En l’espèce, suite à l'annulation d'un vol reliant Stuttgart à Lisbonne, des passagers avaient sollicité auprès de la compagnie aérienne une compensation au titre du Règlement (CE) n°261/2004. En effet, peu de temps avant le départ, le copilote devant assurer ce vol a été retrouvé mort dans sa chambre d'hôtel. Les autres membres d'équipage ayant été particulièrement choqués par ce décès, se sont déclarés inaptes à effectuer ce vol. Un vol de remplacement a alors été proposé aux passagers dans la journée pour les réacheminer à destination finale. La compagnie aérienne leur a néanmoins refusé la compensation sollicitée pour annulation de vol sur le fondement de l'article 5 du règlement européen précité.
Saisie d’une question préjudicielle sur ce point, la CJUE (CJUE, 11 mai 2023, aff. C-156/22 à 158/22, TAP Portugal c/ Flightright GmbH et Myflightright GmbH) a décidé d'assimiler le décès à la maladie soudaine d'un membre d'équipage, pour refuser de considerer qu'un tel évènement puisse être qualifié de circonstance extraordinaire exonératoire pour la compagnie aérienne.
En effet, pour la Cour de justice, le décès - tout comme la maladie du reste - constitue un évènement inhérent à l'exercice normal de l'activité de transporteur aérien effectif. Elle justifie cette interprétation en précisant que le transporteur planifie les équipages et gère les horaires de travail des membres du personnel.
Ainsi et quand bien même les conditions de l'espèce étaient-elles tragiques, elle précise que rien ne vient distinguer cette situation de la simple maladie d'un membre d'équipage intervenant de manière inopinée.
Rappelons que pour la Cour de justice, la notion de "circonstances extraordinaires" est définie comme tout évènement qui par sa nature ou son origine n'est pas inhérent à l'exercice normal de l'activité de transporteur aérien et échappe à sa maitrise effective; ces deux conditions sont cumulatives. En l'espèce, la Cour a estimé que la première condition n'était pas admise et n'a donc pas eu à rechercher si la seconde, l'était.
Cela n'est pas sans rappeler la position de la Cour de Cassation, dans une espèce où un vol n'avait pu être assuré en raison de la maladie du pilote: le décès du (co)pilote entraine désormais la même conséquence, à savoir l'indemnisation des passagers.
Une fois encore, la Cour de justice fait primer dans ce type d'affaires la célérité des vols sur leur sécurité. En effet, la Cour refute expressément l'argument selon lequel, la compagnie aérienne - loin de sa base - n'avait pu trouver immédiatement un équipage de remplacement, alors même que l'équipage initialement prévu s'était retrouvé, en raison même des circonstances du décès du copilote, inapte à assurer le vol prévu. Or si l'aptitude des membres d'équipage est régulièrement contrôlée, certains évènements peuvent temporairement porter atteinte à leur aptitude et créer ainsi un risque à la sécurité.
V.A.