L’ubérisation de l’économie n’a pas fini de transformer nos habitudes ni de modifier la physionomie de nos centres villes. C’est désormais au tour des dark kitchens et autres dark stores qui connaissent un fort développement.
Dès lors, les municipalités doivent appréhender ces nouveaux modes de consommation appréciés des urbains. Les plateformes qui les exploitent sont confrontés à une certaine résistance en particulier des habitants qui perdent leurs commerces de proximité puisque ces locaux ne sont plus accessibles et subissent de surcroit les nuisances résultant du va-et-vient des livreurs. Les municipalités veulent tout faire pour éviter que les centres villes ne perdent leurs commerces et leur âme, et par la même occasion ne soient dépossédés de leur attrait et deviennent des suites d’entrepôts inaccessibles au public.
Car c’est tout l’enjeu de cette qualification d’entrepôts retenue tant par l’administration que par les juridictions, et notamment le Conseil d’Etat.
Le gouvernement s’est saisi de cet enjeu. Par un décret n°2023-195 du 22 mars 2023 (complété par un arrêté du même jour), le pouvoir règlementaire a expressément décidé de faire entrer les dark kitchens (ou « cuisine dédiée à la vente en ligne ») dans la catégorie des entrepôts de l’article R.151-28 5° du code de l’urbanisme.
L’arrêté précise que la sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne » recouvre les constructions destinées à la préparation de repas commandés par voie télématique. Ces commandes sont soit livrées au client soit récupérées sur place. On peut légitimement se demander à ce stade si le drive entre effectivement dans cette catégorie.
Ce nouveau dispositif n’entrera en vigueur que le 1er juillet prochain.
Cela obligera les plateformes à demander un changement de destination pour toute installation en lieu et place d’un commerce, en fonction du PLU local.
Les juridictions n’ont pas attendu l’entrée en vigueur de ce dispositif. Par une décision rendue le 22 mars 2023, le Conseil d’Etat (CE, 23 mars 2023, n°468360) a retenu pour sa part la qualification d’entrepôt dans un litige opposant la Ville de Paris aux plateformes Frichti et Gorillas. La Mairie avait mis en demeure les sociétés de se conformer au plan local d’urbanisme et de restituer divers entrepôts situés dans Paris dans leur état d’origine. En effet, le PLU parisien ne permet pas la transformation de locaux situés en rez-de-chaussée en entrepôts sans autorisation. Dans un premier temps, le juge des référés avait suspendu les décisions de la Ville de Paris.
Sur pourvoi, le Conseil d’Etat a finalement donné raison à la Ville de Paris : les sociétés concernées auraient dû faire une déclaration préalable de changement de destination auprès de la Ville de Paris avant de s’installer.
Les centres-villes entrent en résistance…
V.A.