Nous avions évoqué le développement de plateformes Internet proposant des services de vols partagés sur le modèle du covoiturage. Cependant, le développement de cette activité avait été stoppé net en début d’année par la DGAC qui assimilait alors le coavionnage à un service de transport de passagers (voir http://www.legavox.fr/blog/maitre-valerie-augros/coavionnage-conavigation-quelle-economie-collaborative-21236.htm) et donc faisait application des conditions propres au transport public.
La DGAC vient quelque peu d’assouplir sa position dans une décision du 22 août 2016 (publiée au JO du 24 août 2016), au vu de l’orientation de l’EASA (l’Agence européenne de sécurité aérienne). L’Agence européenne avait en effet confirmé que le coavionnage entrait dans le champ de l’aviation légère soumis au Règlement européen n°965/2012 du 5 octobre 2012, modifié.
Aux termes de l’article 6 4bis a) de ce règlement, les vols à frais partagés effectués par des particuliers peuvent être effectués conformément à l’annexe VII dudit règlement, par dérogation à l’article 5. Deux conditions sont dans ce cas requises :
- le coût direct du vol doit être réparti entre tous les occupants de l’appareil, y compris le pilote, et
- le nombre de personnes supportant le coût direct ne dépasse pas six.
Ces dispositions sont applicables à compter de ce jour dans toute l’Union européenne.
Anticipant leur entrée en vigueur, la DGAC a toutefois souhaité donner un cadre plus précis au coavionnage et poser les conditions supplémentaires suivantes :
Tous les vols à frais partagés doivent être effectués de jour et en conditions météorologiques de vol à vue.
La DGAC distingue également deux types de vols :
1. Les vols circulaires de moins de 30 minutes entre le décollage et l’atterrissage durant lesquels l’aéronef ne s’éloigne pas à plus de 40 kilomètres de son point de départ ; et
2. Les autres vols.
Pour le premier type de vols, le pilote privé doit détenir une licence PPL et disposer d’une expérience de 200 heures de vol, dont 25 heures au cours des 12 derniers mois.
Pour le second type de vols, il doit en outre détenir soit une qualification de vol aux instruments soit une qualification d’instructeur. Dans ce cas, l’aéronef comprend des instruments de vol et de navigation et équipements associés requis selon le cas à la section NCO.IDE.A.120 (avion) ou NCO.IDE.H.120 (hélicoptère).
Il est encore prévu que les plateformes organisant les services de coavionnage doivent préciser clairement que les règles applicables au transport public ne sont pas applicables au vol partagé (article 3).
Notons que ces nouvelles règles s’appliquent à tous les vols effectués au départ ou à l’arrivée d’un aérodrome français (article 1er).
Il va sans dire que cette disposition va certainement poser problème aux vols partagés effectués en provenance ou à destination d’un autre Etat membre. En effet, à ce jour, les autorités de l’aviation civile des autres Etats membres n’ont pas pris de mesures spécifiques au coavionnage, se référant ainsi à l’avis de l’AESA et au règlement européen précités.
Compte tenu de la rigueur des règles françaises, et quand bien même elles constitueraient un assouplissement par rapport à la position tenue jusqu’alors par la DGAC, les plateformes françaises de coavionnage espèrent qu’au final la position de l’AESA plus souple l’emportera.
Soulignons enfin que si le développement des vols partagés est prometteur d’un point de vue économique, il en va différemment d’un point de vue juridique.
En effet, ainsi que le rappelle à juste titre la DGAC, la sécurité des passagers est primordiale.
Pour autant, aucun parallèle ne peut réellement être fait avec le transport partagé par automobile, où les passagers bénéficient a priori en cas d’accident de la protection de la loi Badinter (responsabilité sans faute, statut particulier du passager, obligation d’assurance, etc.) et même du fonds de garantie.
Il n’en va pas de même pour les vols « privés ». En cas d’accident, il faudra rapporter la preuve de la faute du pilote, le vol à frais partagés pouvant être assimilé à un transport gratuit. L’article L.6421-4 du code des transports prévoit alors un régime de responsabilité bien particulier. Or, la preuve de la faute du pilote s’avère assez difficile à démontrer en l’état actuel.
Dès lors, de ce seul point de vue, le coavionnage ne peut être comparé au covoiturage. Cela explique aussi certainement l’extrême prudence de la DGAC dans l’adoption de ce nouveau cadre juridique. La passager du vol partagé doit savoir à quoi s’en tenir…
V.A.
► A noter: la décision de la DGAC a été annulée par le conseil d'Etat: https://www.legavox.fr/blog/maitre-valerie-augros/coavionnage-organise-plateforme-limite-temps-23632.htm