Le règlement CE n°261/2004 du 11 février 2004 a introduit divers droits en faveur des passagers aériens voyageant sur une compagnie aérienne d’origine communautaire (c’est-à-dire possédant une licence communautaire) ou bien encore voyageant sur un vol au départ d’un aéroport situé dans un Etat membre, lorsque la compagnie n’est pas d’origine communautaire. L’un de ces droits consiste en une indemnisation forfaitaire et uniformisée du passager en cas de retard, annulation ou d’un d’embarquement.
Néanmoins, ce règlement ne prévoit aucune règle de compétence, alors que la mise en œuvre de ces droits nécessite parfois la saisine d’une juridiction.
La question de la juridiction qui sera territorialement compétente pour connaître du litige va alors se poser. Mais la réponse à cette question n’est vraisemblablement pas aussi évidente…
Rappelons que la Cour de Justice de l’Union Européenne avait apporté un premier élément de réponse dans une affaire Rehder c/ Air Baltic du 9 juillet 2009 (Affaire C-204/08).
La CJUE observait que faute pour le règlement CE n°261/2004 de prévoir des règles de compétence juridictionnelle, il convenait de se référer à d’autres instruments.
Pour autant, elle décida que la référence à la Convention de Montréal du 28 mai 1999 sur le transport aérien international n’était pas adéquate.(1) Selon elle, ces deux instruments mettent en œuvre des cadres règlementaires totalement différents. C’est pourquoi, elle appliqua plutôt le règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, pour déterminer la juridiction compétente dès lors que l’action du passager aérien était exclusivement fondée sur le règlement CE n°261/2004.
La CJUE concluait alors, en application de l’article 5.1.b) du règlement CE n°44/2001, que le tribunal compétent pour connaître d’une action fondée sur le règlement CE n°261/2004 était celui, au choix du demandeur, dans le ressort duquel se trouve le lieu de départ ou le lieu d’arrivée de l’avion, tels que ces lieux sont convenus dans le contrat de transport.
Cet arrêt n’a pourtant pas suffi à contenir totalement le contentieux en matière de compétence juridictionnelle.
Deux arrêts récents de la Cour de Cassation rende compte du débat resté en suspens, lequel devrait désormais se résorber sur ces questions.
Dans deux affaires, la Cour de Cassation suit un raisonnement analogue à celui tenu par la CJUE dans son arrêt Rehder cité plus haut et se réfère expressément aux règles issues du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000.
Dans la première affaire (2), une compagnie aérienne non communautaire reprochait à la Cour d’appel de Paris d’avoir déclaré la juridiction de proximité de Paris compétente pour trancher le litige l’opposant au passager suite à un retard de vol, alors que le titre de transport avait été acquis par le passager à Lyon et que le vol se déroulait entre Lyon et Tlemcen (en Algérie).
La Cour de Cassation se réfère expressément à l’article 2 du règlement CE n°44/2001 lequel désigne le tribunal du lieu du domicile du défendeur compétent. Elle souligne alors que la compagnie en question, qui avait son siège à Alger, disposait de plusieurs établissements sur le territoire français, dont un établissement principal à Paris. Le tribunal situé à Paris était dès lors bien compétent pour connaître du litige.
La Cour de Cassation rappelle dans la seconde affaire (3), ainsi que l’avait décidé la CJUE, qu’il ne peut être renvoyé à la Convention de Montréal pour déterminer la juridiction compétente, quand bien même cette convention serait intégrée au droit français, dans le code des transports et le code de l’aviation civile. La haute juridiction rappelle à ce titre l’autonomie du régime issu du règlement CE n°261/2004 sur les droits des passagers aériens par rapport aux règles internationales.
Cependant, la Cour de Cassation va ici donner raison à la compagnie aérienne qui contestait la compétence du tribunal du lieu du domicile du passager.
Elle précise tout d’abord que les règles internes sur la compétence, et notamment l’article L.141-5 du code de la consommation, devenu R.631-3, ne sont pas applicables.
S’il est en principe possible d’attraire un professionnel devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié en application dudit code de la consommation mais également du règlement CE n°44/2001, tel n’est pas le cas lorsque le consommateur a conclu un contrat de transport seul, c’est-à-dire sans être combiné à une prestation d’hébergement.(4)
En l’espèce, la Cour de Cassation se réfère exclusivement au règlement CE n°44/2001 pour préciser que le consommateur ne peut attraire la compagnie aérienne devant le tribunal où il a son domicile.
Il en résulte que désormais, le passager aérien souhaitant invoquer un des droits issus du règlement CE n°261/2004 sur les droits des passagers aériens, pourra assigner la compagnie aérienne, à son choix :
• Soit devant le tribunal où la compagnie a son siège ou son principal établissement,
• Soit devant le tribunal dans le ressort duquel se trouve le lieu de départ de l’avion,
• Soit devant le tribunal dans le ressort duquel se trouve le lieu d’arrivée de l’avion.
Tout autre tribunal serait incompétent territorialement. Les passagers aériens seront donc bien avisés de tenir compte de ces règles pour éviter toute décision d’incompétence.
A noter que le règlement CE n°44/2001 évoqué ici a été refondu par le règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012. Ce nouveau règlement est applicable depuis le 10 janvier 2015. Les principes dégagés par les jurisprudences exposées ci-dessus demeurent applicables.
V.A.
(1) La Convention de Montréal prévoit pourtant en son article 33 des règles de compétence précises et désigne divers choix de tribunal compétent pour trancher de l’action en responsabilité.
(2) Cass. Civ. 1, 19 oct. 2016, n°15-25864
(3) Cass. Civ. 1, 22 fév. 2017, n°15-27809
(4) Article 15.3. du règlement CE n°44/2001