Dans cette histoire tragique, un aéronef de type Airbus A320 de la compagnie Indonesia Air Asia s’était abîmé en mer le 28 décembre 2014, causant le décès de l’ensemble des passagers et membres d’équipage.
Des proches de victimes ont saisi le juge des référés afin d’obtenir des indemnités provisionnelles sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile. Cette instance était dirigée contre l’avionneur, Airbus, ainsi que contre le fabricant d’un module électrique RTLU qui équipait l’aéronef et qui s’était avéré défectueux.
La cour d’appel débouta les victimes de leurs demandes au motif que l’obligation d’indemnisation était sérieusement contestable. Rappelons à cet égard que le juge des référés est le juge de l’évidence et que les dispositions du code de procédure civile (art. 809 al.2) nécessitent, pour l’octroi d’une provision, que l’existence de l’obligation d’indemnisation ne soit pas sérieusement contestable.
Dans sa décision (Cass. Civ. 1, 28 novembre 2018, n°17/14356) la haute juridiction rappelle au visa des articles 1245 et 1245-13 du code civil et 809, alinéa 2, du code de procédure civile, que s’agissant de la responsabilité du fait des produits défectueux, le producteur est responsable de plein droit du dommage causé par un défaut de son produit. Elle ajoute que la responsabilité du producteur envers la victime n'est pas réduite par le fait d'un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage.
En d’autres termes, le fait du tiers ne constitue pas une cause d’exonération partielle du producteur. Celui-ci ne pourra donc échapper à sa responsabilité. Tout au plus, pourra-t-il être condamné in solidum avec d’autres responsables éventuels.
Dès lors, la cour d’appel ne devait pas tenir compte des autres facteurs ayant contribué à l’accident pour débouter les victimes par ricochet.
Il résultait en effet de l’enquête menée, qu’un module électrique RTLU équipant l’Airbus présentait des fêlures ayant entrainé un dysfonctionnement. Ce dysfonctionnement était le premier facteur ayant contribué à l’accident. Il y a eu d’autres facteurs. Ainsi, au cours du vol en question ce dysfonctionnement avait été signalé quatre fois, sans que l’équipage ne réagisse de manière adaptée. De surcroît, des incidents similaires avaient été précédemment observés sur le module de ce même aéronef, mais n’avaient pas donné lieu à une maintenance appropriée.
Pour la haute juridiction, il importe peu à ce stade qu’un tiers ait pu concourir à l’accident. Elle souligne à juste titre que la responsabilité du producteur vis-à-vis de la victime n’est pas réduite par ce fait, quand bien même ce tiers aurait concouru à la réalisation du dommage.
De même, la cour de cassation estime que l’absence de connaissance préalable par les producteurs du défaut du module ne doit guère plus entrer en ligne de compte. L’application du régime spéciale de la responsabilité du fait des produits défectueux ne requière pas une telle condition.
Le défaut s’entend en fait comme celui qui compromet la sécurité de l’utilisateur du produit. Dans ce cas, il s’agit de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, notion appréciée in abstracto par les juridictions.
La cour de cassation casse donc l’arrêt d’appel, puisque pour elle, l’obligation du producteur n’est pas sérieusement contestable.
Le simple fait d’avoir constaté le défaut du module aurait dû suffire à retenir l’existence d’une obligation non sérieusement contestable, en raison du régime spécifique de la responsabilité du fait des produits défectueux, et donc à octroyer une provision aux demandeurs. D’où le renvoi devant la cour d’appel pour statuer sur ce point.
V.A.