Le règlement (CE) n°261/2004 du 11 février 2004 dispose que le passager aérien peut se voir offrir une "indemnisation forfaitaire" (pouvant varier entre 250€ et 600€ selon la distance du vol) en cas de refus d'embarquement ou d'annulation de vol. Ce dispositif a été étendu par la suite en cas de retard de trois heures ou plus à l'arrivée à destination finale (jurisprudence Sturgeon de 2009). Toutefois, se pose toujours la question de savoir ce que compense réellement cette indemnité forfaitaire. Il est traditionnellement admis par la cour que l'indemnité forfaitaire de l’article 7 du règlement n° 261/2004 vise à indemniser, d’une manière standardisée et immédiate, les préjudices que constituent les désagréments dus aux refus d’embarquement, à l'annulation ou au retard de vol. Mais s'agit-il de la compensation d'un préjudice moral ou matériel? La CJUE élude quelque peu la réponse à cette question mais ouvre la voie à l'indemnisation de préjudice de toute nature par le biais de "l'indemnisation complémentaire".
Les faits étaient les suivants. Deux passagers avaient acheté un billet d’avion pour se rendre le 6 septembre 2016 de Bacau à Londres, où ils travaillent. Ils ont été refusés à l’embarquement, car la compagnie avait dû changer d’appareil; le nouvel appareil n’avait alors plus la même capacité. La compagnie leur a proposé un vol sur ses lignes et ils sont arrivés à Londres le 11 septembre. La compagnie leur a offert un billet d’avion gratuit ainsi qu’une somme de 400€ sur le fondement du règlement européen – offre qui a été refusée par les passagers. Ils ont estimé que cette somme ne visait qu’à compenser un préjudice moral. Ils ont alors saisi les juridictions roumaines pour réclamer respectivement 437€ et 386€ au titre du préjudice matériel résultant de retenues sur salaire outre 1,500€ pour préjudice moral. Ayant partiellement obtenu satisfaction, une question préjudicielle a été posée devant la cour de justice.
La Cour de Justice (CJCE, C-163/18, 10 juillet 2019, HQ, IP, JO c/ Aegean Airlines) a d’abord rappelé que l’indemnisation forfaitaire prévue à l’article 7, § 1, b), du règlement (CE) n° 261/2004 ne vise pas à indemniser un préjudice tel qu’une perte de salaire.
Mais un tel préjudice peut faire l’objet de l’indemnisation complémentaire prévue à l’article 12 du même règlement.
Dans ce cas, les juridictions nationales doivent déterminer et apprécier les différents éléments constitutifs dudit préjudice, ainsi que l’ampleur de l’indemnisation de celui-ci, sur la base juridique pertinente.
De plus, lorsqu'une demande d'indemnisation complémentaire est faite en application de l'article 12 du règlement européen, les juridictions nationales peuvent décider de déduire de l’indemnisation forfaitaire, l’indemnisation complémentaire. Toutefois il n'est pas obligé de le faire, car le règlement européen n’impose pas au juge national de conditions sur la base desquelles il pourrait procéder à cette déduction.