La Cour de Justice vient de rendre une décision (CJUE du 14 novembre 2014 affaire C-394/14) dans la lignée de sa jurisprudence particulièrement favorable aux passagers aériens.
Dans cette affaire, un escalier mobile d’aéroport a percuté un avion de la compagnie Condor, causant des dommages significatifs. L’avion n’a donc pu décoller pour le vol prévu le lendemain. Les passagers, qui devaient effectuer un vol Antalya-Francfort, ont en conséquence subi un retard de plus de six heures.
La compagnie aérienne considérait que cet incident constituait néanmoins une circonstance extraordinaire de nature à l’exonérer de sa responsabilité (notamment de son obligation de régler l’indemnité forfaitaire due aux passagers en cas de retard de plus de trois heures).
Dans sa décision, la Cour se réfère d’abord à sa jurisprudence antérieure et notamment à l’affaire C-549/07 Wallentin-Hermann / Alitalia où elle avait déjà précisé que la notion de circonstances extraordinaires devait être interprétée strictement.
Elle rappelle encore que des problèmes techniques peuvent constituer des circonstances extraordinaires dans la mesure où ils découlent d’un évènement qui n’est pas inhérent à l’exercice normal de l’activité de transporteur aérien et qui échappe à sa maitrise effective du fait de sa nature ou de son origine.
La Cour adopte ensuite une approche fidèle à sa jurisprudence antérieure.
Elle observe en effet que l’utilisation d’escaliers mobiles (comme de passerelles mobiles d’ailleurs) est habituelle et nécessaire pour permettre l’embarquement et le débarquement des passagers. Les compagnies se trouvent donc confrontées à toutes sortes de situations (y compris des problèmes techniques) lors de l’utilisation de ces équipements – souvent mis à disposition par l’aéroport ou par des sociétés d’assistance. Par conséquent, le heurt d’un de ces escaliers contre un avion doit, selon la Cour (point 19) être considéré comme inhérent à l’exercice normal de l’activité de transporteur aérien.
La Cour en déduit alors que, à moins que le dommage à l’appareil n’ait été causé par un acte extérieur aux services de l’aéroport (comme par exemple un acte de sabotage ou de terrorisme) cet évènement (heurt de l’escalier mobile contre l’appareil) ne saurait constituer une circonstance extraordinaire exonératoire de responsabilité pour la compagnie.
La notion de circonstance extraordinaire n’a ainsi pas fini de faire débat en pratique, chaque incident ou chaque problème technique étant sujet à discussion pour savoir s’il se rapporte à une évènement qui serait ou non inhérent à l’exercice normal de l’activité de transporteur aérien.
On aurait en effet pu croire que le choc d’un l’escalier mobile (ici conduit par un tiers) échappait à la maîtrise effective de la compagnie aérienne. D’ailleurs, plusieurs tribunaux français avaient pu suivre dans des hypothèses similaires, un tel raisonnement et admettre que la compagnie devait être exonérée de sa responsabilité. Il n’en n’est rien.
Après la panne de moteur complexe, la Cour de Justice vient d’examiner une nouvelle hypothèse de problème technique : le heurt d’un escalier mobile, qui ne devrait plus être considéré comme constituant une circonstance extraordinaire exonératoire, sauf acte de sabotage ou de terrorisme.
Pour le moment, le Règlement CE 261/2004 ne donne qu’une liste d’exemples non exhaustive sur ce qu’il faut entendre par circonstances extraordinaires. D’où les tâtonnements des juridictions nationales dans l’interprétation de cette notion.
Une proposition de règlement datant du 13 mars 2013 vise, entre autres, à étoffer cette liste afin de clarifier la notion de circonstances extraordinaires et de renforcer la sécurité juridique. Les débats autour notamment de la notion de circonstances extraordinaires sont toujours examinés devant les instances européennes.
Mais l’équilibre entre les intérêts des passagers (qui doivent pouvoir bénéficier d’une protection dans certaines situations) et les intérêts des compagnies aériennes (pour lesquelles il est plus que nécessaire d’appréhender et de tenir compte de la réalité de leur activité : impératifs de sécurité, aléas extérieurs, environnement concurrentiel fort, intervention d’acteurs périphériques, etc.) est pour le moment loin d’être trouvé…