour ( souvent de dix ans) à l’administration française en contre partie du « sésame » bleu.

            On pourrait tout de suite dire que le droit commun s’applique : toute nullité a pour effet de rétablir les parties dans l’état où ils étaient avant l’acte annulé. Pourtant cette solution n’est pas d’application directe et n’est guère considérée par celui à qui incombe la restitution du seul titre restant à priori valable. En effet, le déclarant, désormais étranger est sommé par tous les moyens de restituer aux services de l’Etat la carte d’identité et passeport français sans pour autant qu’il soit en mesure de se faire restituer son ancien titre de séjour.

Les préfets considèrent souvent que la personne est, depuis la perte de la nationalité française, sans titre sur le sol français comme si la décision judicaire vaut annulation de tout son parcours en France. Je me souviens du cas d’un étranger ayant vécu régulièrement en France depuis son entrée sur notre territoire et qui s’est vu annuler sa déclaration de nationalité française après 17 ans de résidence en France dont 8 ans en qualité de français. La demande de titre de séjour a été traitée comme étant une première demande de régularisation et non la restitution d’un droit  déjà acquis. Forte heureusement, le demandeur étaient le parent d’enfants français encore mineurs  (nés de l’union ayant été à l’origine de l’acquisition de la nationalité). Mais quid de ceux qui ne rentre dans aucun des cas d’obtention de plein droit de titre de séjour prévus par le CESEDA ?

En résumé, il faut que les prétendants de la nationalité française optent plutôt pour la démarche administrative de  naturalisation plutôt que de faire dépendre leur statut administratif  des aléas de la vie de coulpe.

Ceux préméditant la séparation de leurs conjoints français, doivent savoir que le risque ne se limite pas à l’annulation de la déclaration de nationalité mais peut atteindre également le droit même de demeurer en situation régulière sur le sol français. L’article 46-4 du code civil est prévu justement pour sanctionner leur fraude.

Malheureusement, le recours à un Conseil est rarement envisagé en amont. Ce n’est qu’en aval, à la réception de l’assignation en justice qu’on s’aperçoit qu’il y avait matière à se poser les bonnes questions !

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1 Publié par Visiteur
13/02/2017 18:23

Bonjour Maitre,
je viens d obtenir la naturalisation par mariage. la date d enregistrement est date du 15 novembre 2016. ce la veut dire que en cas de divorce avant 15.02.2017 le Ministere peut retirer ma nationalite? sont il capable de le faire apres la divorce ou il faut que mon mari indique une fraude?

2 Publié par Visiteur
14/02/2017 09:49

Bonjour, Naturalisée en janvier 2015 par mariage je souhaite divorcer. Est-ce qu'il y a un risque de la perte de ma nationalité vu que l'enregistrement est déjà plus vieux de 2 ans. merci

3 Publié par taboubi
14/02/2017 11:14

Pour Avekar:
Je vous conseille de déclarer à REZE votre vouvelle situation dès que votre épouse confirme sa volonté de divorcer. Vous expliquerez qu'il y a un projet de séparation et que vous renoncez à la demande d'enregistrement.

4 Publié par taboubi
14/02/2017 11:18

Pour Mayar91170:
Dans chaque couple il y a des moment de mésentente. Vos anciennes disputes et mains courantes ne peuvent mettre en cause votre vie commune.L'essentiel est qu'au moment de la demande et durant toute la période d'instruction, vous demeurez en communauté de vie : vous ne vous séparez pas de votre époux.Pour plus de renseignements veuillez contacter le cas échéant, mon cabinet.

5 Publié par taboubi
14/02/2017 11:21

Pour Zz13,

Je n'ai pas très bien compris votre situation. Ce qui est sur c'est qu'il y a eu une procédure d'annulation contre vous. IL faut à ce stade vous rapprocher d'un avocat pour estimer l'opportunité d'une opposition.

6 Publié par taboubi
14/02/2017 11:27

Pour gabi :

J'ai compris que votre épouse vous a dénoncé pour fraude et que vous êtes convoqué à ce titre pour une enquête. Est ce le cas ? Il faut répondre à la convocation et préparer votre entretien avec le Conseil d'un professionnel. La décision du Ministère public dépend des éléments de réponse que vous allez apporter.

7 Publié par taboubi
14/02/2017 11:32

Pour had5 :

Un fonctionnaire peut perdre la nationalité dans les mêmes conditions que n'importe quel français naturalisé.
Comme je l'ai dis dans mon article, il y a un vide juridique en ce qui concerne le statut récupéré après le retrait de la nationalité. En pratique, la personne concernée tombe dans l'irrégularité du séjour en France puisque le titre de séjour a du être restitué en contre partie de la carte d'identité française. Les préfectures appellent les personnes à déposer des "nouvelles" demandes de titre de séjour instruite sur la base des attaches en France.

8 Publié par taboubi
14/02/2017 11:34

Pour VP:
Vos dates ne sont pas cohérentes. Les questions ne sont pas précises. Veuillez les formuler autrement.

9 Publié par taboubi
14/02/2017 11:39

Pour:Alex
Il y a toujours un risque puisque le dépassement du délai de 2 ans ne fait que déplacer la charge de la preuve du défendeur au Ministère Public. Il faut étudier le dossier notamment le rôle de l'époux français dans l'affaire pour apprécier la portée du risque. Si ce dernier joue un rôle actif en apportant des preuves sérieuses de fraude ou demande l'annulation du mariage, le risque est conséquent. Je vous conseille de présenter votre cas à un avocat avant de faire de faux pas.

10 Publié par Visiteur
14/02/2017 22:18

bonjour
est ce que le divorce peut provoquer une contestation de naturalisation sachant que cette dernière est obtenu par décret et non pas par mariage (sachant que la nationalité est obtenu en novembre 2016 )

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