Récents développements sur le tourisme procréatif

Publié le 27/06/2014 Vu 4 735 fois 0
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Il existe une forme de tourisme très particulière : le tourisme procréatif, dérivé du tourisme médical. Des couples en désir d’enfants sont prêts à recourir à une GPA à l’étranger et se lancent donc dans la recherche d’un pays permettant d’y recourir. Et après… qu’en est-il au moment du retour en France de l’enfant, une fois le passage de la frontière surmonté ? Les difficultés sont nombreuses pour faire reconnaître cet enfant auprès de l’état-civil français. Mais l’horizon est en voie de s’éclaircir.

Il existe une forme de tourisme très particulière : le tourisme procréatif, dérivé du tourisme médical.

Récents développements sur le tourisme procréatif

Le tourisme médical en général est un phénomène qui s’amplifie pour de nombreux français depuis plusieurs années. Avec lui, s’amplifie également le tourisme procréatif pour des couples souhaitant avoir des enfants, à destination de pays dont la législation encadre ou tolère le recours à des techniques non admises en France (mais également dans d’autres pays du monde), telle que la gestation pour autrui (GPA).

Les couples en désir d’enfants partent ainsi vers des pays qui reconnaissent officiellement la GPA (par exemple l’Angleterre ou la Grèce, ou encore certains Etats américains) ou bien ceux qui s’accommodent de cette pratique sans avoir pour autant légiféré dans ce domaine (par exemple l’Inde).

Or pour ces couples, encore faut-il pouvoir faire établir la filiation de l’enfant par les services d’état-civil à leur retour en France.

Jusqu’à présent, l’établissement d’une telle filiation était impossible et la transcription sur les registres français de l’état-civil de l’acte de naissance des enfants ainsi nés à l’étranger suite à une GPA est systématiquement rejetée.

La jurisprudence de la Cour de Cassation est constante et rigoureuse, même si certaines juridictions du fond essaient de résister. La haute juridiction retient en effet la fraude à la loi pour justifier le refus de transcription de l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA à l’étranger. Dans un arrêt récent (Cass. Civ. 1ère 19 mars 2014, n°13-50005), la Cour de Cassation réitérait sa position dans les termes suivants :

« en l’état du droit positif, est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est l’aboutissement, en fraude à la loi française, d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui, convention qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public selon les termes des deux premiers textes susvisés »…

« … en statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu que les éléments réunis par le ministère public établissaient l’existence d’une convention de gestation pour le compte d’autrui entre M. X... et Mme Y..., caractérisant ainsi un processus frauduleux dont la naissance de l’enfant était l’aboutissement, ce dont il résultait que l’acte de naissance de celui-ci ne pouvait être transcrit sur les registres de l’état civil français, la cour d’appel a violé [les articles 16-7 et 16-9, ensemble l’article 336 du Code civil] ».

Un espoir pour ces enfants nés d’une GPA existe pourtant suite à deux arrêts du même jour de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) visant la France.

Dans ces deux affaires, la CEDH a condamné la France qui avait refusé la transcription des actes des enfants nés de mères porteuses aux Etats-Unis (CEDH 26 juin 2014, n°65192/11, n°65941/11).

Il convient de noter que la CEDH ne se prononce pas sur la gestation pour autrui en tant que telle. Elle reconnaît d’ailleurs l’absence de consensus en la matière au sein de l’Europe et les problèmes d’éthiques que peuvent soulever cette pratique. Ainsi, la CEDH estime qu’il n’y a pas eu de violation de l’article 8 de la Convention, relatif au droit au respect à la vie privée et familiale, au regard des parents. En revanche, sa position diffère lorsqu’elle examine la situation des enfants. Elle considère qu’il y a violation de l’article 8 précité et que le droit des enfants au respect de leur vie privée est méconnu. Elle observe entre autres que la filiation n’est pas reconnue, alors même que leur identité est établie par l’Etat américain ; elle ajoute que la position de l’Etat français ne permet pas non plus de reconnaître à ces enfants leur identité, leur filiation biologique existante à l’égard de leur père, leur nationalité française, ni leurs droits successoraux, etc. portant ainsi atteinte à leur vie privée.

La solution adoptée par la CEDH doit être saluée en ce qu’elle prend en compte exclusivement l’intérêt de l’enfant et permet de lui offrir une reconnaissance de son identité et de sa vie familiale.

Le revers de cette décision est qu’elle risque d’encourager les couples français qui jusqu’à présent hésitaient encore à recourir à une GPA à l’étranger en raison justement de l’absence de reconnaissance par l’état-civil français de ces enfants. Cette décision aura inévitablement pour conséquence de développer le tourisme procréatif vers l’étranger, dont les conditions de recours peuvent pourtant représenter certains dangers pour les familles. En effet, certains pays n’ont pas encore légiféré en matière de GPA, mais y tolère sa pratique.

Conclusion

Si le débat sur la reconnaissance de la GPA dans notre ordre juridique était pour le moment reporté, la décision de la CEDH est de nature à le raviver. Il n’empêche que l’Etat français devra dans un premier temps s’adapter pour reconnaître l’état-civil de ces enfants.

Pour autant, la question de la procréation médicalement assistée et de la GPA ne doit pas se cantonner à un débat national.

Le phénomène croissant du tourisme procréatif – facilité par les modes de déplacement internationaux et l’accès à l’information via Internet sur les pratiques locales – démontre que cette pratique médicale (GPA) constitue désormais un enjeu international et qu’il faudra résoudre certaines problématiques juridiques (telles que la filiation, mais pas seulement) par l’adoption de conventions internationales propres à ce sujet.

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