La difficile fin d’un mandat exclusif d’agent de voyage : illustration jurisprudentielle

Publié le 26/06/2014 Vu 4 055 fois 0
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La difficile fin d’un mandat exclusif d’agent de voyage : illustration jurisprudentielle (Cass. Com. 1er avril 2014, n°12-28901)

La difficile fin d’un mandat exclusif d’agent de voyage : illustration jurisprudentielle (Cass. Com. 1er a

La difficile fin d’un mandat exclusif d’agent de voyage : illustration jurisprudentielle

Il est de principe que le mandant peut mettre un terme au mandat confié à son mandataire à tout moment. Ce principe est posé à l’article 2004 du Code civil.

En présence d’un mandat d’intérêt commun, ce principe est toutefois tempéré. En effet, il est admis avec constance en jurisprudence que le mandat d’intérêt commun peut être révoqué :

  • soit avec le consentement mutuel du mandant et du mandataire,
  • soit pour une cause légitime,
  • soit encore en application de clauses et conditions stipulées au contrat de mandat.

Si les conditions de révocation du mandat d’intérêt commun ainsi exposées peuvent sembler claires, leur mise en œuvre pratique n’en est pas pour autant aisée.

C’est ce qu’illustre l’arrêt de la Cour de Cassation (Cass. Com. 1er avril 2014, n°12-28901) en matière de mandat d’agent de voyage.

Dans cette affaire, un contrat de mandat d’agent de voyage exclusif avait été conclu pour une durée de cinq années renouvelable pour une durée identique. Quelque temps après le premier renouvellement, le mandant annonçait à son mandataire, agent de voyages, son intention de ne pas renouveler le contrat à l’échéance, en motivant cette décision par une faute commise par l’agence.

Pourtant les juges du fond considérèrent qu’il y avait révocation du mandat sans motif légitime, en sorte qu’un droit à indemnisation était reconnu à l’agent.

Le mandant formait alors un pourvoi en cassation, sur différents points. Seuls deux d’entre eux retiendront notre attention.

Tout d’abord, le mandant affirmait que l’entier contrat de mandat devait être annulé comme étant entaché d’un vice de perpétuité. Or, les juges du fond avaient seulement décidé d’annuler une clause du contrat relative à la tacite reconduction. Cette clause stipulait :

« Sauf manquement de l'agent à ses obligations contractuelles, la présente convention sera reconduite pour des durées identiques par tacite reconduction, à moins que l'AGENT ne fasse part à NOUVELLES FRONTIERES de sa volonté de ne pas poursuivre son activité, et ce au moins six mois avant le terme de la présente convention par lettre recommandée avec accusé de réception. Dans ce cas, l'AGENT n'aura droit à aucune indemnité à quelque titre que ce soit ».

La Cour d’appel avait annulé cette clause sur le fondement de l’article 2004 du Code civil et non sur celui de la prohibition des engagements perpétuels, au motif qu’un mandat est révocable à tout moment – principe qui serait selon elle d’ordre public.

Or, la Cour de Cassation rappelle dans le corps de l’arrêt que l’article 2004 du Code civil n’est pas d’ordre public. Indirectement, elle considère donc que l’annulation de cette clause n’était pas justifiée. Mais elle ne casse pas pour autant l’arrêt, puisqu’elle estime que la solution au fond était par ailleurs suffisamment motivée. Elle se contente ainsi de rejeter l’argument du demandeur au pourvoi, le mandant, qui ne justifiait d’aucun élément relatif au vice de perpétuité invoqué.

Le mandant reprochait encore à l’agent d’avoir commis une faute, en violation de la clause de non concurrence et de la clause d’exclusivité, en ouvrant une agence de location de voiture ; ce qui justifiait selon lui sa décision de non-renouvellement.

Or, la Cour d’appel avait jugé que l’activité de location de voiture sans chauffeur n’était pas constitutive d’une violation grave des engagements de non concurrence de l’agent de voyage.
La clause de non concurrence prévoyait notamment l’interdiction d’exercer une activité de transporteur. Or, pour la Cour, l’activité de transport de voyageurs est distincte de celle de location de véhicule et n’est pas susceptible de concurrencer l’activité d’agent de voyages et de prestation de transport dans la zone géographique concernée.

La Cour de Cassation approuve donc les constatations de la Cour d’appel à ce titre et estime qu’aucune faute ne peut être retenue à l’encontre de l’agent.

Il s’ensuit que le mandant ne pouvait valablement révoquer le mandat d’agent de voyage dans ces circonstances.


Cet arrêt démontre toute la difficulté qu’ont les mandants d’agents de voyage pour révoquer valablement le contrat de mandat. En effet, la préservation de l’intérêt du mandataire agent de voyage est également prise en considération par les tribunaux. Il convient alors de s’assurer que la révocation du mandat d’intérêt commun soit réalisée de manière légitime.
La mise en œuvre de la révocation d’un mandat d’agent de voyage, comme de tout mandat d’intérêt commun du reste, doit donc être exercée avec une grande prudence.

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