Circonstances extraordinaires en matière aérienne: nouvelles hypothèses

Publié le 04/12/2024 Vu 102 fois 0
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La Cour de Justice de l'Union Européenne poursuit son catalogue des évènements pouvant relever de la notion de circonstance extraordinaire en application du Règlement européen sur les droits des passagers aériens.

La Cour de Justice de l'Union Européenne poursuit son catalogue des évènements pouvant relever de la notion

Circonstances extraordinaires en matière aérienne: nouvelles hypothèses

Le Règlement CE n°261/2004 relatif aux droits des passagers aériens nourrit un contentieux de plus en plus important, tant devant les juridictions étatiques que devant la Cour de Justice de l'Union européenne. En cause, l'interprétation extensive très protectrice des consommateurs passagers aériens de ce règlement, donnée par la Cour notamment depuis le renommé arrêt "Sturgeon". Il en résulte que les transporteurs aériens, pour tenter d'échapper au règlement de l'indemnité forfaitaire due au passager aérien en cas de refus d'embarquement, d'annulation et même de retard important à l'arrivée d'un vol (de plus de 3 heures), invoquent lorsque les faits le permettent, la notion de circonstance extraordinaire exonératoire. 

La Cour a énoncé deux conditions pour qu'une circonstance extraordinaire soit exonératoire de responsabilité:

  1. La preuve d'une circonstance extraordinaire définie comme un évènement, lequel par sa nature ou son origine, n'est pas inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappe à la maîtrise effective de ce transporteur aérien;
  2. La démonstration que le transporteur aérien n’aurait pas pu l'éviter même s’il avait pris toutes les mesures raisonnables à cet effet. 

Ainsi, à travers sa jurisprudence, la Cour de justice de l'Union européenne dresse depuis plusieurs années un véritable catalogue des évènements susceptibles d'être qualifiés de circonstances extraordinaires: par exemple une colision aviaire, une éruption volcanique, la fermeture d'une piste...

Elle précise cependant systématiquement, qu'au titre des mesures raisonnables devant être éventuellement prises par le transporteur dans une telle hypothèse, si celles-ci devraient consister en des "mesures adaptées à la situation avec la mise en œuvre de moyens en personnel ou en matériel et de moyens financiers afin d’éviter que cet évènement ne conduise à l’annulation ou au retard important du vol concerné", il ne peut être exigé dudit transporteur qu’il consente des sacrifices insupportables au regard des capacités de son entreprise au moment pertinent.

En 2024, la Cour a donc poursuivi l'énumération des circonstances extraordinaires au gré des affaires qui lui ont été présentées dans le cadre de questions préjudicielles. 

- Le manque de personnel de l'exploitant de l'aéroport assurant des services de chargement de bagages

Ainsi, dans une affaire C-405/23 (du 16 mai 2024 Touristic Aviation services Ltd c/ Flightright GmbH), la Cour reconnaît que le manque de personnel de l'exploitant de l'aéroport assurant des services de chargement de bagages peut constituer une circonstance extraordinaire au sens du règlement européen: cet évèvement est assurément extérieur au transporteur aérien puisque ce service est généralement assuré par l'exploitant de l'aéroport voire d'un prestataire aéroportuaire, en sorte que ce manque de personnel ne saurait être imputé au transporteur aérien. 

Elle précise au titre des mesures raisonnables (point 29) que: il y aurait lieu de considérer que ledit transporteur aérien était en mesure d’éviter le retard constaté dans le chargement des bagages, par exemple, s’il lui était possible de recourir pour cette opération aux services d’un autre prestataire, disposant de capacités suffisantes pour fournir ces services sans retard, au moment où il savait ou aurait dû savoir que l’exploitant de l’aéroport ne disposait pas de telles capacités.

- La défaillance technique et inopinée

Dans une autre affaire (C-385/23 du 13 juin 2024 Matkustaja c/ Finnair), la Cour précise sa jurisprudence Alitalia quand aux problèmes techniques et conclut qu'une défaillance technique  inopinée et inédite affectant un nouveau modèle d'aéronef et ayant conduit à l'annulation d'un vol relève bien de la notion de circonstance extraordinaire. Dans cette espèce, le constructeur avait confirmé, certes a posteriori, que cette défaillance résultait d'un vice caché de conception de nature à affecter la sécurité du vol, cette défaillance touchant tous les appareils du même type.  

Dans leur application du règlement européen sur les droits des passagers aériens, les juridictions étatiques sont donc clairement invitées par la Cour à préserver la sécurité des passagers par rapport aux désagréments éventuellement subis du fait du retard ou de l'annulation d'un vol: elle rappelle systématiquement qu'il ne faut "pas inciter les transporteurs aériens à s'abstenir de prendre les mesures requises par un tel incident en faisant prévaloir le maintien et la ponctualité de leurs vols sur l'objectif de sécurité des passagers". 

V.A.

 

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