Bien qu’il ait une portée générale sur les pratiques commerciales déloyales définies dans la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, l’arrêt de la CJUE a été rendu dans le cadre de la diffusion d’une brochure de vente de séjours par une agence de voyages.
Les faits étaient les suivants :
Une agence de voyage autrichienne (Team4 Travel) spécialisée dans les séjours à la neige pour groupes scolaires britanniques a conclu divers contrats avec des prestataires d’hébergement. Les contrats portaient sur la réservation de quotas de lits à certaines dates pour lesquelles l’agence s’était assurée avoir une exclusivité. Cette exclusivité contractuelle excluait normalement toute possibilité de réservation dans ces mêmes établissements par des agences concurrentes, pour les mêmes dates.
Dans sa brochure hiver 2012, l’agence faisait alors mention de l’exclusivité dont elle bénéficiait auprès de ces prestataires.
Cependant, certains prestataires n’ont pas respecté leurs obligations contractuelles d’exclusivité en sorte qu’une agence de voyage autrichienne concurrente (CHS Tours Services) a pu elle aussi bloquer des quotas de lits dans les mêmes établissements et aux mêmes dates.
Estimant que la déclaration d’exclusivité figurant dans les brochures de Team4 Travel constituait une pratique commerciale déloyale, CHS saisissait les juridictions autrichiennes pour la faire cesser. Une demande de décision préjudicielle a par suite été transmise à la CJUE afin d’interpréter la directive 2005/29/CE applicable.
La CJUE a précisé que pour rechercher si une pratique commerciale constitue une pratique trompeuse au sens de l’article 6 de la directive 2005/29/CE, il n’est pas besoin de vérifier en outre si le professionnel en cause s’est montré, ou non, diligent au sens de l’article 5 paragraphe 2, sous a) de la directive précitée. Le respect des exigences de diligence professionnelle n’entre pas en ligne de compte dans cette recherche.
En d’autres termes, dès lors que les conditions posées par l’article 6 paragraphe 1 sont réunies, la pratique pourra être qualifiée de trompeuse. Le professionnel ne pourra justifier avoir répondu aux exigences de la diligence professionnelle pour contester cette qualification.
Les diligences ou dispositions prises par l’agence de voyage (comme en l’espèce : en s’assurant qu’aucune autre agence n’avait d’ores et déjà effectué de réservations dans les établissements concernés aux dates sélectionnées et en insérant dans les contrats avec ces prestataires des pénalités en cas de violation de l’exclusivité contractuelle) sont donc indifférentes.
Le caractère trompeur résultera alors uniquement du fait que la pratique commerciale en question est (i) soit mensongère (ii) soit susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen quant à l’existence, la nature ou les caractéristiques principales d’un produit ou d’un service, et que dans l’un ou l’autre cas, une telle pratique a amené ou est susceptible d’amener ce consommateur à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise.
L’agence de voyage, comme tout opérateur commercial d’ailleurs, doit donc veiller à ce que les informations diffusées à destination des consommateurs soient exactes ou ne les induisent pas en erreur, non seulement au jour de leur première diffusion mais aussi tant que ces informations seront publiées. Même si elle est de bonne foi et se montre diligente comme dans le cas d’espèce, l’agence pourrait le cas échéant être poursuivie pour pratique déloyale (trompeuse). Son unique recours résiderait alors dans la mise en cause de ses partenaires contractuels fautifs.
CJUE, 19 septembre 2013, affaire C-435/11
http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=141761&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=320433
Article initialement publié le 21/01/2014